2025 : France-Maroc, la guerre des visas aura-t-elle lieu ?

Propos recueillis par Meryem Idrissi

Lors de la dernière visite d’État du Président français au Maroc, la question migratoire était au programme. Emmanuel Macron a appelé à « une coopération naturelle et fluide » entre les deux pays contre l’immigration illégale, suivant en cela la tendance européenne dans son virage restrictif. Pourtant, la France semble envisager aujourd’hui une coopération plus étroite afin d’améliorer les procédures entre les deux pays.

Sara Boutin, juriste spécialisée en droit de l’immigration et Directrice générale du Cabinet Legal Counsel France Immigration (Bureaux à Casablanca), répond à nos questions.

Lors de la dernière rencontre à Rabat entre le Roi Mohammed VI et le Président Macron, une nouvelle direction semble avoir été adoptée. Les deux chefs d’État ont exprimé la volonté commune de construire un agenda spécifique, incluant, entre autres, la facilitation des mobilités légales, ainsi que la coopération contre l’immigration irrégulière. Lors de cette rencontre officielle, le Maroc a salué les efforts déployés par la France pour renforcer la mobilité légale, en particulier, celle des étudiants. L’évolution positive des taux d’octroi de visas est bien réelle, ainsi que la protection des droits de la diaspora marocaine installée en France, pilier des relations humaines, culturelles et économiques entre les deux pays a été également au centre des échanges.

M.D : Les nouvelles mesures proposées par la France sont-elles pertinentes ?

Sara Boutin : Elles sont plutôt positives. Malgré les informations contradictoires, le temps est à une forme de conciliation entre la France et le Maroc. Ce n’était pas vraiment le cas ces dernières années. On se souvient qu’en 2021, la France a réduit le nombre de visas délivrés aux ressortissants marocains. On s’insurgeait alors du manque de coopération du Royaume pour faciliter le retour de ses ressortissants en situation irrégulière. Cela a évidemment créé une tension politique. Mais les temps changent. Aujourd’hui, pour le ministre de l’Intérieur français, Bruno Retailleau, le Maroc est un allié « sûr », « un grand pays, un pays ami ». Lors de la dernière rencontre d’État, la partie marocaine a salué les efforts déployés par la France pour renforcer la mobilité légale, en particulier celle des étudiants. De même que le Royaume a relevé l’évolution positive des taux d’octroi de visas. La protection des droits de la diaspora marocaine installée en France, a été également au centre des échanges.

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Malgré les déclarations de Bruno Retailleau, le flux des visas semble plutôt compromis …

Nous ne sommes plus dans le contexte très restrictif de ces dernières années. La réconciliation autour du Sahara marocain a vraiment changé les choses sur le plan de la mobilité des personnes. L’injuste restriction de 2021 sur les visas est bel et bien levée depuis près d’une année, mais, la tension subsiste car cette politique a abîmé pour longtemps l’image de la France au Maroc. Le nouveau ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau annonce aujourd’hui une politique répressive de l’immigration illégale. Cela ne signifie pas que la France n’a pas besoin du Maroc. Au contraire. Au-delà des liens forts entre les deux pays, la France a besoin du Maroc, d’une main d’œuvre qualifiée, pour répondre à ses besoins sur le marché du travail. Donc, non le flux des visas n’est pas tari. Cette crainte est liée à un certain « traumatisme » ressenti ces dernières années au Maroc. La population marocaine, qui tient beaucoup à sa dignité, s’est sentie profondément offensée par la France et cela ne s’oublie pas facilement. Je pense que l’apaisement est réel et souhaité des deux côtés. Les intérêts stratégiques entre les deux pays, économiques et politiques, sont nombreux. L’immigration légale est une part essentielle de ces intérêts.

À Casablanca, la population qui cherche à obtenir un visa rencontre des difficultés quasi insurmontables : lenteur du traitement par les consulats, réponses aléatoires des inscriptions en ligne, intermédiaires plus ou moins légaux… Que proposez-vous de différent en installant votre Cabinet entre Bordeaux et Casablanca ?

Nous avons une longue expérience au sein d’un Cabinet d’avocat spécialisé en droit de l’immigration en France, en tout ce qui concerne les sociétés souhaitant engager des ressortissants marocains qualifiés, via la procédure, entre autres, du Passeport talent. Il est vrai qu’aujourd’hui, on note une certaine lenteur dans l’octroi des rendez-vous, une analyse parfois approximative des dossiers et des blocages récurrents, notamment pour les saisonniers agricoles. Notre travail au Maroc, via notre partenariat avec Bordeaux nous permet de soutenir les démarches des travailleurs, pourtant indispensables à certains secteurs en France, qui se heurtent à des refus souvent injustifiés. Il s’agit parfois d’un manque de coordination entre les services consulaires français à Casablanca et la plateforme de main d’œuvre étrangère. Une entreprise française qui reçoit sept autorisations de travail pour dix saisonniers, va voir cinq de ses saisonniers convoqués et finalement n’obtiendra qu’un seul visa ! Il faut savoir que de nombreux candidats abandonnent leur projet après un refus. Or, un refus de visa n’est pas une fin en soi ! Des procédures de recours existent, telles que le recours devant la Commission contre les refus de visas ou encore le recours contentieux devant le Tribunal administratif de Nantes.

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