Colloque à l’Académie du Royaume : le Maroc et les Etats-Unis, entre passé et présent
Par Farida Moha
L’actualité aidant, intense dirions-nous, semble redonner force et vie aux relations du Maroc et des Etats-Unis, deux grands partenaires historiques. Depuis la reconnaissance par le gouvernement américain de la marocanité du Sahara, l’histoire semble se ressaisir et rebondir. L’amitié entre les deux pays remonte à 1786 , elle s’est pérennisée à travers des événements divers, politiques, militaires, culturels etc…On rappellera que le Sultan Sidi Mohammed Ben Abdarrahmane a été le tout premier Roi du Maroc a dénoncé en 1865. les séparatistes Confédérés. Un fil conducteur commun est celui de la célébration de cette amitié…Le Colloque international qui s’est tenu vendredi à l’Académie du Royaume du Maroc a regroupé chercheurs, anthropologues, historiens, économistes venus du monde entier faire revivre cette exceptionnelle relation maroco-américaine. Nous avons interrogé à ce sujet un historien de notoriété internationale qui a organisé cette rencontre, Mohammed Kenbib, historien contemporanéiste:
MAROC DIPLOMATIQUE – Un colloque international consacré aux relations du Maroc avec le monde extérieur, cette fois-ci avec les Etats –Unis d’Amérique, s’est tenu pendant trois jours au siège de l’Académie du Royaume du Maroc à l’initiative de l’Institut Royal pour la Recherche sur l’histoire du Maroc (IRRHM) dont vous avez la responsabilité. Quelle place y tient la commémoration du 80ème anniversaire du débarquement du 8 novembre 1942 et de la conférence d’Anfa ?
Mohammed Kenbib – Ce sont effectivement deux événements majeurs ayant eu toutes sortes de répercussions tant sur la marche de notre pays vers l’indépendance sous la conduite de feu le Sultan Sidi Mohammed ben Youssef que sur l’infléchissement du cours de la Deuxième guerre mondiale. Le débarquement américain a préludé, comme on sait, celui de Sicile, de Provence et, surtout, le D-Day du 6 juin 1944 en Normandie.
Dans une perspective historique, il est de toute évidence impossible d’évoquer les relations maroco-américaines au présent sans référence à ces deux faits majeurs et, si nécessaire, de remonter encore plus en amont. N’oublions pas que novembre 1942 et janvier 1943 ont représenté un tournant dans l’évolution du pays à maints égards, il suffit d’écouter attentivement et de méditer les paroles et le ton de la fameuse chanson « Maricanes » de Houcine Slaoui, fin chanteur populaire et observateur des moeurs de son temps, avec humour et pertinence.
Le colloque qui vient de se tenir à L’Académie du Royaume s’inscrit dans le cours d’un renouveau maroco-américain avec cet intitulé évocateur : « Les relations Maroc – USA. Passé et Temps présent ». Il y a été donc question aussi de faits et d’événements marquants d’aujourd’hui, c’est-à-dire de l’actualité.
L’historiographie inclut de nos jours même ce qu’on appelle l’histoire immédiate. Elle s’ouvre nécessairement à cet effet aux sciences politiques et aux médias.
Mais avant d’évoquer la programmation, il convient, comme cela est de règle en histoire, de situer le colloque dans son contexte. Il y aurait lieu de faire état au préalable du fait que la sélection des thèmes s’inscrit dans la continuité de l’attention portée par l’Académie du Royaume au monde extérieur sous différents angles ainsi qu’en témoignent les nombreuses manifestations culturelles et scientifiques qu’elle organise. Le deuxième niveau est tout aussi évident puisqu’il est étroitement en rapport avec la nature des liens exceptionnels qui lient au Présent le Maroc aux Etats – Unis et qui plongent leurs racines dans les XVIIIème, XIXème et XXème siècles. Sur le plan proprement scientifique, cela est plus qu’approprié puisque l’historiographie marocaine a intégré depuis plus de deux décennies le Temps Présent dans son champ de recherches même si on n’en est pas encore tout à fait à une vitesse de croisière.
Quels sont les principaux thèmes abordés par les différents intervenants ?
Il est difficile de synthétiser le programme de trois journées marquées par une conférence inaugurale et sept tables rondes ayant réuni plus de trente intervenants dont quatre à distance depuis les Etats-Unis. Compte-tenu de contraintes de temps qui empêchent toute prétention à l’exhaustivité, les communications ont porté sur des aspects essentiels des relations maroco-américaines. Le choix est dicté aussi par la nécessité de ne faire intervenir que des chercheurs de renom ayant travaillé sur ces relations de manière spécifique ou dans le cadre de travaux consacrés à des problématiques où ils se devaient de les évoquer.
Très succinctement, on pourrait citer, à titre d’exemple, les conditions dans lesquelles le Maroc a reconnu l’indépendance des jeunes Etats-Unis et signé avec eux un traité de paix et d’amitié en 1786 ; le rôle de médiateur joué par les Etats-Unis à la conférence d’Algésiras (1906) ; l’interdiction par le Maroc de ses eaux territoriales et de ses ports aux séparatistes sudistes pendant la guerre de Sécession ; les positions des Etats-Unis à l’égard de la France pendant la période du protectorat…
C’est l’un des chercheurs américains, Graham Cornwell, qui a présenté une communication solidement documentée et consacrée à l’attitude adoptée par le Sultan Sidi Mohammed ben Abderrahmane contre les Confédérés sécessionnistes. Cette attitude peut être considérée comme l’un des fondements historiques des relations maroco-américaines
Pour ce qui est du Présent, des communications ont porté, toujours à titre d’exemple, sur l’accord de libre-échange conclu entre les deux pays ainsi que sur le tournant réellement historique qu’a été la reconnaissance par les Américains de la marocanité de nos provinces sahariennes.
Cette reconnaissance et ses répercussions nationales et internationales ont été traitées avec brio et en profondeur par le Pr Mustapha Sehimi. Il en a été de même de celle d’un autre politologue de renom de l’Université du Michigan, Mark Tessler, lequel a travaillé pendant près de 30 ans sur le conflit israelo- palestinien et insisté sur l’importance du rôle de feu le Roi Hassan II, Président du Comité Al Qods, dans le processus ayant abouti aux accords d’Oslo. Une jeune historienne de l’Université Southern California, Jessica M. Marglin, a axé sa communication sur les recherches américaines portant sur le judaïsme marocain. L’intervention de Loubna Skalli, professeure à l’Université de Californie a porté quant à elle sur les études consacrées par de chercheurs d’Outre Atlantique aux femmes marocaines. La Professeure Marie – Pierre Ulloa, de l’Université Stanford à traité pour sa part de ce qu’elle a appelé l’émigration d’élite de Marocains et de Marocaines en direction de la Californie, de leur réussite et de la notoriété de certains d’entre eux.
Dans tout ce qui précède il ne s’agit que d’un panorama. Pour que les chercheurs et le public puissent disposer des communications de tous les intervenants, l’Institut va s’attacher l’éditing et la publication des Actes de ce colloque dans les meilleurs délais.