40 ans après la révolution, les Iraniens veulent le retour à une vie normale
Saad Bouzrou
L’Iran célèbre, lundi 11 février 2019, le 40ème anniversaire de la révolution islamique, avec beaucoup de fanfare, un défilé militaire, des discours, des festivités, l’accueil d’invités étrangers et de nombreuses autres manifestations. Mais quarante ans après le soulèvement qui donna naissance à la République islamique, le peuple iranien se montre de plus en plus hostile à la ferveur révolutionnaire sans fin du régime.
Le 22 bahman du calendrier iranien est un jour férié en Iran, il commémore le renversement du régime impérial du chah Mohammad Réza Pahlavi, le 11 février 1979, dix jours après le retour d’exil de l’Ayatoullah Rouhollah Khomeini. Quatre décennies après, le peuple iranien se sent largement déconnecté de l’élan révolutionnaire de son gouvernement. Il souhaite la fin des slogans du régime, une consécration des ressources à l’amélioration de l’économie et du bien-être des citoyens, ainsi que la fin des violations des droits de l’homme.
Les Iraniens veulent revenir à la vie normale
Les Iraniens veulent désormais que le régime respecte les droits des citoyens, y compris les droits des femmes et les droits des minorités. Ils demandent que le régime respecte la vie privée des gens et leur sécurité dans les espaces publics et privés. Ils veulent voir cesser l’aventurisme dans la région qui, à leur avis, est une grande gabegie, compte tenu des ressources limitées de l’Iran, ce qui provoque l’isolement international de leur pays et lui colle l’étiquette d’Etat terroriste. En bref, ce que le peuple souhaite, c’est de laisser derrière lui la ferveur dite révolutionnaire et revenir à la vie normale.
Le régime islamique a réussi à créer un système dans lequel la corruption est généralisée, la pauvreté palpable et le chômage élevé. Il ne tolère aucune protestation ou dissidence. Les grèves des travailleurs dont les salaires ne sont pas payés ou qui n’arrivent pas à boucler leur budget sont brutalement réprimées.
Les gouvernements successifs, fondamentalement irresponsables devant le peuple, ont échoué dans leur promesse de création d’emplois et de prospérité, ce qui a poussé les jeunes iraniens à réagir via Facebook, Instagram, ainsi que par tweets et messages, malgré la censure gouvernementale.
La République islamique venait après la Liberté
Les personnes qui sont descendues dans la rue il y a 40 ans pour réclamer la révolution étaient pleines d’aspirations et d’espoir. Elles voulaient la démocratie, la primauté du droit et la responsabilité plutôt que la règle du haut vers le bas. Leur devise était « Indépendance, Liberté, République islamique ». Ils ont fini par devenir une « République islamique » comme personne ne l’aurait imaginée, sans démocratie réelle, sans règle de droit, sans responsabilité ni respect des libertés fondamentales des individus. Un réveil brutal ne s’est pas fait attendre.
Ce qui a suivi est bien connu : purges et arrestations massives des membres de l’ancien régime, élimination des échelons supérieurs de l’armée, de la police, des services de sécurité, de la fonction publique et du pouvoir judiciaire. Les Tribunaux révolutionnaires ont envoyé des centaines, voire des milliers d’opposants, devant le peloton d’exécution ; des comités révolutionnaires de surveillance dans les quartiers urbains ont été créés ; d’anciens militants parmi les partis de gauche et les organisations de guérilla et même parmi les hauts dirigeants critiquant ces mesures ont été éliminés sans merci ; la prise en charge par l’État de plusieurs secteurs privés par la nationalisation et l’expropriation a très vite été mise en place.
La femme reste la 1ère victime
Les femmes constituent la première classe de victimes du nouveau régime. D’un coup de crayon, elles ont perdu tous les droits juridiques et sociaux qu’elles avaient acquis sous le précédent régime. La suspension de la loi sur la protection de la famille a relégué les femmes au rang de citoyens de deuxième classe sans droit propre. Le divorce, la polygamie et la garde des enfants sont redevenus l’apanage des hommes.
Outre l’âge du mariage qui a été réduit pour les filles de 18 à 9 ans, les femmes doivent porter le voile et adopter un code vestimentaire islamique. Les enseignants de sexe masculin n’ont pas le droit d’enseigner dans les écoles de filles et la séparation des hommes et des femmes dans les salles de classe universitaires a été tentée, mais elle n’a pas été imposée. Le non-respect de ces mesures est passible de 74 coups de fouet.