Texte intégral du discours de M. Nasser Bourita à la conférence de Rabat sur la migration : Le plaidoyer du Maroc
Voici le discours que M. Nasser Bourita a prononcé ce mardi 9 Janvier à l’ouverture de la conférence de Rabat sur la migration.
« Chères sœurs et chers frères, Mesdames et Messieurs les Ministres, Excellences, Mesdames et Messieurs,
D’abord et avant tout, je vous souhaite, à toutes et à tous, une bonne et heureuse année 2018. Mes voeux de réussite, de santé et de prospérité vous accompagnent.
C’est pour moi un réel plaisir d’entamer cette année 2018 en vous accueillant à Rabat, aujourd’hui, à l’occasion de cette importante Conférence Ministérielle pour un Agenda Africain sur la Migration.
Je tiens, tout d’abord, à saluer S.E.M Mamady Touré, Ministre des Affaires Etrangères et des Guinéens à l’Etranger, qui représente le Président de la République de Guinée et Président en exercice de l’Union Africaine, S.E.M Alpha CONDÉ.
Je me réjouis, aussi, tout autant, de la présence de ma sœur, Son Excellence Madame Maite NKOANA-MASHABANE, Ministre des Affaires étrangères de l’Afrique du Sud, qui visite le Maroc pour la première fois – mais pas la dernière, je l’espère.
A vous tous, Ministres des pays frères des différentes sous-régions de notre continent africain, et hauts représentants de l’Union Africaine et des Communautés Economiques régionales, je souhaite la bienvenue dans votre second pays : le Maroc.
La Conférence Ministérielle Africaine pour un Agenda Africain sur la Migration, qui nous réunit aujourd’hui, s’inscrit dans la continuité d’un processus amorcé lors du 28ème Sommet de l’UA, lorsque Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Que Dieu L’assiste, a accepté, à la demande du Président Condé, de coordonner l’action de l’Union Africaine en matière de migration.
En juillet 2017, conformément à ce mandat panafricain, Sa Majesté le Roi a posé les premiers jalons d’un agenda africain sur la Migration, en présentant une note préliminaire qui définit une «Vision pour un Agenda africain sur la Migration », lors du 29ème Sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Union Africaine.
Une Retraite Régionale sur la Migration, s’est tenue au Maroc en novembre 2017, avec pour objectif d’être un forum de réflexion, inclusif, consensuel et participatif. Elle a permis de capitaliser sur les contributions des quelques 120 participants – Ministres,
Hauts responsables, Dirigeants d’Organisations Internationales, chercheurs et autres acteurs de la société civile.
Aujourd’hui, nous aspirons à pousser la réflexion plus loin et à prolonger les concertations dans le sens d’une vision prospective et orientée vers l’action à travers un Agenda Africain sur la Migration.
Le 30ème sommet de l’UA verra la présentation officielle du résultat de notre réflexion collective sur la Migration. Il s’agira, certes, de la culmination du processus, mais certainement pas de sa fin. Bien au contraire, ce sera le début d’un nouveau chapitre qui verra notre vision africaine commune, portée à nos partenaires extérieures et aux Nations Unies, pour une appropriation commune à l’échelle internationale.
Dans l’esprit de la Note Préliminaire qui a été présentée par Sa Majesté Le Roi, lors du 29ème Sommet de l’Union Africaine, l’Agenda Africain sur la Migration s’articulera autour de 3 axes principaux :
En premier lieu, faire de la migration en Afrique, un choix et non une nécessité. La migration est, à la fois, une réalité incontournable et une opportunité à saisir, en valorisant les contributions des migrants et des diasporas, à la dynamisation de l’espace économique, au développement durable, à la cohésion sociale et à la diversité culturelle.
En second lieu, il est fondamental de s’affranchir des idées reçues et de battre en brèche les stéréotypes associés aux migrants. La connaissance informée est, en effet, la condition sine qua none de toute réponse africaine fiable, concrète et complète. Il suffit, pour s’en apercevoir, de rappeler que la migration est régulière à hauteur de 80% ; qu’elle bénéficie d’abord aux pays d’accueil puisque 85% des apports y restent ; que la migration africaine est, africaine (sur 5 migrants africains, 4 restent en Afrique).
En troisième lieu, il s’agit de forger une vision globale, intégrée et holistique de la migration, centrée sur le nexus migration-développement et fondée sur les droits humains des migrants. Cette vision du phénomène multidimensionnel de la migration se traduit par une amélioration significative des données quantitatives et qualitatives sur la migration, des politiques nationales cohérentes, une coordination sous- régionale efficace, une perspective continentale pertinente et un partenariat international mutuellement bénéfique.
L’Agenda Africain sur la Migration est orienté vers l’action et a pour objectif ultime de promouvoir une coopération optimale entre les pays d’origine, de transit, de destination et de retour.
Les politiques de maitrise des flux se sont révélées inefficaces, puisqu’elles interviennent uniquement en aval des mouvements migratoires. Il est nécessaire de remédier, en amont, aux causes profondes des déplacements massifs, d’intensifier les efforts de prévention des situations de crise, de faire face à l’absence de perspectives économiques, l’instabilité, l’exclusion, et aux conséquences néfastes du changement climatique.
La gestion efficace des frontières et le respect des droits humains ne sont pas mutuellement exclusifs. Ils doivent être appréhendés ensemble dans une démarche de complémentarité. Les politiques de maîtrise des flux, la lutte contre la migration forcée, la traite des êtres humains et le trafic des migrants doivent aller de pair avec la création et l’élargissement des voies régulières de migration.
Par ailleurs, le recrutement équitable des travailleurs migrants, la reconnaissance et le développement des compétences, l’intégration économique, sociale et civique des migrants, ainsi que le partage des responsabilités en matière de gestion des frontières, de retour, de réadmission, d’intégration et de réintégration, sont quelques uns des volets majeurs de l’Agenda Africain sur la Migration.
En somme, l’Agenda Africain sur la Migration suppose un changement de paradigme, une redéfinition de la migration, qui s’appuie sur une démarche introspective et positive ainsi qu’une volonté politique réelle des Etats, qui ont tout intérêt à ce que la migration se fasse dans la sécurité, la légalité, la régularité, l’ordre et le respect des droits humains.
L’Agenda Africain sur la Migration auquel nous aspirons collectivement, doit tendre à faire de la migration un levier du co-développement, un pilier de la Coopération Sud- Sud, et un vecteur de solidarité.
Cela revient à reconnaître la contribution des migrants au développement, de promouvoir leur droit et de concevoir la migration comme une richesse de tous, et non pas comme un appauvrissement des uns par les autres. Cela revient, également, à saisir les opportunités de la migration dans toutes ses dimensions, en transformant le dividende démographique en potentiel de croissance économique, et en investissant dans la jeunesse à travers la mise en oeuvre d’initiatives dans les domaines de l’éducation, de la formation professionnelle et de l’emploi.
Le Maroc gage que c’est une chance pour l’Afrique, que la migration soit conçue comme un vecteur de solidarité, de co-développement et de coopération Sud-Sud. Cet afro-optimisme est à la base même de la politique migratoire du Royaume. Et c’est ce même esprit que le Royaume défend dans les fora internationaux.
Comme vous le savez, l’Assemblée Générale a adopté à l’unanimité une résolution dans laquelle le Maroc a été désigné pour abriter, les 10 et 11 décembre 2018, la
Conférence d’Adoption du Pacte Mondial pour des Migrations Sûres, Ordonnées et Régulières.
Cette Conférence viendra compléter les travaux du Forum Mondial sur la Migration et le Développement, co-présidé par le Maroc et l’Allemagne, dont le 11ème Sommet se tiendra à Marrakech, du 5 au 7 décembre 2018.
Il s’agit là d’une triple consécration du Royaume dans le domaine de la migration et de son rôle pionnier à l’échelle nationale, continentale et internationale. Cette désignation représente également une reconnaissance de l’efficacité de la politique nationale d’immigration et d’asile lancée en 2013. Humaniste et globale, elle a permis la mise en place de deux phases de régularisation de migrants en situation irrégulière. La première en 2014, a permis la régularisation de 25.000 migrants sur 28. 000 demandes. Depuis le lancement de la nouvelle campagne de régularisation en 2016, plus de 25.000 demandes ont été déposées.
En tant que pays hôte de la conférence d’adoption du Pacte Mondial, le Maroc encourage l’adoption d’une position africaine commune, qui traduit la vision partagée de la migration en engagements réalisables reflétant les priorités du continent. C’est en ce sens que l’Agenda Africain sur la Migration aiguillera le Pacte Mondial.
Il s’agit en effet d’une opportunité historique pour transformer la gouvernance mondiale des migrations, et ériger la responsabilité partagée en principe fondamental de toute démarche visant à repenser la migration et à consolider les piliers du multilatéralisme, que sont le respect de la souveraineté des Etats et le renforcement de la coopération.
2018 sera, pour nous, une année africaine, placée sous le signe de la Migration. En effet, le Maroc s’engage à faire des rencontres multilatérales qu’il abritera, une tribune pour le continent et à mettre son leadership en matière de migration au service de l’Afrique.
Il est grand temps de cesser de se méprendre, en arrêtant de pointer du doigt l’Afrique comme étant le principal pourvoyeur de migrants en situation irrégulière. L’Afrique n’est ni un pourvoyeur de migrants, ni un simple lieu de passage. Sur 258 millions de migrants dans le monde en 2017, moins de 14% (36 millions) sont africains.
L’Afrique est un continent qui se réinvente en prenant toute la mesure de l’opportunité que représente la migration. C’est par ailleurs le continent dont les Etats ont le plus ratifié les instruments internationaux sur les droits et la protection des migrants.
L’Afrique a le pouvoir de changer les perceptions négatives sur la migration pour la transformer de manière positive. C’est le projet de l’Agenda Africain pour la Migration qui cristallise notre ambition collective.
Je vous remercie. »