Ramadan, Hulot, Darmanin et les autres …
Faut-il rappeler qu’un pays qui se respecte fait de la lutte contre les violences faites aux femmes sa priorité ? Faut-il encore rappeler que le viol est un crime qu’il faut arrêter de déguiser en délit ? Or ce qui est choquant c’est de voir que quand des agressions sexuelles sont signées par des noms médiatiques, le traitement n’est pas le même. Disons même que le nom ou l’identité changent la donne. Et le coup de tonnerre c’est quand, sous nos cieux, certains de chez nous s’amusent à jouer les pompiers de service et s’évertuent à défendre l’indéfendable en prêtant main forte à un accusé de viol.
Le deux poids, deux mesures de la France
La campagne #BalanceTonPorc et #MeToo ont exhumé des abysses tous les cris tus en dénonçant sur les réseaux sociaux les agressions sexuelles et le harcèlement notamment dans les lieux de travail, suite aux accusations portées contre le producteur américain Harvey Weinstein. Seulement, des noms bien connus ont été « balancés » donnant matière à dévorer aux médias du monde entier. Aussi, celui qui a fait grand bruit est le nom de l’islamologue et théologien suisse Tariq Ramadan qui est tombé dans le filet, dénoncé par l’ancienne salafiste devenue militante féministe et laïque, Henda Ayari, le 20 octobre, pour « faits criminels de viol, d’agressions sexuelles, de violences volontaires, de harcèlement et d’intimidation ». Le 27 octobre, une deuxième plainte est déposée contre lui pour des faits qui auraient eu lieu en 2009. S’ensuit une garde à vue, le 31 janvier 2018, à la police judiciaire de Paris. Dès lors, l’accusé a dû subir un déferlement médiatique sans précédent, le diabolisant et le donnant en pâture. Les médias français s’en donnent à cœur joie, lui jettent l’anathème et les pierres pleuvent de partout. Bien fait pour lui dira-t-on si les faits s’avèrent vrais ! Seulement, la presse de l’Hexagone est plus généreuse quant à un certain Tariq Ramadan – sur lequel on tire à boulets rouges – qu’elle ne l’est avec ses rejetons incriminés pour la même atrocité. C’est dire que les faits peuvent être similaires mais pas le traitement.
En effet, rien qu’à faire un tour des réseaux sociaux ou de Google, on se rend compte que les médias français gardent plutôt une attitude réservée par rapport aux affaires de Nicolas Hulot et de Gérald Darmanin qui n’ont pas passé la rampe. Le démenti catégorique du ministre de la Transition écologique a même précédé la parution de l’article du magazine hebdomadaire l’Ebdo qui a remis sur le tapis deux accusations de harcèlement et d’agressions sexuels datant de plusieurs années contre Hulot. Un passé embarrassant pour le gouvernement français et pour la famille Mitterand dont la petite fille, Pascale, avait déposé une plainte en 2008 contre le ministre. La deuxième accusation de harcèlement sexuel est formulée par une ex-collaboratrice de la fondation qu’il animait. Aussi s’est-il vu obligé de se défendre de rumeurs « ignominieuses » le visant, tout en reconnaissant toutefois l’existence d’une plainte en 2008, classée « sans suite » du fait de la prescription. Contre toute attente, le Président de la République et le gouvernement le soutiennent, en vertu de la règle selon laquelle seule une mise en examen peut entraîner une démission.
« Il faut aussi que les faits soient avérés car il est aussi possible d’accuser sans preuve » dira la ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn.
Le ministre de l’Action et des Comptes publics a, pour sa part, été entendu, lundi 12 février, en audition libre par la police, dans le cadre d’une enquête pour viol. Gérald Darmanin est accusé par Sophie Spatz de l’avoir violée, en mars 2009 alors qu’il était chargé de mission des services juridiques de l’UMP, en échange d’une intervention dans un dossier judiciaire la concernant. Classée sans suite, en juillet dernier, l’enquête est rouverte le 22 janvier.
L’un des avocats de Darmanin a reconnu que le ministre de l’Action et des Comptes publics avait eu une relation sexuelle librement consentie avec son accusatrice.
Certes, c’est à la justice de faire son travail mais les médias jouent un rôle capital de porter la voix des sans voix. Toujours est-il que l’éthique veut qu’on ne manipule pas la sensibilité de l’opinion publique.
Il est clair qu’entre le traitement des trois affaires pour viol, l’attitude de la presse française est plutôt incohérente et surtout animée par d’autres motifs.
Prescription vaut-elle donc innocence ?
Au Maroc, Certains agissent à la mode de Bretagne
Mercredi 14 février, la toile s’enflamme et pour cause l’annonce d’un événement qui n’en est pas un ! Une affiche pour le moins que l’on puisse dire, provocatrice, où trône le visage souriant de Tariq Ramadan, en bas d’un titre en lettres capitales : « Dans le cadre de l’INITIATIVE NATIONALE DE SOUTIEN A TARIK RAMADAN »… Rien que ça ? Il n’y a plus qu’à tirer l’échelle et honni soit qui mal y pense !
De ce fait, des associations dont les noms sont méconnus (Al Massar, Anwaar, Al Hidn, Espace Cadres, Arri’aya et l’Association marocaine de défense de l’indépendance de la justice) organisent, samedi « Une rencontre ouverte avec le public en soutien au professeur Tarik Ramadan », à Casablanca, envers et contre tous !!! Elles vont en dire de bien bonnes, à coup sûr.
Le petit-fils du fondateur de la confrérie islamiste égyptienne des Frères musulmans peut se targuer de la planche de salut que lui offrent ses frères marocains qui vont même jusqu’à vouloir tirer les marrons du feu quitte à compromettre tous leurs concitoyens dans une « initiative » qu’ils qualifient de « NATIONALE » au grand dam du pays où on prône les droits de la femme. En tendant la perche à un accusé de viol pour le tirer du néant, c’est l’image du pays qu’on cherche à ternir et qu’on ouvre à tous les vents.
Y a-t-il lieu de se demander jusqu’à où peuvent aller l’absurdité et la bêtise humaine ? N’a-ton pas, au Maroc, d’autres urgences pour se pencher sur une affaire de mœurs et afficher son soutien inconditionnel alors que la justice n’a pas encore dit son mot ? N’est-on pas en train de mettre à l’index le pays et donner un sacré coup à tous les efforts que le Roi fournit pour changer le statut de la femme marocaine et la hisser, quelles que soient les raisons qui motivent cet appui ?
Pas de circonstances atténuantes pour le viol
La logique des choses veut qu’on soit solidaire des luttes des femmes qui dénoncent leurs violeurs. Ce crime immonde qui sévit au sein de nos sociétés doit être puni et la peine doit être à la hauteur de l’agression physique et psychologique faite à la victime. De facto, c’est la justice qui doit trancher et personne n’a le droit de s’improviser juge.
Ceci dit, tout accusé a droit à la présomption d’innocence mais cela doit s’accompagner du respect de la parole des femmes qui se disent victimes de violences sexuelles. Faut-il préciser que le viol est une monstruosité pour laquelle, le plus souvent, il n’y a pas de preuve palpable hormis la parole de la présumée victime contre le présumé coupable ? Une présomption de culpabilité d’emblée est aussi dévastatrice. Aussi faut-il faire confiance à la justice. A ceux qui ont inventé le mythe de la femme qui ment, rappelons-leur qu’il y a aussi le mythe de l’homme saint.
Vouloir que les femmes agressées sexuellement obtiennent justice est un processus aussi nécessaire que juste.