« 5ème mandat » de Bouteflika : graves révélations sur le général « Mahfoud » et les financements occultes
Nous reprenons ici l’enquête réalisée par notre confrère « Algérie Part » sur les financements occultes d’un lieutenant-colonel dénommé Mahfoud du bureau du DRS à Berlin coupable d’opérations occultes de financement de la campagne électorale de Bouteflika qui tombe sous le coup de la justice algérienne . Un cas du système de corruption patente et de retombées sur la vie politique algérienne aujourd’hui.
C’est un scandale qui a été étouffé dans la plus grande discrétion par la Présidence de la République en Algérie. Et pourtant, c’est un scandale qui en dit long sur la déliquescence des institutions sécuritaires chargées de préserver la sécurité nationale face aux menaces potentielles depuis l’étranger. Dans ce scandale inédit et étouffé qui a été déterré par les révélations d’Algérie Part, nous retrouvons deux personnages principaux : le général-major Nour-Eddine Mekri, alias « Mahfoud », l’homme qui dirige la Direction de la documentation et de la sécurité extérieure (DDSE) depuis le 20 janvier dernier, et le sulfureux lieutenant-colonel Tarek Amirat.
Tarek Amirat est ex-coordinateur général du DRS, les services secrets algériens, au niveau de l’ambassade d’Algérie à Paris. Comme il a été expliqué dans les dernières révélations d’Algérie Part, le lieutenant-colonel Tarek Amirat a été condamné en août 2019 par le tribunal militaire de Blida à de la prison ferme, payant, selon des sources, sa proximité avec le clan présidentiel, incarné par le Général Tartag et Said Bouteflika, opposé à celui de l’ex chef d’Etat Major, feu Gaid Salah. Tarek Amirat a été condamné et emprisonné pour complot et atteinte à la hiérarchie militaire, car ayant eu recours à la France pour soutenir la Issaba au pouvoir, tout en omettant de faire état de ses réunions secrètes avec les services de renseignements français.
Cependant, la mort de Gaid Salah va tout précipiter et permettre au commandant Tarek Amirat de retrouver sa liberté sans être pour autant… blanchi. Tarek Amirat a été libéré à la fin du mois de Janvier 2020. A la grande surprise de plusieurs hauts responsables de l’institution militaire, Tarek Amirat a été réhabilité sans se soumettre à une enquête de la Direction Centrale de la Sécurité de l’Armée (DCSA) comme le prévoit la réglementation interne. Depuis février 2020, il a été réintégré à la DDSE et occupe un poste stratégique au sein de la direction du service dédié à la lutte contre les éléments subversifs exilés à l’étranger. Ce service a été essentiellement dédié à la neutralisation des militants influençeurs établis à l’étranger ainsi que les journalistes indépendants qui continuent de travailler en faveur d’un journalisme indépendant, intègre et, par ricochet, hostile au régime algérien qui veut instaurer une dictature absolutiste sans tolérer la moindre voix dissidente.
En quelques mois, Tarek Amirat a été promu lieutenant-colonel sans faire preuve d’aucun mérite militaire et en dépit de son passé scandaleux et de son incarcération à la prison militaire de Blida, il s’est imposé comme l’un des éléments les plus influents de la DDSE. Et même le patron de la DDSE, le général-major Mahfoud peine à résister à son influence. Pourquoi ? Parce que le Tout-Alger affirme que Zoubida Amirat, la maman de Tarek Amirat, est la copine du Chef d’Etat-Major de l’ANP, Said Chengriha, le puissant patron de l’institution militaire algérienne.
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Présentée comme une femme incarnant le nationalisme et le combat de la femme algérienne dans la guerre de libération, Zoubida Amirat, veuve du défunt moudjahid Slimane Amirat, est considérée en Algérie comme « une image vivante d’une Algérienne dont la vie rime avec le dévouement pour la patrie et la justice ». En réalité, elle est une puissante lobbyiste et une femme de réseaux qui entretient des liens puissants avec de nombreux dirigeants algériens et diplomates étrangers notamment occidentaux. C’est Zoubida Amirat qui est allée jusqu’à solliciter au début de l’année 2020 une entrevue avec le Chef d’Etat-Major de l’ANP, Said Chengriha, pour le supplier de réhabiliter son fils, le commandant Tarek Amirat. Et depuis cette séquence troublante, les Amirat font courir la rumeur qu’ils sont les petits protégés du puissant Said Chengriha. Cette rumeur s’est transformée en une arme fatale de lobbying permettant à Tarek Amirat d’utiliser à tort et travers le nom de Said Chengriha au sein de la DDSE pour effrayer ses adversaires et accomplir son profond désir de vengeance consistant à éliminer les anciens officiers de la DDSE qui ont contribué à son emprisonnement pour intelligence avec une puissance étrangère en 2019.
Auréolé du prestige de la supposée amitié intime de sa maman avec Said Chengriha, le lieutenant-colonel Tarek Amirat ne va pas se contenter de se venger contre les anciens officiers de la DDSE en obtenant leur mise à l’écart. Il va aussi profiter de l’étonnante faiblesse de caractère du général-major Mahfoud, un vieux général âgé de plus de 71 ans, malade et manquant cruellement d’autorité sur ses troupes. Rappelé aux fonctions après plus de cinq années de retraite, ce vieux général âgé se fait grossièrement manipuler par ses officiers secondaires notamment le lieutenant-colonel Tarek Amirat. Le général-major Mahfoud veut uniquement terminer sa carrière en beauté et espère lui-aussi obtenir le plus longtemps possible les bonnes faveurs de Said Chengriha. Et pour ce faire, il compte beaucoup sur le coup de pouce de la maman de Tarek Amirat, la fameuse « amie » du patron de l’Institution Militaire.
C’est dans ce contexte totalement affolant et désastreux pour « service secret » censé protéger les intérêts stratégiques du pays et de jouer le rôle d’une véritable centrale d’intelligence à l’étranger pour protéger la sécurité nationale, le général-major Mahfoud va opérer une manoeuvre qui a fini par ruiner la crédibilité de la DDSE. En effet, le vieux général a proposé toute une nouvelle liste de nominations à la tête des 36 bureaux de sécurité, les fameux BS, à l’étranger. Ces BS sont des organismes sécuritaires gérés par la DDSE au sein des ambassades d’Algérie situées dans les pays les plus stratégiques du monde comme la France, les Etats-Unis, la Grande Bretagne, la Chine, la Russie, l’Allemagne, etc.
Le chef du Bureau de Sécurité (BS) au sein d’une ambassade d’Algérie à l’étranger est le relai de la DDSE dans un pays déterminé et joue ainsi le rôle d’interlocuteur des services secrets étrangers et coordonne par ricochet la coopération sécuritaire avec les centrales d’intelligence américaines, françaises, russes, turques ou chinoises dans les dossiers les plus sensibles de l’heure. Le chef d’un BS est donc un poste influent et hyper-stratégique. Justement, Tarek Amirat avait dirigé le BS de Paris entre 2018-2019 après avoir dirigé le BS de Rome en Italie entre 2016 et 2017. A l’époque, il était uniquement « commandant » et il a pu se permettre une telle ascension qui est généralement réservée à des colonels ou des généraux.
Mais là encore, Tarek Amirat a bénéficié du lobbying de « Maman » et de l’un de ses frères, qui était l’ami du fameux… Said Bouteflika. Si en 2021, les Amirat sont les partisans et amis de Said Chengriha, en 2017, 2018 et 2019, les Amirat étaient les amis fidèles de… Said Bouteflika et du clan présidentiel déchu en avril 2019. Algérie Part reviendra sur cette séquence avec de nouvelles révélations dans ses prochaines investigations.
Restons, pour l’épisode d’aujourd’hui, concentrés sur les scandaleuses pratiques du général-major Mahfoud et Tarek Amirat. En prévision des changements qui seront opérés à la tête des 36 BS répartis à travers le monde, le général-major Mahfoud a voulu imposer le lieutenant-colonel Tarek Amirat à la tête du BS de Berlin, l’un des plus prestigieux postes pour la DDSE à l’étranger. Or, cette décision prise par le général-major Mahfoud a suscité un véritable scandale au sein de la DDSE. Et le scandale a fini par arriver jusqu’aux oreilles des conseillers du Palais Présidentiel d’El-Mouradia qui ont été stupéfiés par les propositions extravagantes du vieux général âgé de 71 ans et l’absurdité de ses manigances.
Et pour cause, le nom de Tarek Amirat est toujours cité dans d’autres scandales qui ont été étouffés secrètement. Des scandales qui le discréditent pour toujours et font de son ascension un véritable danger pour la sécurité nationale. Et pour cause, au début de l’année 2019, en tant que chef du BS de l’ambassade d’Algérie à Paris, Tarek Amirat a été associé grandement par Said Bouteflika à la collecte des fonds nécessaires au financement de la campagne électorale à l’étranger notamment en France du 5e mandat que voulait briguer le clan présidentiel.
C’est effectivement Tarek Amirat qui a été chargé de travailler en étroite collaboration avec Djamel Bouras, célèbre député FLN de la diaspora algérienne, originaire de Lille au nord de la France, qui était à l’époque le vice-président du parlement panafricain depuis le 10 mai 2018. Djamel Bouras était l’homme de main des Bouteflika en France. Il était le principal animateur des campagnes électorales de Bouteflika en Europe comme ce fut le cas lors de la campagne du 4e mandat en 2014. Il était également l’ami personnel de Nacer Bouteflika, l’autre petit frère d’Abdelaziz Bouteflika, ex-secrétaire général du ministère de la Formation Professionnelle durant de longues années jusqu’à 2019, année de la chute du clan présidentiel.
Djamel Bouras a été chargé par Said Bouteflika dés le début de 2019 de contacter les hommes d’affaires algériens possédant des actifs financiers en France pour récolter les fonds nécessaires au financement de la campagne du 5e mandat. Djamel Bouras était ainsi le cerveau de l’opération du 5e mandat en France et dans toute l’Europe. Il a eu comme instruction de la part de Said Bouteflika collaborer activement avec le commandant Tarek Amirat, le patron du BS de Paris, qui a instrumentalisé ainsi ses fonctions au sein de la DDSE pour servir l’agenda politique du clan présidentiel.
Algérie Part a pu confirmer au cours de ses investigations que Tarek Amirat rencontrait régulièrement Djamel Bouras pour assurer le suivi de la collecte des fonds et des financements de la campagne pour le 5e mandat d’Abdelaziz Bouteflika. Pis encore, Tarek Amirat a utilisé les moyens logistiques et matériels de l’ambassade d’Algérie à Paris et du Bureau de Sécurité pour faciliter le travail de Djamel Bouras. Selon nos investigations, au moins 200 mille euros ont été collectés au cours de ce processus en France pour préparer la campagne du 5e mandat. Or, cet argent a étrangement disparu et ni Djamel Bouras ni Tarek Amirat n’ont rendu des comptes à propos de ces opérations de financements occultes d’une campagne électorale. Et pourtant, une enquête avait été officiellement diligentée en mai 2019 par la Direction Centrale de la Sécurité de l’Armée (DCSA) sur ce dossier. C’est, d’ailleurs, la DCSA qui avait exigé le « rapatriement » de Tarek Amirat pour qu’il soit auditionné et ensuite jugé dans l’affaire des « rencontres secrètes » entre des acteurs politiques algériens et une délégation de la DGSE, le renseignement extérieur français.
En parallèle, la DCSA avait lancé des investigations sur la collecte de ces financements occultes à Paris en détournant les moyens logistiques et les prérogatives de l’ambassade d’Algérie à Paris. En été 2019, les enquêteurs de la DCSA avaient pu démontrer que seulement 50 mille euros de ces financements ont pu être tracés alors que 150 mille euros ont disparu par magie des caisses noires de la campagne du 5e mandat de Bouteflika.
Mais aussi étrange que cela puisse paraître, à partir de la réhabilitation au début de l’année 2020 de Tarek Amirat et après tous les chamboulements ou changements brusques ayant secoué la DCSA de 2019 jusqu’à 2020, les documents de cette enquête sur les 200 mille euros collectés pour les financements de la campagne du 5e mandat en France ont… totalement disparu ! Et l’enquête a été rayée des archives.
En dépit de ce passé sombre marqué encore par de nombreuses zones d’ombre, le général-major Mahfoud a voulu imposer le lieutenant-colonel Tarek Amirat à la tête du Bureau de Sécurité de Berlin. Fort heureusement, à la Présidence de la République, deux conseillers influents d’Abdelmadjid Tebboune vont réagir rapidement en corrigeant cette maladresse et en refusant catégoriquement les propositions formulées par le général-major Mahfoud. Il s’agit de Boualem Boualem, conseiller juridique de Tebboune et son véritable bras-droit dans la gestion des gros dossiers de l’Etat, ainsi que Abdelhafid Allahoum, un autre conseiller très proche et l’un des plus fidèles compagnons de Tebboune. Les deux conseillers sont intervenus pour bloquer la nomination du lieutenant-colonel Tarek Amirat à la tête du Bureau de Sécurité de Berlin empêchant ainsi un autre énorme scandale de trafic d’influence qui aurait pu ébranler une importante institution sécuritaire.
Notons enfin que jusqu’à aujourd’hui, ni le général-major Mahfoud ni le lieutenant-colonel Tarek Amirat n’ont été soumis à une enquête sérieuse et approfondie à la suite de cette inquiétante manigance et opération de manipulation pour s’emparer d’un poste stratégique à la tête du BS de Berlin. Algérie Part publiera sur ces dossiers de nouvelles révélations dans les prochains jours.
Source : https://www.algeriepartplus.com/