Elections générales espagnoles de 2019, Quelle évaluation ?
Par Jawad Kerdoudi
Premier partenaire commercial du Maroc, l’Espagne où vit une importante communauté marocaine va connaître des élections générales en 2019.
Ces élections vont se tenir le Dimanche 28 Avril 2019 afin d’élire les 350 députés et 266 sénateurs des Cortes Générales. Ce scrutin est convoqué par le Président du gouvernement socialiste Pedro Sanchez, huit mois après son arrivée au pouvoir, et suite à l’adoption d’une motion de censure contre le projet de loi de finances pour l’année 2019.
Les principaux partis politiques espagnols sont le Parti populaire (droite) qui avait remporté 33% des voix lors des élections de 2016, le PSOE (socialiste) avait remporté 22,6% des voix, et Podemos (extrême-gauche) 21,2% des voix. Les autres partis sont Cuidadanos (Centre) avec 13,1% des voix, et un nouveau Parti d’extrême-droite Vox qui avait remporté 0,2% d voix.
Le plus inquiétant dans la scène politique espagnole est la création en 2013 du Parti Vox, alors que l’Espagne se croyait immunisée contre l’extrême-droite depuis la dictature de Franco. En Décembre 2018, Vox a remporté 11% des voix dans les élections régionales andalouses, et en alliance avec le Parti populaire et Cuidadanos, avait permis de former le gouvernement régional d’Andalousie.
Le programme du parti Vox qu’on peut qualifier de nationaliste et d’ultraréactionnaire, se prononce tout d’abord pour l’unité de l’Espagne. Il a initié des plaintes en justice lors de la tentative de sécession de la Catalogne en Octobre 2017, et se déclare opposé aux régions autonomes et à la décentralisation qui menace de détruire le pays. Il se situe contre le cosmopolitisme et le multilatéralisme, notamment contre l’islamisme qui selon lui veut imposer la Charia.
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S’il ne met pas en cause l’appartenance de l’Espagne à l’Union européenne, il est contre le projet des Etats-Unis d’Europe. Sur le plan social, il se présente comme le défenseur de la famille traditionnelle notamment en s’opposant à l’avortement et au mariage homosexuel. Il est contre le féminisme radical et considère la journée de la femme (8 Mars) comme une manifestation démagogue et insultante qui prône une guerre civile entre les sexes. Il met en exergue l’Espagne mythique : chasse, pêche, tauromachie, semaine Sainte. Ses partisans se trouvent surtout dans les villes moyennes, le monde rural et les banlieux populaires.
La montée de l’extrême-droite ne concerne pas que l’Espagne, mais s’est élargie à plusieurs autres pays en Europe. Certains auteurs l’expliquent à partir de 2001 où les attentats du 11 Septembre aux Etats-Unis ont entraîné un sentiment anti-islamique puissant. La grave crise économique 2008-2009 qui a beaucoup affecté l’Europe a causé également la peur des salariés de perdre leur emploi. La multiplication des conflits dans le monde a entraîné des grandes vagues d’immigration qui ont touché également l’Europe.
C’est ainsi qu’en 2015 près d’un million d’immigrés provenant en majorité de Syrie ont été autorisés à entrer en Allemagne. Il s’en est suivi une obsession sécuritaire dans plusieurs pays européens avec le repli identitaire, le contrôle des étrangers et même la fermeture des frontières. L’exemple le plus emblématique est celui de l’Italie où un gouvernement a été constitué par le Mouvement populiste 5 étoiles et le Mouvement souverainiste de la Ligue du Nord. Les partis d’extrême-droite ont atteint des votes supérieurs à 20% en Suisse, Autriche, Pologne, France, Danemark et Hongrie. Cette montée des partis d’extrême-droite en Europe est un phénomène inquiétant, surtout si elle leur permet d’accéder au pouvoir comme en Italie.
Pour revenir aux élections générales espagnoles de 2019, le Parti d’extrême-droite Vox est crédité de 12% de voix. Cependant c’est le Parti socialiste (PSOE) qui est favori avec 30% d’intentions de vote. Le seul risque est la constitution comme an Andalousie d’une alliance entre le Parti populaire, Cuidadanos et le Parti d’extrême-droite Vox. Même dans cette hypothèse, le Maroc n’a pas à craindre de l’Espagne un changement politique radical. En effet, les intérêts entre le Maroc et l’Espagne sont très forts aussi bien sur le plan économique que culturel et sécuritaire. D’ailleurs le Parti d’extrême-gauche Podemos malgré plusieurs tentatives, n’a pas pu modifier la position du gouvernement espagnol sur la question du Sahara. Cependant, il y a lieu de suivre avec beaucoup de vigilance les résultats des élections générales espagnoles de 2019.