Le Maroc, un hub stratégique pour les entreprises chinoises
Par Saad Bouzrou
Premier pays africain à avoir reconnu la République populaire de Chine en 1958, le Maroc profite de plus en plus des efforts de ce pays pour diversifier ses investissements étrangers, notamment dans les domaines de la technologie et de l’industrie. Le Maroc devient également la destination par défaut des investissements chinois en Afrique du Nord, la région étant instable, Rabat tire parti des avantages de la stabilité. En outre, la Chine diversifie son portefeuille d’investissements pour se protéger contre les contrecoups qui menacent son implantation économique dans le continent. À cette fin, le Royaume est en passe de devenir un partenaire sûr pour l’empire du Milieu.
Le Maroc subit actuellement une vague d’investissements chinois dans de nombreux secteurs. Entre 2011 et 2015, l’investissement direct à l’étranger (IDE) chinois au Maroc a augmenté de 195%, avec une hausse de 93% entre 2014 et 2015 seulement. Depuis lors, les affaires ne font que s’accélérer et un an seulement après, la Banque de Chine a ouvert un bureau à Casablanca dans le cadre du centre financier Casablanca Finance City, suivi par la signature de plusieurs partenariats avec une multitude d’entreprises chinoises qui citent la position du Maroc comme un atout pour stimuler les investissements chinois en Afrique.
De la technologie de l’information et de la communication avec Huawei à la construction de la Cité Mohammed VI Tanger Tech, en passant par l’industrie automobile, l’ancrage des entreprises chinoises au Maroc se confirme et devient inéluctable.
La stratégie de Huawei au Maroc
Le Maroc peut être considéré comme un bon exemple de la manière dont les entreprises technologiques chinoises telles que Huawei peuvent promouvoir un partenariat commercial basé sur une stratégie gagnant-gagnant. L’implication du géant chinois au Maroc représente une nouvelle dynamique quant à la manière dont les affaires se déroulent sur le marché africain. De ce fait, le leader mondial des TIC grappille des parts de marché au Maroc en capitalisant sur son image d’entreprise innovante. Un centre de formation et de certification a été créé à cet effet à Rabat, en 2012, dans le but de transférer le savoir-faire en matière de nouvelles technologies de l’information et de la communication aux opérateurs locaux et d’aider les entreprises et les industries locales à se développer. C’est aussi une façon de jouer sur l’image d’un smart power commercial qui n’exclut pas le recours à un impact sur la société.
Deux ans après, Huawei Maroc a organisé le Forum GENI 2014 destiné aux universités spécialisées dans les technologies de l’information et des télécommunications, suivi par le projet GSM-R exploité par l’ONCF qui illustre bien la manière dont les technologies de la firme chinoise peuvent bien servir le réseau ferroviaire marocain. En 2018, Huawei investit à nouveau dans l’Université marocaine et lance le programme «Seeds for the Future 2018» qui consiste à sélectionner une délégation parmi l’élite des étudiants pour un voyage de formation de deux semaines en Chine. Les étudiants passent une semaine à Pékin, à l’université Géoscience pour une immersion et découverte de la riche culture chinoise, puis ils partent à la ville de Shenzhen où se trouve le siège de Huawei Group pour une formation avancée sur les technologies de pointes telles que la 5G, LTE, et le Cloud computing.
Finalement, avec pas moins de 119% de croissance, le fabricant chinois a réussi à vendre en 2018 au Maroc, plus du double des smartphones commercialisés en 2017.
Build Your Dreams ressurgit après une longue éclipse
Après un peu près de deux ans de silence, le projet d’usine de fabrication de véhicules électriques de la compagnie chinoise BYD (Build Your Dreams) refait surface au début de cette année lors de la 6e édition des Automotive Meetings de Tangier-Med, quand le ministre du Commerce et de l’industrie a déclaré que «BYD est en route», sans donner plus de détails. Selon les termes convenus dans l’accord signé en 2017, l’usine chinoise se situerait dans la nouvelle ville «Tanger Tech», qui fait partie d’un projet entre la Chine et le Maroc visant à créer ce que certains appellent une Silicon Valley nord-africaine. BYD entrerait donc sur un marché en forte croissance avec Renault, qui possède déjà l’une des deux usines d’assemblage à Tanger où elle avait produit son millionième véhicule depuis son ouverture en 2012, et PSA Peugeot-Citroën qui avait choisi le Maroc en 2015 avec un investissement de plus d’un demi-milliard d’euros sur la zone Franche de Kénitra.
Le Maroc souhaite ajouter une quatrième grande usine de construction automobile avant la fin de 2021, dont la production devrait commencer en 2023 ou 2024, afin de l’aider à atteindre son objectif de capacité suffisante pour produire 1 million de véhicules par an d’ici 2025. À ce niveau, le Royaume se classerait parmi les 15 premiers pays producteurs de véhicules au monde. Ce troisième constructeur chinois permettra donc à l’industrie marocaine de combler et d’étoffer largement le secteur automobile en complétant le duo composé par Renault et PSA.
La Cité Mohammed VI trouve une nouvelle compagnie chinoise
La construction de la Cité Mohammed VI Tanger Tech ne sera pas abandonnée malgré le retrait du groupe chinois Haite qui devait initialement réaliser le projet. En effet, un protocole d’accord pour le développement de cette ville industrielle a été signé le 26 avril 2019 à Pékin lors du deuxième forum «Belt and Road». Il a été signé par la société d’aménagement Tanger Tech (SATT), la CCCC (China Communications Construction Company International) et sa filiale China Road and Bridge Corporation (CRBC) en vue de la construction d’une ville industrielle qui accueillera initialement 200 entreprises chinoises actives dans les secteurs de l’automobile, de l’aéronautique et du textile. Sur 10 ans, les investissements totaux des entreprises chinoises concernées par le projet, devraient atteindre 10 milliards de dollars.
Le Maroc pourra donc, prochainement, se targuer d’être un hub stratégique pour le commerce et les investissements chinois en raison de la réussite de son modèle, de sa stabilité politique et économique et son ouverture sur des marchés inconnus.