Le torchon brûle entre opticiens et ophtalmologues
Les opticiens sont en colère et ils le font savoir. Plus de 1500 opticiens se sont rassemblés ce matin devant le Parlement. Ils pointent du doigt la nouvelle version du projet de loi 45.13 relatif à l’exercice des professions de rééducation, de réadaptation et de réhabilitation fonctionnelle des opticiens lunetiers.
Le Syndicat national professionnel des opticiens du Maroc (SNPOM) a observé aujourd’hui, mardi 2 juillet, une grève générale. Il a également organisé une marche nationale depuis le ministère de la santé jusqu’au Parlement.
Les opticiens pointent du doigt l’amendement de l’article 6 du projet de loi 45-13, relatif à l’exercice des professions de rééducation, de réadaptation et de réhabilitation fonctionnelle des opticiens lunetiers. Que reprochent ces professionnels à ce texte de loi ?
Selon les grévistes, ce texte les prive de leur droit à « mesurer l’acuité visuelle pour la correction réfractive ». Ce texte de loi stipule que « l’opticien-lunetier ne délivre aucun dispositif médical d’optique sans prescription médicale dans certains cas ». Il s’agit notamment des sujets de moins de 16 ans, quand l’acuité visuelle est inférieure ou égale à 6/10 après correction ou encore en cas des amétropies fortes et presbyties en discordance avec l’âge.
Le texte initial autorisant les opticiens à pratiquer l’examen d’acuité visuelle a été supprimé du projet de loi au dernier moment par le ministre de la santé Anas Doukkali, alors que le texte de loi avait déjà été validé par les deux chambres du Parlement.
Commence alors la grogne des opticiens. Une série de manifestations a été menée depuis le 7 mai dernier, le SNPOM avait tenu ce jour-là sa première grève générale visant à faire valoir le rôle de l’opticien dans le système de santé.
Sa présidente Mina Ahkim défend avec ardeur sa revendication « légitime ». « L’opticien marocain jouit d’une bonne formation. Il a été formé pour pouvoir mesurer l’acuité visuelle pour la correction réfractive sans aucun danger sur la santé du citoyen. Il dispose d’un bac+3 de formation en optique et en optométrie, ce qui lui permet de faire cette tâche, d’ailleurs, c’est ce qui se fait dans tous les pays européens », souligne-t-elle dans une déclaration à Maroc Diplomatique.
Et de poursuivre : « Nos opticiens sont issus d’éminentes écoles privées marocaines et de l’université Cadi Ayyad de Marrakech. Ils sont très sollicités dans les pays du golfe. Je trouve que c’est décevant qu’aujourd’hui au Maroc, ces professionnels n’ont plus le droit de faire cette prérogative ! ».
Cette syndicaliste n’a pas hésité à pointer du doigt le « lobby » des médecins ophtalmologues du secteur privé qui serait à l’origine de ce nouvel amendement.
Cette professionnelle défend avec force le droit des opticiens d’exercer leur métier dignement. Elle estime que « l’opticien marocain a toujours répondu aux besoins du citoyen marocain et apporte une valeur ajoutée au système de santé national ». « C’est injuste de lui interdire la réfraction optique », martèle-t-elle.
Les ophtalmologues ne voient pas les choses de cet œil. Le professeur Abdelouahed Amraoui, ex-président de la société marocaine d’ophtalmologie affirme à Maroc Diplomatique que « le rôle de l’opticien se limite à l’exécution de l’ordonnance de l’ophtalmologue, sans rentrer dans la mesure de l’acuité visuelle, qui est un acte purement médical». Depuis l’amendement de l’article 6 du projet de loi 45-13, la situation est devenue très tendue entre les ophtalmologues et les opticiens.
Face aux accusations du SNOPM, le professeur Amraoui rétorque que « On ne peut pas être prescripteur et vendeur à la fois, ce n’est pas admissible sur le plan déontologique. »
« Les opticiens devraient relever du ministère du commerce et non du ministère de la santé, d’autant plus, ils ne sont pas inscrits sur l’ordre des médecins», ajoute-t-il.
Le bras de fer entre les deux parties risque de s’éterniser. Les opticiens ne comptent pas baisser les bras. Leur syndicat annonce une grève illimitée à partir de la semaine prochaine.