Incendies en Amazonie: doutes sur l’efficacité de l’interdiction des brûlis
Annoncé pour freiner la progression des incendies en Amazonie et démontrer la réactivité du Brésil face à la catastrophe, le décret du président Jair Bolsonaro interdisant les brûlis agricoles pendant deux mois est entré en vigueur jeudi, mais beaucoup doutent de son efficacité.
De même, l’entrée en action sur le terrain de l’armée brésilienne le week-end dernier n’a encore eu aucun effet probant: plus de la moitié des 1.628 nouveaux départs de feu enregistrés en 24 heures par l’institut INPE l’ont été en Amazonie, malgré le déploiement de 18 avions et 3.900 hommes.
M. Bolsonaro était toujours sous la pression internationale alors que les impressionnantes images de zones entières de la forêt tropicale dévorées par les flammes ont provoqué une immense émotion dans le monde. Le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres a évoqué l’idée d’organiser en marge de l’Assemblée générale, fin septembre, une réunion sur la situation en Amazonie.
Le décret du président Bolsonaro suspend l’utilisation des brûlis sur tout le territoire national soixante jours, tout en maintenant certaines exceptions. Les brûlis sont pratiqués le plus souvent pour faire de la place aux cultures agricoles et à l’élevage bovin, gros secteur exportateur du Brésil.
Dans l’Etat amazonien de Rondônia (nord-ouest), très touché par les feux de forêt, un grand scepticisme prévalait quant à l’efficacité du décret.
« Ca ne va servir à rien. ici tout le monde s’en fout », dit Lilia, propriétaire d’un magasin de fruits, interrogée par l’AFP. « Ou il n’y a pas suffisamment de contrôles, ou ils sont mal faits ».
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Pour Daniel Azevedo Lobo, procureur à Rondônia, « 70% de la déforestation est dû aux activités d’organisations criminelles, et non d’individus isolés » et « il faut attaquer le problème à la source ».
« Dans le Rondônia, comme dans toute l’Amazonie, il y a des groupes organisés qui envahissent les terres. Ce sont souvent des coupeurs de bois qui s’accaparent ces terres et débitent les arbres sur place », explique-t-il.
« Il manque beaucoup de contrôles à Rondônia. On ne fait pas ces contrôles avec des gens qui regardent, il faut l’aide des renseignements », dit-il.
Au Japon, le secrétaire général de l’ONU a souhaité « une réunion dédiée à la mobilisation de soutiens » à l’Amazonie en marge de l’Assemblée générale, du 20 au 23 septembre, au risque d’irriter Brasilia.
« La situation en Amazonie est, clairement, très grave », a déclaré Antonio Guterres, à Yokohama pour une conférence sur le développement de l’Afrique.
« Je pense que la communauté internationale doit se mobiliser avec force pour soutenir les pays d’Amazonie afin de mettre fin aux incendies aussi rapidement que possible par tous les moyens possibles et mener ensuite une politique complète de reforestation. Nous n’avons pas fait assez jusqu’à présent ».
L’ex-président brésilien de gauche Lula a estimé, dans une interview réalisée par la BBC dans son centre de détention à Curitiba (sud), que Jair Bolsonaro « fait un mal énorme au peuple brésilien (…) en partie par ignorance » car « il ne sait pas bien de quoi il parle ».
« Vous ne pouvez pas offenser les (pays) comme le fait (le président américain Donald) Trump ou comme le fait Bolsonaro. Bolsonaro n’a pas la moindre idée des relations internationales. Il ne peut pas être pris au sérieux », dit Lula, en prison pour corruption.
« Avant, le Brésil était un acteur international », poursuit Luiz Inacio Lula da Silva, président de 2003 à 2010. « Nous étions très respectés. Personne ne discutait de la préservation de l’environnement sans parler au Brésil ».
Mercredi, M Bolsonaro avait alimenté une polémique déjà vive avec le président français Emmanuel Macron en demandant pour la deuxième fois en deux jours que ce dernier « se rétracte » après « ses insultes ».
Il « m’a traité de menteur et à deux reprises a dit que la souveraineté (brésilienne sur) l’Amazonie devait être relativisée », a-t-il dit à des journalistes. « Nous pourrons nous parler quand il se sera rétracté après ce qu’il a dit contre ma personne. »
M. Macron avait accusé M. Bolsonaro d’avoir « menti » sur ses engagements environnementaux puis estimé que la question de la souveraineté de l’Amazonie, que neuf pays abritent, était ouverte.
La France a été copieusement attaquée par le gouvernement brésilien, et M. Bolsonaro a traité de M. Macron de « colonialiste » avant de s’en prendre à son épouse Brigitte.
Jair Bolsonaro a aussi accusé la France et l’Allemagne « d’être en train d’acheter (la) souveraineté brésilienne » sur l’Amazonie avec l’offre d’aide financière de 20 millions de dollars du G7.
Avec AFP