Plan Halieutis : les griefs de la Cour des comptes
Par Khadija Skalli
Lancé en 2009, le Plan Halieutis a eu un impact considérable sur le développement du secteur de la pêche maritime. Toutefois, certains dysfonctionnements ont été soulevés par la Cour des comptes. Lenteur dans la réalisation de certains objectifs stratégiques, faible taux d’exécution de certains projets programmés et insuffisance au niveau du suivi et du pilotage de la stratégie Halieutis.
La Cour des comptes a rendu public son rapport au titre de l’année 2018. Parmi les missions menées par cette institution supérieure de contrôle des finances publiques figure une évaluation du secteur de la pêche maritime. Le Département de Driss Jettou s’est penché sur l’évaluation de l’état d’avancement du Plan Halieutis. Satisfecit mitigé.
Selon les magistrats de la Cour des comptes, la mise en œuvre du Plan Halieutis a eu un impact considérable sur le développement du secteur. En témoignent les réalisations accomplies. « Le PIB de la pêche a presque doublé en passant de 8,3 MMDH en 2007 à 15 MMDH en 2015, et la production nationale a progressé de 3,75% par an en volume, et de 8,70% par an en valeur, sur la période 2009-2016 ». Et de poursuivre : « Celle-ci a atteint, en 2016, un volume de 1,46 millions de tonnes débarquées pour une valeur de 11,5 MMDH ». De même, les exportations des produits de la mer ont quasiment doublé en valeur passant de 9,26 MMDH en 2007 à 19,81 MMDH en 2015, soit près de 64,5% de l’objectif final du plan (30,71 MMDH) visé à 2020.
Toutefois, « certains objectifs stratégiques du plan n’ont pas encore atteint les résultats escomptés », souligne le rapport.
La Cour des comptes pointe du doigt la « lenteur » dans la réalisation de certains objectifs stratégiques. « Le Plan Halieutis avait prévu de porter la part du Maroc dans le marché mondial en volume de 3,3% en 2007 à 5,4% en 2020. Toutefois, cette part n’a guère dépassé 1,9% en 2015 », précise la même source.
Par ailleurs, « la production aquacole moyenne pendant six ans (2010-2015) était de 400 tonnes seulement, alors que le Plan Halieutis a prévu de la porter à 200.000 tonnes ».
La Cour des comptes relève le « faible » taux d’exécution de certains projets programmés. « Après huit ans de son lancement, le rythme d’exécution des projets prévus reste globalement faible ». En juillet 2016, sur 70 projets prévus, 25 seulement ont été achevés pour un montant total de 567,72 MDH, soit un taux de réalisation budgétaire de 12,75%. D’un autre côté, seulement 39% des plans d’actions ont été achevés, 36% est partiellement réalisés, et 25% non encore mis en œuvre. Un autre grief formulé par les magistrats de la Cour des comptes c’est « l’insuffisance dans le montage financier préalable et dans le planning d’exécution des projets prévus ».
« Malgré plusieurs requêtes de la Cour, il n’a été fourni par le DPM (le Département de la Pêche Maritime) aucun document faisant foi du Plan Halieutis, qui soit chiffré avec l’enveloppe budgétaire globale, ainsi que les budgets alloués et les sources de financement des différents projets structurants programmés », reprochent-ils. Par ailleurs, poursuit le rapport, le document à la base de la stratégie n’a pas prévu un planning d’exécution des différentes composantes du plan. La Cour des comptes soulignent également « l’insuffisance au niveau du suivi et du pilotage ».
Pour assurer le pilotage de la stratégie Halieutis, il a été prévu la mise en place d’un Project Management Office (PMO) au sein du DPM avec une organisation par projet instituant quatre niveaux de pilotage. « Or, aucune des instances prévues pour le pilotage stratégique et pour la mise en œuvre du plan, n’a été mise en place, notamment, le comité de pilotage, le comité de suivi (pilotage stratégique), et la cellule du pilotage opérationnel », souligne la Cour des comptes. De même, jusqu’à fin 2017, le « Comité national de la pêche », prévu par le Plan Halieutis pour la concrétisation des projets stratégiques, n’a pas été constitué.