Plaidoyer à New York de Nasser Bourita pour l’Education, et hommage international à Sa Majesté Mohammed VI
Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale, a pris part aux Nations unies à une importante réunion organisée en présence de la directrice générale de l’UNESCO et consacrée à l’Education et l’avenir
C’est, pour moi, un honneur d’être parmi vous, et de vous transmettre les salutations de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, Que Dieu L’assiste, et Ses vœux de succès et de réussite pour cette importante réunion, consacrée à une thématique aussi centrale qu’essentielle. Je souhaite, en particulier, féliciter Mme. Audrey Azoulay, Directrice générale de l’Unesco pour son engagement exemplaire et son implication personnelle, au service du rayonnement de l’action de l’Organisation des Nations Unies pour l’Education, la Science et la Culture
Devant cette auguste enceinte, j’aimerais réitérer l’attachement de mon pays, le Royaume du Maroc, à la noble mission de l’Unesco. Cette organisation continue à jouer un rôle crucial dans la promotion et le maintien de la paix dans le monde, à travers les outils puissants de l’éducation, de la science et de la culture.,
Si nous partageons, tous, la conviction que l’éducation est l’avenir, nous nous interrogeons, encore, sur l’avenir de l’éducation.
Rien n’est plus légitime : cette interrogation permanente est salutaire. Car, l’éducation est le contraire même des certitudes, de la stagnation et de l’autosatisfaction. Elle est vivante ; elle est curieuse ; elle est éternellement insatisfaite et avide de savoir. Elle évolue au fil des générations. Il n’en faut pas moins, si l’ambition de chaque génération est de façonner l’avenir des suivantes.
Mais l’avenir aussi, façonne l’éducation d’aujourd’hui. Il la place dans un paradigme d’adaptation et d’anticipation continuelle qui lui sont consubstantielles.
Car, le présent de l’éducation tire ses enseignements du passé pour se conjuguer au futur. C’est pour cela que la réunion d’aujourd’hui est à la fois pertinente et importante.
Le Maroc, comme certainement de nombreux pays ici présents, a fait du chemin sur la voie de la promotion de l’éducation, et a accompli de nombreuses actions et réformes. Je ne décrirai pas linéairement un bilan qui, par ailleurs, parle de lui-même.
Je vous dirai, en revanche, que s’il est un domaine où l’on ne peut ni se satisfaire de ses propres accomplissements ni, encore moins, s’ériger en donneur de leçons, c’est bien celui de l’éducation et du savoir.
Je vous dirai, également, qu’il n’est pas d’investissement plus stratégique que dans l’éducation. Rien de plus naturel, donc, qu’elle soit au centre du projet de société de notre pays, au sommet de ses priorités nationales et au cœur de l’engagement porté par Sa Majesté le Roi Mohammed VI.
Sa Majesté le Roi Mohammed VI l’a dit, « Nous avons réservé à la question de l’éducation une place centrale dans Nos préoccupations. Car, parler d’Education c’est parler de l’avenir, du développement, de la culture et du savoir ; c’est en fait parler des enfants d’aujourd’hui et des citoyens de demain. D’autant que l’Éducation constitue le socle de tout progrès, le rempart contre toutes les formes d’extrémisme, qu’elle est, également, le ciment de la cohésion sociale et de l’égalité des chances. Aussi, devrait-elle être dans le monde de demain, le vecteur de tolérance et de paix ».
Projet de société, l’éducation est aussi le chantier d’une nation. Sous l’impulsion personnelle de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, le Maroc est en train de mettre en œuvre une réforme globale de l’éducation, basée sur une vision stratégique 2015-2030, en adéquation avec l’Objectif 4 des ODD : une éducation équitable ; une éducation de qualité ; une bonne gouvernance du système éducatif.
Nous ne sommes pas ici pour prédire l’avenir de l’éducation ; nous sommes là pour le faire. Comment ? En ordonnançant le présent et en le mettant en adéquation avec les réalités, les besoins et les attentes que nous percevons ; et elles sont multiples.
La première – qui est aussi la plus évidente – est celle d’un monde en pleine et continuelle mutation. L’éducation de demain ne sera pas celle d’hier et aujourd’hui. Elle ne l’est d’ailleurs déjà plus ! Certes, l’éducation ne disparaîtra jamais. Mais, l’avenir de l’éducation passe par des formes nouvelles et différentes d’acquisition et de transmission du savoir.
Ce monde en mutation traduit, aussi, la réalité d’un monde de plus en plus ouvert. Les frontières physiques y sont repoussées de plus en plus loin. Les frontières du savoir doivent bouger tout autant. La transmission linéaire de connaissances figées, aura vécu. L’intelligence humaine ne peut plus être réduite aux seules compétences académiques. Plus que l’accumulation du savoir, l’avenir de l’éducation est dans « l’apprentissage de l’apprentissage ».
Parler ici, aujourd’hui, d’intelligence artificielle, ne relève pas de la fiction. L’intelligence artificielle fait son chemin. Face à elle, l’éducation humaine n’a d’autre choix que de s’adapter. Les machines n’ont pas vocation à remplacer les humains, pas plus que ceux-ci n’ont vocation à abandonner des pans entiers d’habilités, de compétences et de connaissances de plus en plus sous-traitées aux machines. L’avenir de l’éducation est, assurément, dans des formes nouvelles, dont beaucoup restent à trouver.
Ce qui est certain, c’est que ces formes nouvelles d’éducation s’accommoderont mal d’une éducation magistrale et unidirectionnelle. L’apprenant devra être de plus en plus impliqué dans l’élaboration de l’éducation qu’il reçoit. Il ne saurait en être autrement, si l’on tient à mettre à jour l’offre éducative. L’interactivité qui domine notre monde, finira par trouver sa place au cœur même de nos systèmes éducatifs, qui doivent être plus collectifs et collaboratifs. L’avenir de l’éducation sera participatif, ou ne sera pas.
Mais, un avenir où l’éducation sera tournée vers l’efficacité, ne devra pas produire des générations désincarnées de leurs territoires, exfiltrées de leurs identités nationales et expurgées de leur fond culturel, cultuel et civilisationnel. L’éducation n’est pas que l’apprentissage. Elle est aussi un vecteur d’humanités, qui ne s’accommode pas des standardisations réfractaires aux spécificités identitaires et culturelles. L’avenir de l’éducation passe, dès lors, par l’enseignement de l’ouverture et de la co-connaissance et par la mobilité des savoirs ; au même titre que la mobilité des biens, des services et des capitaux.
L’éducation de l’avenir ne pourrait pas faire l’économie de ces paramètres, qui relèvent moins de la prospective, que de la déduction élémentaire. Leur prise en compte nous ramène vers :
– Une éducation de base qualitative, universelle et non-discriminante. Une éducation sensible à l’inégalité, à la vulnérabilité et à la précarité.
– Une éducation tournée vers le développement des compétences individuelles et collectives, qui favorise la créativité, encourage l’émancipation et cultive l’autonomisation.
– Une éducation qui prépare à la citoyenneté, à l’éthique et aux valeurs universelles. Car, si c’est dans les esprits que l’intolérance et la violence prennent naissance, c’est d’abord dans les esprits qu’elles doivent être combattues. Comme l’a dit Sa Majesté le Roi à l’occasion de la Visite du Pape François en mars dernier, « Pour faire face aux radicalismes, la réponse n’est ni militaire, ni budgétaire ; elle a un seul nom : Éducation »
S’il fallait résumer la mission de l’éducation de demain, ce serait sans doute : « préparer au changement ». Le changement est, désormais, structurel, et le restera. L’éducation doit intégrer la fonction de l’anticipation et l’adaptation au changement, dès le plus jeune âge. Le pari de l’avenir est de faire des générations montantes des acteurs du changement et de l’évolution – des êtres, des esprits et des savoirs. L’accélération technique et technologiques post-moderne, liées notamment à l’intelligence artificielle, à la robotisation et à la biomédecine, ainsi qu’aux évolutions sociales et sociétales à l’échelle globale, ne doivent pas être subies. Elles doivent être anticipées.
Ceci vaut aussi, pour l’éducation au changement climatique, une thématique centrale de cette 74ème Assemblée Générale. A cet égard, nous nous réjouissons de voir de plus en plus de gouvernements et d’organisations internationales favoriser l’éducation au changement climatique du monde que nous léguons à nos enfants.. Ce n’est pas un hasard si l’article 12 de l’accord de Paris, consacré précisément à la question de l’éducation, a été le premier à être approuvé par les 194 Etats.
En somme et pour finir, c’est dans l’éducation à l’avenir que se trouve l’avenir de l’éducation.