L’OTAN, en « état de mort cérébrale » ?
Lors d’un entretien accordé au magazine d’actualité, The Economist, le Président Emmanuel Macron a déclaré que l’OTAN était en « état de mort cérébrale ». Des propos qui ont suscité la controverse auprès de la communauté internationale.
L’OTAN, une organisation « obsolète » selon son premier contributeur
L’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord, créée aux débuts de la guerre froide, en 1949, pour lutter contre la menace Soviétique et protéger l’Europe, fêtera ses 70 ans les 3 et 4 décembre 2019, lors du Sommet de Londres. Une célébration qui intervient à une période décisive pour l’histoire de l’Alliance, dans un contexte de bouleversements géopolitiques et de crise du multilatéralisme.
En effet, cette organisation qui avait été créée pour améliorer la coopération entre les pays membres, censés régler les différends de façon « pacifique » est, aujourd’hui, fortement remise en cause. Un tournant davantage marqué par l’élection de Donald Trump, défenseur de l’unilatéralisme. Alors que les Etats-Unis sont les premiers contributeurs de cette organisation, la sortie de Donald Trump qui qualifiait celle-ci « d’obsolète », indigné par les faibles contributions des autres Etats membres, s’est traduite par le retrait de ses troupes du Nord de la Syrie, et ce, sans aucune concertation avec les autres Etats membres. Cet acte, couplé à l’offensive turque en Syrie, a indigné la communauté internationale, qui l’a vu comme une offense aux Articles 4 et 5 du traité de l’Alliance, qui imposent solidarité et consultation mutuelles. Pourtant, tout porte à croire que les attaques des Etats-Unis sont davantage dirigées envers les européens qui assurent faire les efforts nécessaires pour augmenter leur part du budget, plutôt que vers l’Alliance. En effet, force est de rappeler que les Etats-Unis, qui ont toujours été d’un grand soutien pour l’Union européenne depuis sa création, n’ont jamais autant jubilé face à ses divisions et à ses difficultés.
Que reproche Emmanuel Macron à l’OTAN ?
Le Président français a déclaré lors d’une interview, que celle-ci était en « état de mort cérébrale ». Ces déclarations ont provoqué une vague de réactions de la communauté internationale. Selon la porte- parole du Ministère des Affaires Etrangères russe, Maria Zakharova, il s’agit de « (…) paroles en or. Sincères et qui reflètent l’essentiel. Une définition précise de l’état actuel de l’OTAN ». D’autres ne partagent pas le même avis, comme Angela Merkel qui estime que ce sont des « termes radicaux ».
Mais que reproche Emmanuel Macron à l’OTAN ? Pour le progressiste européen, « Il n’y a aucune coordination dans la prise de décision stratégique entre les États-Unis et ses alliés à l’OTAN. Aucune ». Selon lui, les Etats-Unis sont en train de “tourner le dos” à l’Organisation. Ses propos lors de l’interview semblent faire écho à son grand projet depuis son élection, celui d’une Europe « capable de défendre ses intérêts et sa souveraineté » et qui se retrouve aujourd’hui « au bord du précipice » . Autrement dit, le besoin de former une Europe de la défense. Pour lui, cela est indispensable pour qu’elle puisse continuer d’exister sur la scène politique internationale, alors qu’elle se retrouve de plus en plus marginalisée face aux deux grandes puissances, les Etats-Unis et la Chine.
L’Europe de la défense, éternelle utopie ?
Le projet d’une Europe de la défense est sans cesse remis sur la table depuis plusieurs années. Malgré l’échec de la Communauté Européenne de la Défense (CED) en 1954, voulue par les pères fondateurs de l’Europe, les fédéralistes et pro-européens les plus convaincus ne cessent de relancer le débat face à une politique étrangère européenne à peine visible. Mais de nombreuses questions persistent : Pourquoi une défense européenne ? Quelle coordination avec l’OTAN ? Pour se protéger de qui ? Un projet qui nécessite de prendre en considération de nombreux paramètres.
Soutenu par le successeur de Federica Mogherini, ex- haute représentante de l’UE, Josep Borell, constate lors d’une interview accordée à nos confrères du journal Le Monde, que: « pour la majorité des Etats européens, aujourd’hui, il n’existe pas d’alternative à l’OTAN pour leur défense territoriale. Les propos du président de la République reflètent aussi l’urgence, pour l’Europe, d’avancer avec détermination dans le développement de ses propres capacités de défense, afin de pouvoir faire face aux conflits qui la touchent au plus près. »
Une chose est sure, suite à ces déclarations, qui ont suscité une vague de réaction depuis la diffusion de l’interview, dans un contexte de crise syrienne, iranienne ou encore les 30 ans de la chute du mur de Berlin, le Sommet de Londres ne sera pas de tout repos.