“Fake News” : Cinq questions à Hassane Saoudi, expert en stratégie et sécurité, chercheur associé à l’IRES
Cinq questions à Hassane Saoudi, expert en stratégie et sécurité, chercheur associé à l’Institut royal des études stratégiques (IRES), qui était mardi l’invité de “Face à la MAP”, au sujet du phénomène des “Fakes News” :
Comment vous évaluez le traitement quotidien des faits criminels par les médias ?
Les médias professionnels sont globalement conscients de leur responsabilité d’informer le public. Ils sont régis par un code d’éthique et de déontologie basé sur le respect de la vérité, la vérification des informations et le respect de la présomption d’innocence, de la vie privée des personnes et du secret de l’enquête et de l’instruction. Ce sont des limites qu’ils s’imposent eux-mêmes par un choix librement consenti.
Ces médias doivent informer le public pour limiter le champ de la communication alternative via des médias sociaux, dont les règles de déontologie sont ignorées ou bafouées à dessein, pour diffuser ce qu’on appelle les “Fake News” destinées à produire des effets négatifs sur le moral d’une population.
Votre point de vue de l’impact du contenu partagé sur le web sur le sentiment d’insécurité ?
Le sentiment d’insécurité pourrait être exaspéré par la rumeur, la bouche à oreille ou les médias sociaux qui ont une capacité de viralisation extraordinaire. L’usager du numérique devrait intégrer cette nouvelle donne, pour ne produire que la réalité des faits, car sa responsabilité est engagée.
La technologie est un support, elle est neutre et n’est pas responsable de ce qu’on y met.
Pour lutter contre les “Fake News”, il y a deux maîtres-mots, l’éducation et la sensibilisation des usagers du net pour développer un esprit critique chez le consommateur de l’information, et y renforcer le devoir de vérité et de sincérité.
Tout en respectant les bonnes pratiques, l’utilisateur du net devrait toujours avoir à l’esprit les responsabilités pénales en cas d’inobservation des règles de loi. C’est la responsabilité des parents, de l’école et des médias toutes vocations confondues qui est interpelée.
La surmédiatisation de certains faits criminels ne contribue-t-elle pas au sentiment d’insécurité chez les Marocains ?
Quand elle dénonce les dysfonctionnements, les abus ou les prévarications, la presse est dans son rôle. Elle s’acquitte ainsi de sa mission avec un sens de responsabilité inhérent au métier, mais le problème se pose avec certains usagers des réseaux sociaux, qui ignorent souvent que cet espace de liberté est aussi un espace de responsabilité.
Aussi, il faut se rendre à l’évidence que ‘’ce qui est excessif devient finalement insignifiant’’, d’où la nécessité du sens de la mesure dans ce domaine pour ne pas tomber dans l’alarmisme et la recherche du sensationnel qui exacerbent le sentiment de sécurité du citoyen.
«Trop d’informations, tue l’information», mais dans le domaine de l’info sécuritaire trop d’information peut exaspérer le sentiment d’insécurité, qu’est ce vous en pensez ?
La Constitution marocaine prévoit dans l’article 22 «le droit d’accès à l’information détenue par l’administration publique», qui est très bien encadré, et les services publics ont ce devoir de communiquer pour tenir le citoyen informé de leurs actions, leurs performances et leur savoir-faire. Dans ce cadre, les statistiques relèvent de ce qui s’appelle «la sécurité objective» qui repose sur des données réelles et non pas de la «sécurité subjective» qui rend compte de la perception du citoyen.
Les statistiques en général sont de ce fait des outils pédagogiques destinés à cartographier la réalité de la criminalité et sensibiliser, éduquer et booster la vigilance des citoyens, sans laquelle la société perd sa cohésion.
Néanmoins, là aussi, elle doit rassurer, asseoir la confiance et non alarmer. Une bonne communication ciblée renforce la résilience sociétale indispensable à la sécurité collective dans notre pays.
Comment «immuniser» les citoyens contre les Fake news ?
Pour immuniser les citoyens contre les “fakes news”, il est utile d’adopter une stratégie basée sur une prévention dynamique, axée essentiellement sur la visibilité quotidienne des autorités et des services de sécurité et le raffermissement du lien social entre la population et les institutions de l’État. Ce dispositif préventif permet de rassurer la partie saine de la population et dissuade cette minorité incivique.
Il est également nécessaire d’avoir une ‘’Sécurité judiciaire’’, comme signalée dans le discours Royal du 20 août 2009 relatif à la réforme de la justice , une sécurité judiciaire, garante de l’efficience, de l’équité et de la crédibilité.
Dans le cadre des efforts visant à immuniser les citoyens contre les Fakes News, la mise en place de ’’l’Observatoire National de la Criminalité’’ a également importance, en tant qu’outil d’analyse et d’évaluation, qui constitue une réforme majeure de nature à raffermir ce sentiment de sécurité du citoyen.