Le champ endormi de la politique
Par Hassan Alaoui
A tout seigneur, tout honneur ! Sauf à se méprendre d’une navrante posture adoptée par les formations politiques, il y a vraiment de quoi s’inquiéter.
Et nous inquiéter. Les partis qui forment l’échiquier national semblent de plus en plus absents et nous offrent une image d’attentisme aggravée qui confine à l’inertie. Le débat , je veux dire le débat participatif n’est pas leur préoccupation, l’absence sur les lieux de l’échange qui intéresse la société, notamment les jeunes , est ahurissante. C’est, dira-t-on, le cadet de leurs soucis.
Depuis des mois, on nous rebat les oreilles sur la possible , la dérisoire et très peu alléchante alliance entre le PAM en déconfiture et le PJD, soufflé par l’échec de sa gestion désastreuse de dix ans de pouvoir nul et non avenu. Si la fameuse Commission sur le modèle de développement n’existait pas, l’activité nationale, intellectuelle et discursive s’entend, serait réduite à un état d’endormissement digne d’un coma. Oui, « le Maroc s’ennuie » à son tour, et cette métaphore nous rappelle le propos d’un grand éditorialiste du quotidien « Le Monde », Pierre Viansson-Ponté qui, un certain mars 1968, intitulait son article devenu célèbre : « La France s’ennuie ».
Bien sûr, comparaison n’est pas raison, mais le contexte national nous interpelle aujourd’hui plus que gravement. Les responsables de la Commission sur le modèle de développement invitent-il entre autres les partis et les syndicats à s’exprimer sur cette instance et à formuler des propositions pour alimenter un débat serein ? Les voilà qui cèdent au navrant corporatisme et, pour certains d’entre eux, à présenter leur avant-plate-forme électorale, déguisée en propositions. D’une formation l’autre, c’est à qui mieux-mieux de se lancer dans une surenchère où évidemment l’intérêt particulier et corporatiste se hisse au lieu et place de l’intérêt général qui est l’objectif de la Commission.
La politique marocaine , nous dit un fin observateur, « n’a jamais été pétillante »…Pourtant, les « monstres sacrés » qui l’exerçaient il n’y a pas si longtemps, ces figures d’antan qui n’étaient pas seulement emblématiques nous avaient habitués au mouvement et aux bruits qui scandaient le débat. A présent, la scène est celle de figurines, digne d’un tableau de Velasquez – Les ménines par exemple – , d’indécrottables leaders caparaçonnés dans leur statut de « chefs », élus, réélus dix fois et ne lâchant pas prise, leur nom inscrit dans le marbre de la désolation , au grand dam des jeunes tentés par la politique, mais freinés dans leur élan par l’archaïsme qui mine cette dernière. Puisse-t-il , ces leaders de partis, secrétaires généraux, présidents et autres inamovibles mesurer l’impératif de renouveler à la fois leurs structures et leurs forces, offrir aux jeunes les raisons d’espérer encore, donner l’exemple de leur dévouement au pays, en commençant par céder leur place à d’autres.
C’est à cette condition que le champ politique pourrait se renouveler comme le Roi ne cesse de le demander. L’exercice est certes difficile, mais il est nécessaire aujourd’hui si l’on veut donner au mot politique – je veux dire responsabilité – sa vraie dimension et ses lettres de noblesse. On commence par respecter les principes que l’on proclame, ensuite la règle que rien n’est éternel et, in fine, que l’exercice , le mandat politique n’est pas une sinécure…