Justice et liberté
Par Hassan Alaoui
Un Etat sans justice est voué à l’ignominie ; de la même manière lorsqu’il viole la liberté, il s’expose à la critique. Peut-être , conviendrait-il de souligner que les deux principes vont de pair et sans l’une, l’autre n’existerait pas. Depuis quelques mois, peut-être plus, nous assistons à une curée , mieux qu’une vague, de discours qui s’en prennent à l’Etat et aux institutions, voire aux symboles sacrés du pays. Ils sont lâchés sur les sites et les réseaux sociaux, et nourrissent nolens volens un semblant d’expression de liberté qui a tout sauf le respect.
Ces discours remplissent le vide culturel qui est de nos jours le propre de notre société. Un carrousel de scandales s’y installe pour se substituer au débat qui nous fait défaut : ici , c’est l’affaire de Dounia Batma qui n’a de cesse de défrayer la chronique ; là c’est le ténébreux « moul lcasquita », là encore ce sont les rappeurs qui jouent aux pourfendeurs , osant l’algarade comme autrefois les flibustiers …On n’en finit pas d’en entendre, non plus d’en voir…Une telle explosion à la fois de paroles et de gestuelles eût-elle été possible et imaginable si, en effet, la liberté n’était pas assurée et protégée dans un Maroc qui l’inscrit depuis toujours sur les fonts baptismaux ?
Les esprits chagrins, je dirais malintentionnés, admettent difficilement que la liberté n’est pas seulement un principe démocratique, mais qu’elle est aussi un devoir et une responsabilité. Et pour paraphraser le philosophe, elle « s’arrête là où commence celle des autres » ! Inviolable certes, garantie par la Constitution, elle est également une exigence. Mais combien d’entre nous s’inscrivent-ils dans cette exigence ? L’époque que nous vivons soulève quantité d’interrogations. La première est de savoir à quoi sert une liberté, quelle qu’elle soit, si elle n’est pas assumée par ses bénéficiaires ? Je veux dire si ces derniers n’en mesuraient pas le prix ?
Le Maroc n’a jamais été autre chose qu’un Etat qui , quoi qu’on en dise, promeut les libertés et la défense des libertés. Depuis vingt ans maintenant, l’exercice des libertés et de l’Etat de droit vont de pair et font bon ménage. Bien avant d’autres Etats, notamment européens et occidentaux, le Maroc a institué un ministère des droits de l’Homme dont la mission est de défendre en premier lieu les libertés et les droits qui leur sont afférents. Il reste qu’au fil des ans , de grandes franges de la société n’ont pas su, ou mal su en prendre la mesure. Tant et si bien que la liberté au sens radical du terme – que d’aucuns affirment avoir conquise de haute main – est avant tout le signe du règne de Mohammed VI. Beaucoup sont nombreux à constater et à affirmer volontiers sans se gêner que la liberté sous le Roi Mohammed VI n’est pas celle que nous avions connue sous son père, feu Hassan II. Preuve en est que sur le chapitre des libertés et des droits de l’Homme, il a tordu le cou au vieux démon de leur violation, en créant notamment l’IER ( Instance d’Equité et de Réconciliation), libéré les prisonniers politiques comme Serfaty et autres, appelé à une réforme profonde de la Justice, mis en place une politique inédite et audacieuse de réinsertion des détenus et rénové les rapports entre l’Administration et les citoyens.
Les « affaires » auxquelles nous assistons de nos jours qui mettent aux prises certains facebookeurs zélés avec les autorités, ne sont pas des affaires de libertés publiques , mais d’abus de liberté. Les réseaux sociaux ne peuvent constituer aucunement l’échappatoire « extra muros » à la loi du pays pour s’en prendre aux citoyens, voire au Roi. On ne peut passer « d’une justice de liberté » comme disait Badinter à une violation de la justice des libertés… Toutes affaires cessantes, l’Etat est le plus grand protecteur des libertés, la justice qui est son bras séculier prend acte des atteintes aux libertés, juge et sanctionne. Dans aucun autre pays, les violations – fussent-elles simplement verbales – l’insulte à un juge, la prise à partie et le brûlement du drapeau national, le saccage des biens publics, la profération de mots indignes envers le chef de l’Etat, l’insubordination malveillante au respect dû à la police , ne restent impunis ou sous silence.
La justice est le juste jugement, elle est la protectrice des libertés et le rempart contre les abus. Comment justifier les dérives d’une partie de la population qui, se réclamant et criant même son désir de la liberté, s’exerce à la violer ?