Conférence de Berlin sur la Libye : une succession de déconvenues diplomatiques
L’Allemagne a accueilli ce dimanche 19 janvier, la conférence de Berlin visant à relancer le processus de paix en Libye. Sous l’égide de l’ONU, l’événement a connu, entre autres, la participation de l’Italie, la Turquie, l’Egypte, l’Algérie, les Emirats Arabes Unis, l’Union européenne, l’Union africaine ou encore le Congo Brazzaville.
Des rencontres et des échecs
L’objectif de cette conférence était donc de trouver une solution à la crise libyenne qui dure maintenant depuis près d’une décennie. Force est de constater que les nombreuses initiatives déployées n’ont été, jusqu’à présent, qu’un échec cuisant. La dernière en date est la tentative de l’Italie, qui a cru, l’espace d’un instant, être l’initiatrice de la paix, en conviant le général Haftar et Al-Sarraj, le 8 janvier à Rome. Sans surprise, Al-Sarraj a annulé sa visite dès qu’il a appris la présence de son rival. Le 16 janvier à Moscou, Haftar s’en est allé sans signer le document de cessez-le-feu accepté par Al-Sarraj.
Si Angela Merkel et l’ONU ont fait preuve d’une certaine préoccupation en convoquant cette conférence, on s’interroge toutefois sur les réelles intentions du pays hôte et de certains invités, mais surtout, sur les critères qui ont permis de choisir les participants. La présence de l’Union africaine, de l’Italie, concernée par les problématiques migratoires, et même du Congo Brazzaville, qui préside le Comité de Haut Niveau sur la Libye, peuvent être justifiées, mais que l’Allemagne, située à des milliers de kilomètres soit à l’initiative de cette conférence, en l’absence des voisins régionaux, notamment la Tunisie, qui possède pas moins de 400 km de frontières communes avec la Libye, demeure un mystère. Certes, la situation politique du pays qui a accueilli plus d’un million de réfugiés libyens est dans l’impasse, mais l’Algérie, elle, présente à la conférence, ne s’en sort pas mieux.
Exclusion surprenante du Maroc à la Conférence
Parmi les absents, on compte également le Maroc. Non convié à la conférence, le chef de la diplomatie n’a pas hésité à exprimer l’étonnement quant à cette décision. Un choix qui suscite de nombreuses interrogations alors que les initiatives occidentales ont jusque-là été un échec, et que l’accord de Skhirat, signé à l’occasion de la Conférence hébergée par le Royaume en 2015, est le seul cadre politique « viable » pour la paix en Libye. Une incompréhension générale, lorsque l’on connaît le rôle de premier plan joué par le Maroc, lors de cette conférence ainsi que sa position ferme en faveur d’une non-ingérence de puissances étrangères dans le conflit et dans les affaires internes de la Libye.
La conférence a donc permis aux Etats présents de s’accorder sur le respect de l’embargo sur les armes, décidé en 2011, et de refuser tout interférence étrangère dans le conflit. Mais les échecs précédents, à Rome et à Moscou, laissaient présager d’une nouvelle déconvenue diplomatique avec l’absence remarquée des deux principaux protagonistes à la table de négociations. Présents à Berlin et isolés dans deux salles séparées, les discussions se sont donc faites par le biais des Européens, des Turcs et des Russes. Le chef de la diplomatie russe a confié à la presse que : « La conférence a été très utile (…) mais il est clair qu’on n’a pas réussi pour l’instant à lancer un dialogue sérieux et stable » entre Fayez al-Sarraj et Khalifa Haftar.
Comment peut-on concevoir la résolution d’un conflit sans la présence des principaux concernés ? Quel a été l’objectif réel de cette conférence, alors que la situation est à ce jour, critique, Haftar se situant à quelques kilomètres seulement de Tripoli ? Quels sont les intérêts des grandes puissances et pourquoi ne pas avoir convié les pays du Maghreb ? La Libye ne deviendrait-elle donc pas qu’un « fonds de commerce ou de diplomatie qui peut être utilisé pour organiser des conférences et se prendre en photos ? ».