Iran : Un paradoxe insoluble
Le lundi 7 octobre, Ali Khamenei, Guide Suprême des mollahs a convoqué nombreux commandants des Gardiens de la révolution (pasdaran), prononçant un discours pompeux dans lequel il encense les pasdaran, les décrivant comme « ses chers enfants dont il est satisfait à 100 % ». Quel est le but de tels encensements ? C’est la question à laquelle nous allons apporter une réponse dans cet article. Mais avant, il importe que nous fassions un petit retour sur les origines même des pasdaran.
1979 : la naissance du mal
Le Corps des Gardiens de la Révolution islamique (pasdaran) a été constitué en mai 1979, quelque trois mois après l’instauration du régime théocratique en Iran. Le nom et l’identité de cette entité ne font aucune allusion à l’Iran tout simplement parce que son mandat s’étend bien au-delà des frontières iraniennes. C’est l’instrument privilégié du Guide Suprême pour instaurer un « califat islamique ». L’article 1 de la charte des pasdaran, qui a été écrite en 1979, stipule que : « Le Corps des Gardiens de la Révolution islamique est une institution placée sous le commandement du Guide Suprême et son but est de protéger la révolution islamique d’Iran et son succès, d’oeuvrer continuellement à la réalisation des idéaux divins et de répandre le pouvoir de la loi divine sur la base des lois de la République islamique d’Iran tout en affermissant la structure défensive de la République islamique à travers la collaboration avec d’autres forces armées et militaires ainsi que la formation et l’organisation de forces populaires. »
Après avoir usurpé le pouvoir en février 1979, le régime théocratique a consolidé son pouvoir sur la base du principe du valayat-e faqih (le pouvoir absolu des mollahs). L’élément central de ce type d’Etat est le concept que la jurisprudence islamique a reconnu comme étant le Vali – e faqih (Guide Suprême).
Actuellement, les pasdaran sont démoralisés et sont au bord de l’effondrement en raison des pressions économiques, des évolutions politiques, et plus particulièrement de l’état explosif de la société et des avancées quotidiennes du mouvement de résistance. La question est si sérieuse que dans son récent discours, Khamenei a reconnu que « la défection et l’expansion sont observées partout ; bien entendu, les pasdaran ne font pas exception à cette règle, mais est-ce la défection ou l’expansion qui domine ? Je crois fermement qu’au sein des pasdaran, l’expansion a le dessus ». De tels propos donnent de bonnes raisons de croire qu’il y a, en réalité, de plus en plus de défections. L’exemple le plus notoire a été la démission du brigadier général Jaafari, commandant en chef des pasdaran. Avant d’abandonner son poste, Jaafari a déclaré dans un discours public en qualité de commandant en chef des pasdaran : « Une des préoccupations du Guide Suprême est l’état interne des pasdaran. »
Plus tôt cette année, lorsque le gouvernement américain a inscrit, le 8 avril, les pasdaran sur la liste des entités terroristes, Khamenei a applaudi et félicité les Gardiens de la révolution et la milice Basij, dans un discours prononcé le 9 avril. Il avait, en effet, conscience de l’impact que cela pourrait avoir sur le moral de ses troupes.
Pourquoi Khamenei encense-t-il les pasdaran ?
Dans son discours du 5 octobre, Khamenei n’a pas su voiler sa vive préoccupation au sujet des « grands événements » qui pourraient sceller le sort du régime. Il a donc exhorté les pasdaran à « se tenir prêts pour les grands événements… mais à ne pas avoir peur de l’ennemi. »
Dans un pays aussi riche que l’Iran, on réalise que les deux-tiers de la population vivent dans la précarité.
En parlant de « grands événements », le Guide Suprême ne faisait certainement pas allusion à une invasion militaire étrangère ou à une guerre. Il a déjà insisté, à plusieurs reprises, sur le fait qu’il n’y aura pas de guerre et que ses actes terroristes dans le golfe persique, y compris un acte de guerre pour attaquer les installations pétrolières saoudiennes, sont motivés par le fait que Khamenei est convaincu que les États-Unis, pour diverses raisons, ne veulent pas de guerre.
A plusieurs reprises, Khamenei a déclaré : « Si nous ne combattons pas en Syrie et en Irak, nous devons combattre à Kermanshah, à Ispahan et à Téhéran. » Cette affirmation vient du fait que Khamenei a toujours su que la principale menace à la survie de son régime chaotique vient de l’intérieur de l’Iran, du peuple iranien qui végète dans la misère. Il a lui-même déclaré dans son discours que « les conditions de vie de la population sont difficiles ». Dans un pays aussi riche que l’Iran, on réalise que les deux-tiers de la population vivent dans la précarité. L’Iran représente à lui tout seul 1 % de la population mondiale et détient 7 % des ressources minières mondiales. C’est le troisième producteur de pétrole et le quatrième producteur de gaz à l’échelle mondiale.
Cependant, au lieu d’utiliser les ressources et richesses du pays pour aider le peuple à avoir une existence décente, Khamenei a fait le choix du bellicisme, de la répression à l’intérieur du pays et de l’exportation du terrorisme. Cela se comprend lorsque l’on sait que le régime des mollahs repose sur des fondements médiévaux. Il est, de ce fait, inapte à satisfaire les exigences économiques, culturelles et politiques de son peuple au XXIe siècle.
Lors des manifestations populaires à travers le pays, les enseignants et autres travailleurs qui n’ont pas reçu leurs salaires depuis des mois, ont porté des pancartes sur lesquelles il est écrit : « Abandonnez la belligérance, pensez à nous ! ».
C’est un paradoxe insoluble que la dictature théocratique, d’une part, dépende du Corps des Gardiens de la révolution et de ses actes terroristes à l’étranger pour échapper à la crise qui la menace, et que de l’autre, ses aventurismes attisent davantage la pauvreté et suscite le mécontentement populaire.
Pendant ce temps, les unités de résistance organisées à l’intérieur de l’Iran dirigées par l’OMPI, ces ennemis jurés des mollahs, ont une présence de plus en plus vaste, dirigeant ce mécontentement vers un objectif majeur : un changement démocratique et le renversement du régime des mollahs.
Hamid Enayat : Analyste iranien, militant des droits de l’Homme