Tebboune ou le syndrome d’hubris
Par Hassan Alaoui
Abdelmajid Tebboune, Président de la République algérienne, depuis le 12 décembre 2019, comme on pouvait l’imaginer, n’a pas dérogé à la règle…
Il fait de la détestation du Royaume du Maroc l’une des priorités de sa politique. On s’en voudrait de dénoncer cette attitude si elle ne venait confirmer nos craintes et nos pronostics…On aurait également espéré, dans la foulée du changement qui a marqué les derniers mois d’une Algérie libérée du carcan de Bouteflika, que M. Tebboune adoptât un autre style, une autre « manière de voir », qu’il enterrât en fin de compte la hache de guerre avec le Maroc.
Las ! Non seulement il demeure attaché au principe d’une hostilité rédhibitoire, mais il affiche une arrogance dont on se rappelle, il y a quelques mois, avant même qu’il ne fût candidat à l’élection présidentielle, qu’il en était le porteur et le messager sinistre. Ceux qui misaient sur un changement de politique en Algérie, voire seulement de ton et de langage en ont pour leur grade. Fort heureusement, ils ne sont pas nombreux. Cela dit, nous ne sommes pas surpris et n’attendions pas moins d’une attitude nourrie dans la haine du Maroc et qui est le ressort essentiel de la politique algérienne.
Boumediene a fait des émules, après lui se sont succédé les Représentants de l’armée qui sont au régime ce que l’hubris est au pouvoir. Inscrite dans le marbre de la Mouradia, cette vision défendue par les légions du régime militaire est en priorité dressée comme un rempart essentiellement contre le Maroc. Rien n’y a fait, ni n’y fera encore tant que la structure de l’Etat militaire en Algérie ne changera pas. Tous les candidats à la présidence de la République algérienne – dite démocratique, socialiste et populaire – sont le produit de l’armée. Celle-ci constitue l’acteur majeur de la scène nationale, elle fait et défait les présidents. De Abdelhafid Boussouf, la tête pensante de l’indépendance, à Larbi Belkheir, Boumediene, Nizar, Chadli ou Kasdi Merbah et Toufik Mediene, la lignée des militaires est longue avec cette caractéristique remarquable que l’ennemi historique ou « providentiel » qu’il faut réinventer, est le Royaume du Maroc, ce voisin qui n’a cessé, dans les années soixante, de se sacrifier pour soutenir la « révolution algérienne »…
Bien évidemment, Abdelmajid Tebboune, qui n’avait que seize ans à la proclamation de l’indépendance algérienne en 1962, ne peut savoir tout cela et, surtout, ne peut mesurer l’intime relation qui prévalait, ces années-là, entre les libérateurs des deux pays, les combattants du FLN algérien, que le Maroc abritait au risque des représailles des autorités françaises, et les Rois du Maroc. Révisionniste qu’il est et livresque dans ses affirmations, M. Tebboune croit réécrire l’Histoire et détruire la mémoire d’un pan entier de celle de son propre pays. On ne construit pas une politique sur les ruines de ses prédécesseurs, quand bien même l’on serait soucieux de s’inscrire dans une continuité historique absolue. Le Président algérien a été « élu » – si tant est qu’il le fût réellement – et le peu qu’on y attendait était l’espoir d’un changement, fût-il tenu, dans la perception de la construction du Maghreb et de la normalisation maroco-algérienne. Force nous est de déchanter et de nous résoudre à cette réalité si triste que de modification de politique algérienne, il n’y en aura point, que l’expansionnisme, qui est la caractéristique essentielle de la vision du pouvoir algérien, reste de mise. On se rappelle les années soixante-dix, au plus fort de l’arrogance de Boumediene, quand un certain ministre algérien de l’Industrie et maître des hydrocarbures, mammouth s’il en fut, Belaïd Abdeslam, pour ne pas le citer, affirmait pince-sans-rire : « l’Algérie sera la pays de l’industrialisation du Maghreb, elle produira le pétrole et le gaz, et le Maroc, son jardin, produira nos tomates… » !
Comparaison n’étant pas raison, Abdelmajid Tebboune, tout à son aveuglement caricatural, n’en pense pas moins. Il n’en démord pas d’isoler le Royaume du Maroc, de se substituer à lui sur la scène maghrébine, africaine, arabe même. Sans élégance ni la moindre pudeur, une vulgarité comportementale et langagière inscrite sur le fronton d’une ambition de hubris.