La planète entre virus et rapacité ?
Hassan Alaoui.
Le nouveau coronavirus signifierait-il à terme la dernière phase du dépérissement de notre civilisation ? Serait-il le signe d’une revanche rédhibitoire de la nature contre l’homme ? Au moment où, ici et là, nous spéculons et devisons sur nos sujets du jour, le virus se répand à une vitesse de lumière, attaque les pays les uns après les autres et, après en avoir dévasté quelques uns, se lance contre les forteresses européennes.
Chaque jour nous apporte la preuve non seulement de sa virulence chiffrée qui jette le froid sur les consciences, mais la part aggravée d’une ignorance, disons d’une négligence dont on mesure à présent qu’elle relève d’une tragique inconscience…
La province chinoise du Wuhan n’est que le révélateur , ô combien tardif, d’un mal terrifiant et incrusté depuis longtemps peut-être dans les arcanes moribondes du plus grand pays de la planète. A l’ère de l’Internet et des réseaux sociaux, la rapidité aidant, les nouvelles se répandent si vite qu’une nouvelle en chasse l’autre, nous jetant dans l’effroi et la béatitude.
Ce qu’on appelle le « partage » – sur facebook, twitter ou même Linkdine – est de nos jours l’exercice le plus répandu , et dirions-nous, encore heureux que les nouvelles technologies fussent rendues utiles. Elles ont cette caractéristique d’être pédagogiques et même salutaires. Comme on dit, l’information se répand si vite d’un continent à l’autre, d’une petite cité à l’autre dans ce vaste monde que même les pouvoirs autoritaires, cédant au réflexe de tout démentir et voiler, n’arrivent plus à imposer leur censure.
L’implosion en Chine même de ce nouveau Mal a pris de court son gouvernement qui, comme le font beaucoup d’autres pays, s’y est attaqué avec cette détermination d’en découvrir et d’extirper les racines. On n’improvise pas, toutefois, un vaccin en quelques semaines voire plusieurs mois. La Chine compte un milliard et demi d’habitants et ne s’est pas départie de la mission d’une part d’endiguer la montée du virus et, d’autre part, de découvrir un vaccin au nom de l’humanité tout entière.
Fermer les frontières à tout ce qui provient ou part en Chine est évidemment le réflexe traditionnel, guidé par la peur extrême. Tout un chacun prend conscience de la nécessité de protéger les siens, sauf qu’il convient de le faire dans la dignité et se garder des excommunications et de cette irascible xénophobie dont seuls quelques Occidentaux ont le sinistre secret.
Or, il est tout de même une ahurissante contradiction dans le processus de l’information qui couvre cette tragédie, plus on annonce des morts du Coronavirus, plus ont se préoccupe en parallèle et davantage de l’économie mondiale, des places boursières qui chutent, des chiffres d’affaires qui se réduisent en quenouille. Rien n’est plus affolant que ce souci du gain qui , comme un chancre, se greffe dans l’esprit de l’Homme prédateur alors que sa santé est la proie d’un virus terrifiant qui se jure d’avoir la peau de l’humanité.
Il y a eu donc l’avant et l’après Coronavirus en Chine, ses laudateurs et admirateurs, ceux qui se bousculaient à ses portillons avec leurs attaché-caisses et les calculettes en quête de juteux contrats , en sont de nos jours à la vitupérer , se désolant pour leur perdu statut de « partenaire privilégié » avec « l’usine du monde », à peine solidaires tout de même mais le disant mezzo voce.
L’explosion du Coronavirus hors de Chine, a ceci de grave que la pandémie – il n’est pas d’autre mot pour en parler – se loge au cœur de l’Europe, faisant des ravages sur cette « Route de la soie » qui , il y a encore quelques semaines seulement, constituait le fil bleu de la nouvelle mondialisation. Cette explosion nous dit tout simplement qu’il n’est sur terre aucun pays qui pourrait prétendre y échapper absolument. Comme ces scénarios catastrophiques décrits par Orwell ou Camus dans « La Peste », l’incommensurable cortège de morts dessinera une planète frappée par la fatalité : une planète si riche, mais si fragile, versant dans le cynisme et la dérision.