Trump ne changera-t-il donc jamais ?
Si l’impact de la terrible pandémie, qui a mis à genoux la planète, sur l’économie mondiale est inévitablement catastrophique, les effets politiques qui en découleront sont imprévisibles et risquent de changer les contours de la géopolitique mondiale. De fait, la crise économique qui s’abat sur les Etats-Unis, entre autres, secouera certainement la terre sous Trump, lors des élections et pourrait entraîner, carrément, la défaite du président américain à la présidentielle de novembre prochain.
Tout et son contraire
S’il avait longtemps minimisé l’ampleur de la pandémie et son impact direct sur les Etats-Unis, Trump, qui s’était attiré les foudres de nombreux experts, change de ton et prend les choses plus au sérieux, mais juste le temps de leurrer les Américains et le reste du monde avec. Coup de théâtre, ce mardi 24 mars, il s’est montré moins vigilant et surtout impatient, face à la crise sanitaire qui tient le monde confiné. Pendant plusieurs semaines, il a ainsi relativisé l’incidence du virus et expliqué qu’il s’agissait d’une mauvaise blague des démocrates. Il va même loin en misant sur une levée «rapide » des restrictions, d’ici mi-avril surtout pour les zones les moins peuplées du pays et où l’épidémie aurait été considérée comme contenue. Une partie du pays pourra donc casser le confinement malgré la forte accélération des décès dus au nouveau coronavirus aux Etats-Unis.
«Il faut retourner au travail, beaucoup plus tôt que les gens ne le pensent» a-t-il lancé sur la chaîne Fox News. Il n’y a donc que lui pour prendre une décision pareille en dépit du nombre effrayant des décès aux Etats-Unis. «On peut détruire un pays en le fermant de cette façon», a-t-il estimé, ajoutant qu’une «grave récession ou une dépression» pourraient faire plus de morts que l’épidémie et que la crise économique devrait entraîner «des suicides par milliers».
Le délire du président américain n’ayant jamais de limite, il déclare qu’au cas où «la période de confinement se prolongerait au-delà du 12 avril, soit les fêtes de Pâques, les Américains se suicideront par milliers».
« On perd des milliers et des milliers de personnes, chaque année, à cause de la grippe, et on ne met pas le pays à l’arrêt », dixit Trump.
«Notre peuple est plein de vitalité, de vigueur et d’énergie. Les gens ne veulent pas être enfermés dans une maison, un appartement ou un espace», a-t-il déclaré lors de son entretien avec le même Chaîne. «Ce n’est pas fait pour notre pays, et nous ne sommes pas bâtis de cette façon», a-t-il poursuivi et de continuer : «Nous allons perdre plus de personnes en plongeant un pays dans une récession ou une dépression massive».
Pourtant, il y a juste quelques jours, il annonçait «être en guerre contre un ennemi invisible». Par ailleurs, moins optimiste, le Pentagone table sur plusieurs mois de crise et espère un retour à la normale vers juin-juillet, aux Etats-Unis.
Nouvel épicentre ?
Mardi 24 mars, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) n’est pas allée par quatre chemins pour avertir sur l’état des Etats- Unis, qui pourraient devenir le nouvel épicentre mondial de la pandémie, en dépassant l’Europe. «Nous constatons une très forte accélération du nombre de cas aux Etats- Unis», a expliqué une porte-parole de l’organisation. En effet, deux jours après, Les Etats-Unis dénombraient plus de cas recensés du nouveau coronavirus que tout autre pays dans le monde, dépassant la Chine et l’Italie. La propagation de la pandémie continue d’ailleurs à s’accélérer et à gravement affecter l’économie mondiale.
Si la Chine où la maladie est apparue en décembre, compte plus de 81.000 cas (semaine du 23 mars) suivie de l’Italie avec à peu près 80.000, les Etats-Unis, eux, les dépassent avec un peu plus de 83.000, recensés par l’Université Johns Hopkins. Ce qui montre que l’épidémie y progresse de façon exponentielle. D’ailleurs, New-York qui abrite une population dense enregistre le plus de cas et le taux de nouvelles infections double tous les trois jours. L’accélération y est la plus forte avec 281 morts sur les 1.201 qu’a connus le pays jusqu’au 27 mars. Aussi, les habitants ayant fui récemment la région de New York, pour éviter la contagion ont-ils été appelés à observer une quarantaine de deux semaines pour empêcher tout risque de contamination. Sans compter que dans des villes comme Miami en Floride, avec ses 470.000 habitants, des jeunes ont continué à faire la fête jusqu’au confinement imposé mardi 24.
«Une grippe saisonnière»
De «Restez chez vous. Détendez-vous», lancé depuis la Maison Blanche, il y a à peine quelques jours, le président américain dit aujourd’hui : «J’adorerais rouvrir d’ici Pâques qui tombe cette année le 12 avril», faisant fi de l’avis de nombreux scientifiques et responsables locaux pour qui cette éventualité ne serait possible que si les gens respectaient la distanciation sociale sur les lieux de travail, ce qui n’est pas évident. C’est simple, pour lui, la pandémie actuelle est comme une grippe saisonnière alors que toute la planète craint que le pire ne soit à venir. «On perd des milliers et des milliers de personnes, chaque année, à cause de la grippe, et on ne met pas le pays à l’arrêt», a-t-il affirmé lors de son long entretien sur sa chaîne fétiche Fox News.
Cette décision est prise alors que l’Etat de New-York de près de 20 millions d’habitants, ne cesse de réclamer 140.000 lits d’hôpitaux supplémentaires, en plus du matériel médical, surtout des milliers de masques et de respirateurs pour faire face au pire qui s’annonce.
Faut-il rappeler que le président américain avait beaucoup misé sur l’économie pour sa réélection en novembre ? Manque de bol, les demandes d’allocations de chômage ont explosé de 1.000% la semaine écoulée et atteint un record historique, d’où l’idée de reprendre l’activité dans certaines parties du pays de manière progressive. Il faut dire que sa gestion de la crise du coronavirus n’est pas applaudie par tous. Ainsi, une semaine où l’impatience de Trump n’a pas été contenue a suffi pour faire baisser sa cote de popularité. Cela le mettra-t-il en difficulté pour les élections ? Certainement puisque l’une des questions centrales sera assurément le système de santé américain.
Bien que les Etats-Unis consacrent, chaque année, 17% de leur PIB à leur santé, bien qu’ils aient des équipements de pointe et comptent presque cent prix Nobel de médecine, le coronavirus révèle qu’ils ne sont pas prêts à affronter l’épidémie et le matériel commence à manquer dans plusieurs hôpitaux. C’est dire à quel point il faut s’attendre au pire avec le nombre d’Américains atteints par le Covid-19 et qui sont dans l’incapacité de se soigner, les soins médicaux aux USA étant les plus chers au monde. C’est à croire que Donald Trump n’a pas saisi l’ampleur de la catastrophe qui s’annonce ou que pour lui l’économie passe avant les vies humaines. «Nous devons retourner au travail. Les Américains ne veulent pas rester assis à ne rien faire. On pratiquera la distanciation sociale quand même, en ne se serrant pas la main et en se lavant les mains. Mais nous devons travailler.» tonne-t-il.
Pour lui, l’ennemi est ailleurs
S’improvisant «Président en temps de guerre», l’ennemi réel pour lui n’est pas le coronavirus mais la Chine. Raison pour laquelle il a régulièrement accusé les autorités chinoises d’avoir tardé à communiquer des données cruciales sur la gravité du virus dont la propagation aurait pu, selon lui, être endiguée. Et la réponse de Pékin ne s’est pas fait attendre : «Donald Trump fuit ses responsabilités ».
Une lueur d’espoir vient pointer, ce vendredi 27 mars. Donald Trump a tweetté, après un échange téléphonique, qui se veut conciliant, avec Xi Jinping, surtout après de longues accusations de part et d’autre : «Je viens d’avoir une très bonne conversation avec le président chinois Xi», «Nous avons discuté en détail du coronavirus qui ravage de grandes parties de notre planète. La Chine a beaucoup souffert et a acquis une solide connaissance du virus. Nous travaillons en étroite collaboration. Beaucoup de respect». Le président chinois Xi Jinping a déclaré, de son côté, que les deux pays devaient «s’unir contre l’épidémie» de Covid-19.
En somme, le monde a intérêt à ce que Pékin et Washington retrouvent leur bon sens surtout que la pandémie progresse à grande vitesse aux Etats-Unis.
Ce qui est certain c’est que le retour à la normale est encore loin et l’activité tournera au ralenti, à moins que Trump ne déroge à la règle imposée par le Colvid-19 mais surtout par le bon sens, sous prétexte qu’il veut éviter des suicides par milliers.