Quand Belaïd Abdeslam proclamait l’Algérie puissance industrialisante et le Maroc son jardin de tomates…
Par Hassan Alaoui
La fiévreuse malédiction du pétrole qui s’est emparée en 1962 des dirigeants algériens aura duré tout de même assez longtemps pour ne pas nous interpeller aujourd’hui, alors que s’éteignent les fausses lumières de l’arrogance antimarocaine. A la pandémie du Covid19 est venue s’ajouter la peur panique d’un baril en chute libre. Le cours est à son plus bas niveau historique . Jamais baisse aussi abyssale – c’est le cas de le dire -, n’a été aussi forte. Du « pétrole à gogo et gratuit », serait-on tenté de crier. L’or noir n’a plus la côte, à tout le moins pour l’instant et il faut remercier le coronavirus pour cette embellie temporaire pour les consommateurs qui remet les producteurs et les distributeurs à leur place. Parmi eux, l’Algérie qui a tablé et continue de tabler sur cette malédiction pour asseoir une économie de rente, alors que par le passé celle-ci a démontré sa vanité.
Jusqu’à il y a un an, le pactole de réserve en devises algérien s’élevait à pas moins de 300 Milliards de dollars. Un véritable matelas financier qui mettait le pays à l’abri de toute velléité de crise ou de catastrophe. Une déperdition progressive et indubitable a renversé le courant des certitudes et plongé le pays, aux derniers moments du pouvoir de Bouteflika, dans une crise économique et sociale profonde. Quand bien même le prix du baril s’élevait à pas moins de 100 dollars, quand encore le pouvoir algérien pavoisait de son tiers-mondisme de vitrine, ses dirigeants de Boumediene à Tebboune vantaient à qui voulait les entendre la puissance de leur industrie, le modèle « socialiste » axé sur les hydrocarbures que Boumediene nationalisa ex-abrupto , comme on le sait , en 1966.
L’anecdote, de peu de gloire, était le propos du ministre algérien de l’Industrie de l’époque, un certain Belaïd Abdeslam . Il affirmait que pour « faire le Maghreb, l’Algérie devait être la locomotive avec son pétrole et le Maroc le petit jardin pour fournir la tomate ». Sauf que l’Algérie, je veux dire ses dirigeants aveuglés par leur propension grandiloquente et victimes de leurs illusions se sont rendu compte à terme que l’industrialisation forcée à laquelle ils appelaient a eu pour effet immédiat une destruction systématique de l’agriculture laissée par la France en 1962, après l’indépendance du pays. Des terres collectives, des champs riches, une production abondante de beaucoup de produits sacrifiée sur l’autel d’une planification industrielle, vivement conseillée par un certain Gérard Destanne de Bernis qui fut l’âme des réformes engagées par le pouvoir, au risque d’un « suicide » de l’agriculture au profit de « l’industrie industrialisante ». On constate à présent les terribles dégâts de ce modèle suicidaire que se partage également un autre pays ayant tout investi sur le pétrole : le Venezuela.
La réalité a eu raison de cette vision, érigée comme une ambition nationale et régionale. Des années plus tard, des usines entières – sidérurgiques notamment – ont été fermées et abandonnées dans la Mitidja , transformées en champs de ruines, à long terme devenues vestiges et miroir vivant d’un cataclysme. L’Algérie autrefois producteur de blé s’est transformée en important importateur avec l’Egypte, ses produits de consommation et manufacturiers sont à hauteur de près de 80% achetés à l’étranger. Le paradoxe est qu’au lieu de bénéficier des produits, notamment agricoles du Maroc, pays voisin et frère, l’Algérie les achète à prix d’or à l’Europe tout simplement parce que l’orgueil de ses dirigeants n’en démord pas dans son irascible hostilité envers le Maroc. La crise maroco-algérienne , sans fondement à vrai dire, créée ex-nihilo par le pouvoir militaire algérien fin 1974 a détruit le projet maghrébin et au-delà l’espérance collective des peuples de la région.
Le propos provocateur de Belaïd Abdeslam , quelque ait été sa grossièreté, a eu sa riposte immédiate grâce au vaste projet du Roi Hassan II dont la vision de développement du pays aura été salutaire et pionnière. Le Souverain a privilégié l’agriculture et mis en œuvre la politique d’autosuffisance, construit les 100 barrages, irrigué le fameux million d’hectares, ouvert l’agriculture à l’inventivité, assuré le marché national et promu un développement exponentiel de cette activité, qui n’a d’égale aujourd’hui que l’expérience exportée en Afrique et ailleurs. L’expérience du Maroc est exportée dans le continent grâce notamment à OCP group, devenu le bras « armé » de la vision de fertilisation . C’est si vrai, en effet, que notre pays peut se prévaloir non seulement de son indépendance et sa sécurité alimentaire mais de son statut de pionnier.