Le Covid-19, notre ombre pour le pire, notre piqûre de rappel pour le bien

Par Abdelkader DALIL

Tel un Dieu Covid-19 est invisible et omniprésent. Tel un démon Covid-19 est imprévisible et irrésistible.
Et si par la dissémination mondiale du Covid-19, Mère-Nature n’en pouvant plus, était en fait en train de crier le holà, de châtier notre inconscience, de punir notre égoïsme et de sanctionner notre irresponsabilité.
Et si la surdité et l’indifférence des humains aux sonnettes d’alarme des tsunamis localisés mettait un terme à la patience de Mère-Nature, à sa tolérance et à ses vaines tentatives de résilience.
Et si notre planète, ployant sous le lourd fardeau d’une démographie exponentielle, souffrant d’une pollution mortifère et d’une exploitation sauvage, s’était, faute de défenseurs écoutés, résolue à se faire elle-même justice en condamnant à la disparition pandémique la seule espèce humaine encore en vie, le dernier Homo Sapiens qui, fort de la puissance de ses outils technologiques, ne l’a point ménagée, bien au contraire.

Les théologiens célèbrent aujourd’hui à l’envi les passages prémonitoires de leurs livres sacrés, ceux-là même qui prédisaient désolations ici-bas et crémations infernales là-haut, à une humanité arrogante qui aura défié les dieux, leurs prophètes et leurs textes canoniques.
Ces docteurs de la foi répètent, en l’occasion, avec une rare redondance, que c’est l’humanité délirante qui, sourde aux appels et rappels des divinités, a creusé sa propre tombe.
Les chercheurs scientifiques, les médecins en particulier sont pris au dépourvu par cette pandémie.
Ils se déchirent pour en déterminer la généalogie, en limiter la rapide propagation et en traiter les victimes.
Ils démontrent, à travers les médias tous focalisés sur ce tsunami épidémique, leurs divisions théoriques et politiques, leur impuissance, l’inefficacité de leurs thérapeutiques, leurs tâtonnements et leurs valses-hésitations.

Nos bouées de sauvetage habituelles coulent : croyances religieuses, savoirs scientifiques et discours politiques sont frappés du sceau de l’incertitude.
Au même moment, le démon « Covid-19 » continue à faucher, en gros et en détail, des dizaines de milliers d’humains.
Indifférent à notre psychose, il étale partout sa puissance dévastatrice, sa force d’extermination.
Le Covid-19, cet ennemi invisible n’épargne personne : riches et pauvres, ruraux et urbains, jeunes et vieux, femmes et hommes, malades et bien-portants, grands et petits, blancs, jaunes et noirs…personne n’échappe donc à ses fourches Caudines.
Ni les prières ni les vertus morales et encore moins les progrès vertigineux de la science ne nous protègent contre ce visiteur macabre.
Nous sommes, bon gré mal gré, livrés, pieds et poings liés, à ce monstre viral inédit.
Et nous qui, par un bonheur peut-être éphémère, nous ne sommes pas encore frappés, nous vivons, tels des condamnés à mort en attente d’exécution, dans l’angoisse de l’heure qui suit, l’anxiété du jour suivant, la peur bleue de la visite impromptue de ce discret mais redoutable ennemi.
Nous soupçonnons sa présence mortifère partout, sur nos objets les plus usuels, nos serrures, nos verres, nos bouteilles d’eau, nos vêtements, notre volant de voiture, nos livres, nos journaux, nos magazines…
Notre attention est vampirisée en permanence, nous nous précipitons à notre salle de bain pour nous laver sans compter nos mains, notre nez, nos yeux.
Aux toux les plus bénignes, nous stressons, nous sautons sur notre thermomètre, nous mesurons fiévreusement notre fièvre, nous décrochons nerveusement nos téléphones, nous appelons, catastrophés, notre médecin traitant.
Confinés sous peine de sanctions pécuniaires et pénales, nous ne mettons plus le nez dehors, nous demeurons cloîtrés chez nous, seuls ou en famille, le nez dans nos écrans de télévision qui déversent sans rompre des flots nauséabonds de dépêches contradictoires et anxiogènes.

La police est aux aguets, elle est à nos trousses. Le temps et les lieux des sorties limitées au minimum, sont strictement réglementés.
Les passants, peu nombreux et épars, sont pourtant tenus, à chaque coin de rue, de montrer patte blanche.
Les boulevards, les avenues et les rues sont vides ; la ville est sinistre.
L’humanité est partout sommée de ne pas quitter son domicile. Mais elle s’y soumet de bon gré, cela y va de sa survie !
On croirait, à observer les rues désertes, à une disparition subite de l’espèce humaine.
Une autre espèce post-humaine a, dirait-on, pris sa place ; elle n’existerait que par la magie des réseaux sociaux.
Cependant, nos humains continuent à donner des signes de vie et crient bruyamment leurs sentiments de joie, de compassion et de gratitude chaque soir sur les balcons de leurs appartements.
Les post-humains multiplient les initiatives numériques d’entraide, de solidarité, de lutte contre l’ennui et la vacuité, ces deux écueils pesants du confinement.
Les post-humains communiquent online, échangent abondamment par différents écrans interposés.
La mort rôde, son ressenti malodorant pollue notre quotidienneté, la vie continue cependant, comme si de rien n’était.
Par ses potentialités créatrices, l’imagination humaine demeure, à notre grand bonheur, une arme de survie face à cette innommable épidémie qui partout frappe aveuglément.

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