Quelles conditions pour le déconfinement au Maroc?
Maintenant que la date de déconfinement a été retardée de plusieurs semaines, nombreux sont les Marocains qui se questionnent sur les conditions de son entrée en vigueur et sa réussite.
Pour vous apporter des réponses concrètes, nous avons interrogé deux professeurs universitaires pour recueillir leurs avis.
Le déconfinement, vu par Naima Elmadani, Professeur de sociologie et d’anthropologie à la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines-Cadi Ayyad de Marrakech
« La levée du confinement ne veut pas forcément dire qu’il y aura un retour soudain à la vie d’avant l’apparition de l’épidémie ».
Aussi, « le déconfinement ne sera pas une rupture absolue avec les mesures et recommandations que la société marocaine a appliquées durant le confinement », notamment en matière de distanciation spatiale, d’hygiène, de désinfection, de port du masque ou encore de restriction des déplacements.
Pour une levée progressive du confinement
« Il est préférable que la levée du confinement se fasse de manière progressive », affirme la sociologue.
Ainsi, « toute confusion qui causerait des bousculades et des mouvements de foule et pourrait entraîner l’apparition de nouveaux foyers de pandémie, sera évitée ».
Cette levée progressive pourrait éventuellement concerner « les horaires de déplacements, le retour à l’activité pour certains secteurs et la reprise des activités essentielles ».
Pour un déconfinement adapté
En outre, poursuit la spécialiste, « il est nécessaire de prendre en considération les différences des situations épidémiologiques entre régions ». Il faut faire en sorte que « le rythme de la levée du confinement soit adaptée aux caractéristiques de chaque région ». « Il en va de même pour la circulation à l’intérieur et entre les villes ».
Sensibiliser avant de déconfiner
Mme Elmadani préconise d’organiser une large campagne de sensibilisation, afin que « les citoyens continuent à prendre les mesures préventives nécessaires pour éviter la contagion après la levée du confinement ».
Elle souligne que « les agents d’autorité peuvent réussir cette campagne, étant donnée la relation distinguée qu’ils ont pu tisser avec les citoyens, tout au long de l’Etat d’urgence sanitaire ».
Déconfinement : doucement mais sûrement
« Le Maroc prend une sage décision de prendre le temps avant de lever le confinement et de faire le point sur l’impact de cette pandémie », explique Mme Elmadani.
Qualifiant « d’historiques » les mesures proactives prises par le Royaume pour faire face au Covid-19, l’universitaire indique que « la levée du confinement doit permettre de préserver les acquis mêmes de ce confinement ».
Comment réussir le déconfinement, selon Mehdi Alioua, sociologue et professeur à l’Université internationale de Rabat (UIR) ?
Pour M. Alioua, « le déconfinement est compliqué ». D’après lui, « il est peut-être temps de changer de perspectives et d’apprendre à vivre avec ce virus ».
« Le virus continuera de circuler ». La solution? « Qu’il circule moins vite, car sans traitement et sans immunité de groupe, il n’y a pas d’autres solutions que de rester enfermés ».
Le déconfinement et le mode de vie des Marocains
« C’est une équation difficile », précise le sociologue, « d’autant plus qu’une grande partie du mode de vie de la société marocaine repose sur les contacts sociaux ».
« La situation est d’autant plus compliquée que beaucoup de Marocains vivent encore dans des familles communautaires ».
Il suffit qu’un membre de la famille attrape le virus pour le transmettre à plusieurs et non à trois ou quatre personnes.
Le déconfinement et la distanciation
Si le déconfinement demeure tributaire de la distanciation, instaurer la « distanciation sociale » s’avère très compliqué. En effet, « il n’y pas de société sans contact social ». « La société est faite de relations sociales ». « Le concept de distanciation sociale est un concept inepte, un concept qui ne peut pas fonctionner. On a d’ailleurs confondu distanciation physique et distanciation sociale ».
« Les gens vont donc devoir apprendre à vivre avec cette distanciation, mais il y a tout un ensemble de situations où les individus se retrouveront forcément côte-à-côte, ou seront nombreux dans un seul et même espace ».
« C’est pour cela que la facilité était le confinement : si les gens ne sortent pas, ne circulent pas, il n’y a plus de contact ».
Le déconfinement et les gestes barrières
Pour l’universitaire, si l’on doit ressortir pour avoir une vie sociale, « il faudra expliquer à la population de ne pas se saluer, de ne pas se serrer la main et de ne pas se faire la bise, mais de porter des masques et de se laver régulièrement les mains ».
Le sociologue admet toutefois que ces recommandations, « même si elles sont respectées, elles ne pourront pas limiter la proximité dans les bus, les tramways, les taxis, les entreprises ou dans les lieux publics ». « Il y aura toujours des contacts », a-t-il dit.