Le Conseil de veille économique : des mesures suffisantes ?
Face à la pandémie du coronavirus, qui a mis l’économie nationale en péril, l’Etat, les autorités locales et le secteur privé travaillent au coude-à-coude. Toutefois, une question se pose : La création d’un Fonds spécial pour la gestion de la lutte contre le virus ainsi que d’un Comité de veille pour surmonter la crise économique et sociale est-elle suffisante ? Quid des travailleurs journaliers ?
Avec la collecte de plus de 28 MMDH, le Maroc se prépare à couvrir les charges sociales et fiscales des ménages et des entreprises en difficulté. Pour sa part, le Ministère de l’Economie, des Finances et de la Réforme de l’Administration a mis en place, mercredi 11 mars 2020, un Comité de veille économique (CVE), pour suivre de près l’évolution de la situation économique, d’une part, et mettre en place les mesures adéquates en termes d’accompagnement des secteurs impactés, d’autre part.
Les travaux de ce Comité sont coordonnés par le Ministère de l’Economie. Il comprend parmi ses membres, le Ministère de l’Intérieur, le Ministère des Affaires étrangères, de la Coopération africaine et des Marocains résidant à l’Étranger, le Ministère de l’Agriculture, de la Pêche maritime, du Développement rural et des Eaux et Forêts.
Parmi les mesures prises par ce Comité, il y a l’indemnité forfaitaire mensuelle de 2.000 DH/mois, des allocations familiales et des prestations de l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO), destinées aux salariés, qui sont affiliés à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS). Ajoutons que cet appui sera apporté par le Fonds spécial pour la Gestion de la Pandémie du coronavirus.
Ces salariés pourront, également, bénéficier du report du remboursement des échéances des crédits bancaires, à savoir le crédit à la consommation et le crédit acquéreur, jusqu’au 30 juin prochain.
S’agissant des entreprises en difficulté, toutes catégories confondues, les mesures qui ont été prises, portent sur la suspension du paiement des charges sociales jusqu’au 30 juin 2020, la mise en place d’un moratoire pour le remboursement des échéances des crédits bancaires et des leasings jusqu’au 30 juin, sans paiement de frais ni de pénalités ainsi que l’activation d’une ligne supplémentaire de crédit de fonctionnement octroyée par les banques et garantie par la Caisse centrale de garantie (CCG).
Quid des travailleurs du secteur informel? Sachant que la majorité des populations exerce dans le secteur informel, le coût social d’un confinement total sera très élevé. Le Maroc doit faire un grand effort de solidarité contre le virus. Dans ce sens, Mohamed Benchaâboun, ministre des Finances et de l’Economie, a affirmé, dans une déclaration à l’AFP, que «plusieurs mesures d’accompagnement pour les quelque quatre millions de ménages du secteur informel sont en cours de discussion».
«Le Fonds de solidarité doit être géré avec une bonne gouvernance», selon Mohammed Touimi Benjelloun
«Le Maroc, comme le reste du monde, passe par une situation difficile et exceptionnelle qui touche la santé des citoyens à cause de la pandémie du covid-19. Pour faire face à ce virus, qui ralentit l’activité économique du Maroc, il faut adopter les mesures appropriées, notamment le confinement. Sa Majesté le Roi, par sa clairvoyance, a initié la création de la caisse de solidarité ainsi qu’un Fonds spécial pour renforcer les équipements de santé… Plusieurs interrogations ont été posées, notamment sur la gestion économique de cette crise, sachant que personne n’est certain de sa durabilité et des dégâts qu’elle peut générer. Les premières mesures prises par le Comité de veille économique concernent une partie de la population, les salariés du secteur privé, à travers la CNSS (2000 DH), les PME en difficulté, à travers le report des échéances des crédits, ainsi que les mesures fiscales. Ces mesures restent insuffisantes et manquent de transparence. Personnellement, je ne vois pas de mesures fortes et responsables, aucune mesure chiffrée n’a été annoncée. Il reste aussi une partie de la population, qui a des revenus journaliers et des gens pauvres qui vont être retrouvés, qui sont nombreux, sans moyens pour survivre, et nous devons les assister pendant la durée de cette pandémie. Le Fonds de solidarité doit être bien géré avec une bonne gouvernance.
Il doit maintenir un équilibre social pour aider les démunis, et soutenir les ménages et les personnes en arrêt temporaire d’emploi et aussi renforcer le système de santé en prévention, en se préparant au pire. Nous sommes tous concernés pour contenir cette pandémie. La population doit en être consciente. Nous devons respecter, strictement, le confinement pour préserver notre santé et celle de nos proches. A cette occasion, je tiens à saluer le personnel de la santé ainsi que les autorités pour leur bienveillance et leur dévouement.» Dr Mohammed Touimi Benjelloun. Député parlementaire PAM, Vice-Président de la Chambre des Représentants.
Résultats de l’enquête de la Confédération Marocaine des TPE-PME sur les effets du coronavirus
Suite aux premiers éléments de l’enquête que la Confédération Marocaine des TPE-PME a lancé, le 18 mars, auprès des TPE, PME, Auto- entrepreneurs et Coopératives, les résultats sont désastreux. En attendant les résultats définitifs, la confédération a relevé que près de 82,3% de ces entreprises sont en arrêt total contre 17,7% qui sont en arrêt partiel. Les détails.
«Nous avons constaté que tous les secteurs sont touchés. Le secteur du Commerce en premier avec 12,1% suivi des cabinets de Conseil 9,8%, BTP 8,5%, industrie 6,5%, services liés aux BTP 4,6%, services liés à l’industrie 3,8%, Communication 5,4%, Comptabilité 3,3%, Tourisme 1,9%, services liés au Tourisme 3,8%, Cafés & Restaurants 3,3%, Centres de Formation 2,7%, Evénementiel 2,5%, Artisanat 1,9%, Transport 1,4%, etc. Sur cet échantillon d’entreprises, nous avons calculé la moyenne des postes d’emploi que ces entreprises vont perdre, qui est de 5,7 par entreprise. Lorsqu’on sait que la moyenne des TPE, PME et auto-entrepreneurs, au Maroc, est de plus de 5 millions, alors on sait qu’on va perdre des millions de postes d’emploi, sans oublier les faillites de ces millions d’entreprises si le gouvernement ne réagit pas, à cet égard.
Sur un autre registre, 60,3% de ces entreprises n’ont pas d’informations sur les mesures prises par le gouvernement en leur faveur. Seulement 39,7% connaissent ces mesures.
Nous sommes très surpris que le Comité de veille économique (CVE), jusqu’à maintenant, n’a pas étudié le cas de ces types d’entreprises. C’est très grave et nous l’avons senti, dès le début, lorsque le ministre des Finances nous a éloignés de ce CVE pour ne laisser que la CGEM parler en faveur de ces entreprises. Dès le début de cette crise de coronavirus, nous avons demandé à la CGEM de collaborer avec nous et d’unir nos efforts mais malheureusement, pas de réponse favorable.
A plusieurs reprises et en permanence, nous demandons au Chef de gouvernement El Otmani de prendre des mesures urgentes, en faveur de ces entreprises surtout les TPE qui sont fragilisées et qui travaillent, au jour le jour, donc déjà leur assiette financière est très fragile, ajoutant l’arrêt total de leurs activités.
Les TPE-PME, Auto-entrepreneurs et coopératives attendent le soutien du gouvernement sinon c’est la faillite pour eux, dans les jours qui viennent.» Abdellah El Fergui,
président de la Confédération Marocaine des TPE-PME