Témoignages des Marocains bloqués à l’étranger : Une détresse à nulle autre pareille
Dans le désespoir total, les Marocains bloqués à l’étranger qui se voient acculés à un espoir qui se réduit à peau de chagrin, se trouvent une dernière issue : demander à l’ONU d’intervenir. Oui on en arrive là aujourd’hui après des mois de promesses non tenues de la part du chef de gouvernement et du ministre des Affaires étrangères.
Quand le Maroc avait décidé de fermer ses frontières pour limiter la propagation du Covid-19, cela lui avait valu les éloges des Marocains mais surtout des pays étrangers qui ont vu en cette décision une initiative drastique et courageuse. Depuis, la presse internationale ne tarit pas d’éloge et donne en exemple les mesures prises par le Royaume pour lutter contre la pandémie et pour protéger ses citoyens. Or, à côté, une tache noire dans l’Histoire du gouvernement de Saad Eddine El Otmani ne cesse de se répandre donnant à tous les Marocains un goût d’amertume et d’aigreur. Les 28.000 Marocains ou plus bloqués et éparpillés un peu partout dans le monde nous donne ce sentiment de l’aléatoire. Quiconque aurait pu être à leur place. Sauf que et comme par enchantement, les enfants des gouvernants, qui font leurs études à l’étranger, se sont tous retrouvés au sein de leurs familles avant la fermeture des frontières. Manque de bol donc pour ceux qui sont condamnés à vivre ce cauchemar indescriptible de se retrouver abandonnés dans des pays qui ne sont pas les leurs. Depuis le 15 mars, date où la fermeture des frontières a été décrétée, ces Marocains vivent suspendus aux promesses non tenues du chef de gouvernement, du ministre des Affaires étrangères et du ministre de la Santé. Depuis, chaque semaine apporte des bribes d’espoir qui partent vite en volutes. On a beau essayer de se mettre à leur place, on n’y arrivera jamais. Comment peut-on vivre la déchirure de ceux qui ont vécu dans la douleur de l’attente pendant presque trois mois loin des leurs, dans des conditions lamentables et des états d’âme indescriptibles? Entre ceux qui ont perdu la vie dans des conditions tragiques, ceux qui ont perdu des membres de la famille sans qu’ils n’aient pu les voir, ceux qui ont confié leurs enfants à un membre de la famille ou à des voisins croyant que leur voyage n’allait pas prendre cette tournure dramatique, nos concitoyens commencent à perdre espoir, à en vouloir au gouvernement qui leur a jeté cet os des 300 rapatriés chaque semaine. Aujourd’hui, ces Marocains se sentent usés et abusés par un Exécutif qui les a abandonnés à leur sort. On ne le dira jamais assez : l’Etat se doit de protéger ses citoyens, de les rapatrier et de leur assurer leur dignité même en état de guerre.
Aujourd’hui, dans l’égarement total et dans un désespoir sans précédent, nos frères et sœurs implorent Sa Majesté le Roi afin qu’il intervienne pour que cesse ce cauchemar collectif qui risque de se transformer en scénario désastreux pour tous.
Témoignages de personnes en détresse :
Soufiane. B. bloqué à Algésiras : « C’est tragique ce qui nous arrive ! les Marocains sont les seuls à être éparpillés partout dans le monde sans aucune visibilité quant à un éventuel rapatriement. Cependant, deux vols spéciaux ont transporté, il y a quelques jours, des cadres de Renault, un fait qui vient jeter de l’huile sur le feu dans cette affaire dont personne ne peut prétendre connaître le dénouement. Dès le début, on nous a tourné le dos en nous considérant comme étant un danger patibulaire susceptible d’être porteurs du virus. Des allégations à tort qui témoignent de l’incompétence de nos responsables qui ne se sont pas évertués pour apporter une solution à ce qui est devenu, après deux mois et demi, une véritable crise humanitaire que le pays n’a jamais connue.
Aujourd’hui, nous sommes à bout de nos forces, au taquet, méprisés, sans aucune valeur, l’honneur froissé, victimes des agissements irresponsables et inintelligibles d’un gouvernement qui fait fi des retombées de ce dédain.»
Khaoula C. Marocaine bloquée aux îles Maldives : » Honnêtement, je n’ai plus de mots pour exprimer mon ressenti et ma douleur. Il est désolant qu’on soit dans l’attente vaine d’un discours clair de notre gouvernement. Qu’on comprenne au moins ce qui se passe. On est laissés à notre crainte et à nos questionnements sans daigner nous expliquer ce que nos responsables comptent faire. Nous ne comprenons toujours pas les critères de sélection qui se fait pour les gens qu’on rapatrie au compte goutte. Pourquoi certains et pas d’autres? Aujourd’hui, nous sommes humiliés et nous avons le cœur brisé par l’injustice et l’indifférence que nous subissons. Ils ont tué le petit espoir que nous gardions encore. Je suis malheureuse qu’ils aient pu tuer en moi l’amour que je portais pour mon pays et je ne le leur pardonnerai jamais. »
Fatima coincée à Algésiras : » Est-il normal d’être oublié par son pays? Comme d’autres concitoyens, nous avons la chance d’être pris en charge par le Consul Général à Algésiras que nous remercions ainsi que son personnel. Malgré plusieurs promesses du gouvernement pour un rapatriement urgent, celles-ci ne sont jamais honorées. Nous comprenons et compatissons avec le gouvernement marocain qui agirait ainsi pour protéger le peuple marocain, mais à quel prix le fait-il ? L’été se profile et nous sommes toujours confinés dans des hôtels, pour les plus chanceux d’entre nous, loin de nos repères, de nos familles et des êtres qui nous sont chers. Certains d’entre-nous ont vu leur état de santé s’aggraver, tandis que d’autres ont développé des pathologies liées à notre état d’attente et de stress permanent. Alors que la vie continue pour nos concitoyens, nous avons l’impression d’avoir été exclus du programme national, ce qui exacerbe nos douleurs et nos souffrances.
Nous sommes encore plus confus par notre délaissement, sachant que les symptômes de la Covid-19 sont assez faciles à déceler et que nous vivons en confinement strict depuis des mois. Nous revendiquons notre droit d’être traités dignement et nous demandons à ce que nos droits constitutionnels soient respectés. Nous aimons notre pays et nous n’avons qu’un vœu, c’est que notre Roi donne ses instructions pour que nous soyons rapatriés dans les meilleurs délais. »
Témoignage d’un papa dont le fils est parmi les personnes bloquées à l’étranger :
« Ayant servi mon pays toute ma vie en tant qu’enseignant, je suis aujourd’hui veuf à la retraite. Mon fils et toute sa petite famille sont bloqués depuis le 13 Mars. Cela fait presque trois mois que je ne les ai pas vus, et cela me fait vraiment de la peine. Que le gouvernement marocain délaissent des Marocains bloqués à l’étranger est une erreur impardonnable d’autant plus que le Maroc est le seul pays au monde qui n’a pas rapatrié ses citoyens. N’est-ce pas frustrant de voir que des pays en guerre tel que la Libye n’ont pas hésité une seconde et ont tout fait pour faire rentrer leurs citoyens dans leurs pays. c’est incompréhensible et insaisissable. Pourquoi a-t-on fait l’exception pour les Marocains travaillant dans l’usine Renault ? Parce que ce sont des cadres me dira-t-on ? Pourtant parmi les pauvres personnes bloquées depuis presque trois mois, il y a aussi des cadres qui risquent de perdre leur emploi, des juges, des médecins, des ingénieurs … Il faut que cette souffrance cesse car elle a duré beaucoup trop longtemps ! »