Confinement : La santé mentale des Marocains mise à mal
A circonstances exceptionnelles, mesures exceptionnelles. Entré en vigueur le 20 mars, le confinement a contraint les Marocains à rester chez eux au maximum et d’éviter les déplacements non indispensables pour limiter la propagation de l’épidémie de coronavirus au Maroc. Toutefois, cette situation n’est pas sans conséquences sur la santé mentale de nos concitoyens. A cet effet, nous avons fait réagir Zineb Diouri-Ammor, thérapeute spécialisée en psychologie positive pour nous apporter son éclairage.
Il y a une semaine, les Marocains ont appris que le déconfinement tant attendu n’aura pas encore lieu au Maroc et qu’un allègement de certaines mesures sera envisagé dans les zones du pays les moins touchées. Tandis que les grandes villes du Royaume resteront soumises aux restrictions de déplacement.
Cependant, l’état d’urgence sanitaire, lui, reste de vigueur. Il a été prolongé d’un mois, jusqu’au 10 juillet. Le pays est désormais divisé en deux zones distinctes compte tenu des « écarts sanitaires entre régions ». Alors que la première de ces zones s’apprête à retrouver une vie « presque normale », la seconde, elle, reste confinée jusqu’à nouvel ordre.
Un prolongement du confinement de trop pour les Marocains ?
Érigé comme modèle de gestion de crise liée au coronavirus, le Royaume n’a pas hésité à prendre des mesures drastiques en vue de minimiser la portée de la chaîne de contamination, notamment, à travers le verrouillage des frontières, l’interdiction des rassemblements, la fermeture des écoles, puis un confinement obligatoire. Dans ce sens, la prolongation de l’état d’urgence sanitaire confirme davantage la volonté de maintenir une vigilance dans le suivi de l’épidémie pour éviter l’apparition ou la résurgence de clusters.
Toutefois, quelques failles en matière de communication de certaines décisions gouvernementales ont récemment créé la confusion. Ce climat d’incertitude joue sur le moral des ménages. Certains sont mêmes en détresse mentale.
Selon les explications de Zineb Diouri-Ammor, « le prolongement a donné un coup au morale de beaucoup de nos concitoyens car le confinement est dur à gérer pour notre cerveau. En effet, cette situation inédite et sans précédent ne lui permet pas de prévoir, de se projeter et in fine de nous rassurer. Donc nous sommes obligés de gérer un quotidien quelque peu incertain et notre cerveau n’aime pas l’incertitude, il préfère la routine ! ».
Par conséquent, plusieurs effets néfastes sur la santé mentale et psychique, ont été recensés déjà, dont certains sont graves, notamment, une hausse des violences conjugales et l’anxiété abondante des jeunes. « Quand l’humain se sent impuissant et qu’il a peur, il tend à devenir impulsif et agressif », fait-elle savoir, en se référant aux messages de désespoir qu’elle reçoit sur les réseaux sociaux.
Par ailleurs, le stigma autour de la santé mentale complique la situation davantage, selon cette thérapeute, « nous restons aveugles face aux failles psychologiques car elles sont invisibles à l’œil nu, c’est ce qui leur permet, malheureusement, de faire beaucoup de dégâts ».
Comment gérer ses peurs et ses angoisses ?
Après plusieurs semaines de confinement, la plupart d’entre nous aurait connu une chute d’activité physique, un sommeil compliqué à trouver, peut-être aussi des crises d’angoisse, ainsi que l’envie de se réfugier dans la nourriture ou devant les écrans…
En revanche, Zineb Diouri-Ammor conseille grandement la méditation en ces temps incertains. « Celle-ci aide beaucoup à prendre du recul et à gagner en clarté face à nos pensées et émotions. Prendre du temps plusieurs fois par jour pour faire des exercices de respiration, prendre un moment pour soi en dégustant un bon tagine préféré ou déhancher sur sa chanson préférée : S’ancrer dans le moment présent c’est méditer ! », indique-t-elle.
Quid de la Santé mentale des enfants ?
Au lendemain de l’annonce, le 9 juin, du maintien des mesures de confinement dans une partie du pays, en plus de la prolongation pour un mois de l’état d’urgence sanitaire, la Société marocaine de pédiatrie a adressé une lettre au département de la Santé pour «attirer son attention sur l’effet dévastateur» du confinement sur l’enfant.
La même source indique que ce confinement prolongé peut engendrer chez l’enfant une «perte de repères», avec des «troubles de comportement», une «irritabilité» et une «déstructuration du sommeil»
En revanche, la thérapeute spécialisée en psychologie positive recommande de limiter son temps devant les écrans et d’impliquer les enfants dans les tâches quotidiennes, à savoir, « ménage et cuisine, notamment, passer du quality time ensemble, malheureusement, ce n’est pas parce qu’on vit physiquement sous le même toit que l’on est réellement ensemble».
« Pourquoi ne pas jardiner un peu sur notre balcon ? Faire des cours de danse tous ensemble grâce à des vidéos YouTube ? », Suggère-t-elle, en expliquant qu’il faut surtout parler clairement et honnêtement avec les enfants, et leur dire que « vous-même ne savez pas vraiment ce qui se passe mais que la vie est faite ainsi, elle aussi inspire parfois pour mieux expirer » ou bien que « la beauté de la vie réside dans son côté mouvant et qu’elle est faite de phases. Certaines sont plus difficiles à vivre que d’autres, mais si on les accepte, elles nous apprennent beaucoup de choses sur nous et sur les autres ».