Crans Montana : Le Roi Mohammed VI décline sa vision nouvelle et sa passion de l’Afrique

 

Par Hassan Alaoui

« Nous sommes ravis d’aller main dans la main avec les dirigeants qui ont à cœur d’assurer l’unité et le progrès de l’Afrique ». C’est en ces termes, entre autres, que le Roi Mohammed VI s’est adressé aux participants au Forum international de Crans Montana, réuni à Dakhla depuis ce vendredi. Dans un message lu par le président de la Région Dakhla-Oued Eddahab, Ynja Khattat, le Souverain se félicite que le Forum se tienne de nouveau, donc pour la 3ème année consécutive, dans la même ville que, dit-il, « nous entourons de notre sollicitude et que nous espérons ériger en espace de rencontres et en axe de communication entre le Maroc et sa profondeur africaine ».

Capitale de l’ancien Rio de Oro, connue sous l’occupation espagnole du nom de Villa Cisneros, rebaptisée après la libération du Sahara, Dakhla incarne en effet un confluent de cultures, de mouvements économiques croisés, une porte sur l’Afrique indéniable, et la route qui relie le Maroc à sa « profondeur africaine ». Au cœur de la province de Oued Eddahab, Dakhla symbolise plus que jamais l’émergence d’une Région, riche et forte de ses attributs et fière de sa différence. Elle reste attachée depuis des siècles au socle monarchique marocain. Les Chorfas Laaroussiyine et les tribus Ouled Dlim notamment se sont constamment fait forts de prêter serment d’allégeance aux Sultans du Maroc depuis la nuit des temps. Et le dernier acte dans ce sens, qui marque encore nos mémoires, a été cette cérémonie haute en couleurs et forte en symboles de l’Acte d’allégeance que les représentants de Oued Eddahab, venus par dizaines, avaient fait au Roi Hassan II ce 14 août 1979 sur l’esplanade du Palais Royal de Rabat…

Que les initiateurs de l’événement international Crans Montana aient fixé leur choix sur Dakhla pour réunir un parterre impressionnant de personnalités de l’économie, de la politique, de la culture et de la société civile internationale, témoigne à la fois de la singularité de cette ville , autant que de sa richesse, et de la confiance qu’elle leur inspire. Sa Majesté Mohammed VI résume mieux que quiconque cette particularité en évoquant dans son message « le niveau élevé des débats et l’importance des thématiques et des défis qui y sont abordés » ! Il reste que le Roi a résolument mis l’accent cette année, dans son message, sur la corrélation entre vocation de Dakhla – notamment des recommandations finales « pratiques et concrètes » du Forum – et le continent africain. Il a salué le choix des thématiques de cette session portant sur la « nouvelle Afrique du XXIème siècle », soulignant à cet égard que « l’Afrique est prioritaire dans la politique extérieure du Royaume » !

Le Souverain qui s’est investi corps et âme en Afrique, exprime sa foi irréversible et son espoir en ses peuples, ses dirigeants et ses élites à relever le défi du développement, « eu égard aux ressources naturelles considérables et aux importantes compétences humaines dont elle dispose ». La conviction chevillée au corps d’une Afrique en mesure de relever le défi de la croissance et du progrès, le Roi explique en revanche que « la renaissance africaine souhaitée reste tributaire du degré de confiance que nous avons en nous-mêmes et de la nécessité de compter sur nos potentialités et nos propres capacités et d’en faire un usage optimal dans le cadre d’une coopération Sud-Sud rentable et d’un partenariat stratégique solidaire entre les pays du Sud ».

La proximité africaine d’un Roi

Une telle remarque, pertinente pas sa profondeur méthodologique, le Roi en fait un impératif catégorique. Car l’appel à la coopération Sud-Sud c’est à la fois la confiance entre les partenaires, la volonté d’optimiser et de mobiliser les ressources, enfin et surtout de mettre en œuvre une culture solidaire.  L’attachement du Roi Mohammed VI – qui remonte à plusieurs années en arrière – n’est pas une clause de style. Il connait le continent quasiment de bout en bout pour l’avoir sillonné en long et en large, écouté ses peuples, aimé la diversité de ses cultures, s’être mêlé dans des bains de foules avec toutes les catégories de ses habitants. Il s’est imprégné également de leur préoccupations et attentes, à telle enseigne qu’il est devenu le « Roi des peuples d’Afrique » pour invoquer une métaphore élégante et belle créée autrefois pour son grand-père, feu Mohammed V….

Pour avoir mesuré la force et la profondeur de cette relation avec les peuples d’Afrique, pour être leur impénitent avocat, Mohammed VI est par ailleurs le farouche partisan de « l’amélioration des conditions de vie du citoyen africain », à laquelle il entend contribuer et – les accords innombrables signés lors de ses tournées en témoignent – et participer de manière effective. Le Roi affirme aussi que « le Maroc est soucieux de renforcer la sécurité et la stabilité dans les différentes régions de l’Afrique ». Engagé en effet depuis les années soixante dans les opérations de maintien de la paix sous l’égide des Nations unies , au Congo, En Côte d’Ivoire, au Zaïre, en République démocratique du Congo ( dit Kinshasa) et même dans cette Somalie livrée aux démons de la guerre, le Maroc restera l’un contributeurs majeurs en faveur de la paix. Le Souverain, en soulignant cet engagement permanent de notre pays, n’oublie de rappeler « qu’à cela s’ajoutent la coopération sécuritaire engagée dans le cadre de la lutte contre les groupes terroristes et le partage de l’expérience marocaine en matière de religion en la mettant à la disposition des pays africains ».

C’est une dimension particulière du partenariat Sud-Sud que le Roi Mohammed VI met exergue, après avoir souligné l’impératif de coopération au niveau du climat, du développement du Sahel, le Lac Tchad, le Bassin du fleuve Congo, au niveau de la sécurité alimentaire et des solutions énergétiques, dont le Maroc – en témoigne la COP22 – ambitionne d’élever son propre « modèle de transition énergétique ».

Mohammed VI, stratège profond

Dans ce qu’il convient de qualifier de « discours programmatique » adressé aux participants du Forum Crans Montana, Sa Majesté le Roi a évoqué le retour du Maroc au sein de l’Union africaine, précisant que ce retour incarnera la volonté d’être « en tête des pays qui contribueront résolument et fortement à servir les intérêts du continent et   à renforcer l’unité et l’interdépendance de ses peuples, sans pour autant renoncer à défendre ses intérêts supérieurs avec au premier chef son unité nationale et son intégrité territoriale ».

L’Afrique est un immense territoire, structuré autour de grandes régions qui font d’elle le futur relais de croissance et sur lequel se jettent depuis des années le dévolu des pays occidentaux, américains et asiatiques. Mohammed VI, en stratège profond a compris, bien compris l’implication d’une telle évolution eu égard au Maroc. Si elle ne se fait pas d’un bloc et séance tenante, l’Afrique unie se fera par étapes et finira par fédérer ses forces et composantes. Or, pour le moment, elle dessine sa future configuration autour des grandes régions dont il convient de souhaiter que les verrous et les frontières sauteront pour laisser place à une coopération fluide.

Sa Majesté le Roi en a saisi à coup sûr la portée géoéconomique et politique. Et ce n’est pas par hasard qu’il exprime la volonté du Maroc d’adhérer à la CDEAO, ensemble organisé autour des Etats de l’ouest africain et dans lequel notre pays, au regard de ses avancées, pourrait jouer un rôle fondamental. « Notre orientation africaine sincère procède de notre profonde dans la capacité de l’Afrique a relever les défis qu’elle affronte », souligne ainsi le Roi dans ce message à forte tonalité et d’une extrême perspicacité.

Le Forum Crans Montana, qui en est à sa 3ème édition, retentira encore longtemps de la tonalité des paroles royales, des accents où se mêlent la foi, la solidarité, la détermination politique d’un Roi qui a fait de l’Afrique son terrain de prédilection, son choix irréversible, et la finalité de son action.

 

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