L’urbanisme numérique au Maroc tiendra-t-il ses promesses ? (PCNS)
Le Policy Center for the New South a publié, le 4 septembre, un papier d’opinion, de Mostafa Kheireddine, urbaniste senior à l’Université de Montréal, sur la qualité du l’urbanisme numérique au Maroc soulignant qu’il y a toujours des secteurs qui peinent à suivre la voie de dématérialisation au moment où l’actuelle crise de Covid-19 vient rappeler l’urgence de la structuration de l’écosystème digital et la promotion de l’administration numérique.
L’action publique urbaine dans le monde connait une « métamorphose » grâce à la montée en puissance du numérique dans la production et la gestion de la ville. Cependant, le Maroc connait un retard en la matière, affirme Kheireddine soulignant que la Cour des Comptes a relevé cette problématique dans son rapport de 2018. ‘’Le Maroc s’est classé 78ème dans l’indice des services en ligne et 110ème dans l’indice de l’e-gouvernement’’. D’après l’article d’opinion de Kheireddine, l’e-urbanisme porte essentiellement sur les autorisations de construire, la numérisation des documents et la mise en place de Géoportails et plateformes participatives (enquêtes publiques, élaboration des documents d’urbanisme, co-construction des projets urbains, …etc).
Par ailleurs, l’article a présenté notamment les premières expériences de l’urbanisme numérique au Maroc, qui remontent au milieu des années 1990, avec la numérisation de la deuxième génération des schémas directeurs d’aménagement urbain, la mise en place d’un Système d’Information Géographique (SIG) interactif des documents d’urbanisme de villes pilotes et d’un observatoire des indicateurs urbains. « Les ambitions de mise en œuvre ont été ponctuées par des phases de réalisation creuses, et ce faute d’une gouvernance unifiée et d’un portage stratégique et opérationnel et, surtout, en raison des choix du contexte social et politique de l’époque ». Ensuite, pendant les 2000, les décideurs de l’époque ont jeté les bases de l’’urbanisme à crédit’, qui lègue une très lourde facture aux générations futures, (une mobilisation des milliers d’hectares du foncier, des villes nouvelles inachevées, un habitat social à ‘’obsolescence programmée’’…), indique l’article.
S’agissant de la réglementation de l’e-urbanisme, la même source a indiqué qu’avec l’adoption du règlement général de construction en 2013 (Décret n° 2-13-424), fixant la forme et les conditions de délivrance des autorisations en urbanisme, la dématérialisation acquiert sa portée juridique (art.47) par une injonction aux acteurs concernés de mettre en place des bases de données numériques interactives communes (art. 48). Toutefois, sans compter sur la faible adhésion des acteurs locaux. Il a fallu, donc, un portage au niveau de la Direction générale des Collectivités locales (DGCL) pour embarquer les acteurs qui évoluent dans les clusters de l’urbanisme sur la voie du numérique. Conforté par le Décret n°2-18-475 du 12 juin 2019, instituant la dématérialisation des autorisations d’urbanisme (art.53) et les modalités de sa mise en œuvre (art.54), le déploiement de la plateforme rokhas.ma est synonyme d’un aggiornamento de l’heure de l’urbanisme numérique après plusieurs tentatives non entreprenantes.
Par ailleurs, l’article a traité la question du Géoportail national de l’urbanisme comme étant la pièce manquante de l’écosystème. Un dispositif juridique qui facilite l’accès en ligne aux documents d’urbanisme, géographiques ou géolocalisés, permettant à chaque citoyen, promoteur, aménageur ou investisseur de localiser un terrain, de connaître le zonage et les prescriptions d’urbanisme qui s’y appliquent.
« L’urbanisme numérique doit servir à construire la ville de demain », indique Mustapha Kheireddine, ajoutant que la transition en cours vers un nouveau modèle de développement représente une opportunité de faire du numérique (plateformes et services en ligne) un levier pour l’amélioration de la qualité de vie, l’attractivité territoriale et la création de la valeur économique.