Efficacité des vaccins Covid-19: la bataille des chiffres
Une efficacité de 94,5%, 95% ou 70% « en moyenne » avec un résultat paradoxalement meilleur à partir d’une dose plus faible: la course au vaccin contre le Covid-19 est aussi une bataille de chiffres, aussi spectaculaires que difficiles à interpréter pour le grand public.
Parmi les volontaires de chaque essai, certains reçoivent le vaccin et d’autres un placebo, pour pouvoir comparer.
Les volontaires mènent une vie normale pendant l’essai. Au fil du temps, certains vont naturellement attraper le Covid-19. Si le vaccin est efficace, le nombre de malades sera plus faible chez les participants qui ont été vaccinés que chez ceux qui ont eu le placebo.
Théoriquement, un vaccin est efficace à 100% si aucun malade recensé dans l’essai n’appartient au groupe de volontaires vaccinés.
Les résultats récemment annoncés par plusieurs équipes concurrentes portent sur le dernier stade de leur essai clinique, la phase 3, pour lequel des dizaines de milliers de volontaires ont été recrutés.
Ces résultats ont été dévoilés dès qu’un nombre prédéfini de malades du Covid a été atteint parmi les volontaires: 95 pour le laboratoire américain Moderna (16 novembre), 170 pour l’alliance américano-allemande Pfizer/BioNTech (18 novembre) et 131 pour le projet européen AstraZeneca/Université d’Oxford ce lundi.
Pfizer a mesuré l’efficacité de son vaccin une semaine après la deuxième et dernière injection, et Moderna deux semaines après.
De leur côté, AstraZeneca et l’Université d’Oxford ont annoncé lundi une efficacité moyenne de 70%, calculée d’après les résultats de deux protocoles différents.
L’efficacité est de 90% pour les volontaires qui ont d’abord reçu une demi-dose, puis une dose complète un mois plus tard. Elle descend à 62% pour un autre groupe, qui a pourtant été davantage vacciné, avec deux doses complètes à un mois d’écart. Un paradoxe qui n’est qu’apparent, selon les spécialistes.
« Nous nous attendions tous à ce que deux doses complètes entraînent la meilleure réponse. (Mais) il semble qu’une dose initiale plus faible permette de mieux amorcer le système immunitaire pour le préparer à donner ensuite une meilleure réponse », a expliqué l’un des chercheurs responsables du projet, Andrew Pollard, lors d’une conférence de presse.
Cela pourrait venir du fait qu’une dose initiale plus faible « imite mieux ce qui se passe lors d’une vraie infection », selon sa collègue Sarah Gilbert.
Autre hypothèse: cela pourrait aussi venir de la technologie utilisée par ce vaccin. AstraZeneca et l’Université d’Oxford ont en effet misé sur la technique du « vecteur viral »: on utilise un autre virus (ici, un adénovirus de chimpanzé) qu’on modifie afin qu’il transporte dans nos cellules du matériel génétique capable de combattre le Covid-19.
Selon plusieurs experts qui ont commenté ces résultats, une première dose de vaccin trop forte pourrait en fait pousser le système immunitaire à combattre le virus utilisé comme transporteur, à l’inverse de l’effet recherché. Ce point devra être éclairci dans la suite des essais.
Enfin, les Russes de l’institut Gamaleïa ont assuré le 11 novembre que leur vaccin avait une efficacité de 92%. Mais ils se basent sur un nombre très réduit de malades (20 seulement).
Impossible à dire pour l’heure, d’autant que tous ces résultats n’ont été annoncés que par communiqués de presse, sans publication scientifique détaillée.
Toutefois, malgré des chiffres d’efficacité apparemment plus bas, des experts estiment que le vaccin d’AstraZeneca/Oxford pourrait avoir un atout supplémentaire.
« Contrairement aux autres essais, l’équipe d’Oxford/AstraZeneca a testé tous les participants chaque semaine pour détecter les infections asymptomatiques », a commenté la Pr Eleanor Riley (Université d’Edimbourg), citée par l’organisme britannique Science Media Centre.
En effet, l’une des principales questions est de savoir si ces vaccins font barrage à la transmission du virus, en plus de réduire la sévérité de la maladie chez ceux qui les ont reçus.
« Nous avons de premières indications selon lesquelles ce vaccin pourrait réduire la transmission du virus, car une diminution des infections asymptomatiques a été observée », a indiqué l’Université d’Oxford dans un communiqué.
Toutes ces données ne sont cependant que préliminaires.
« Les différences d’efficacité se basent sur l’analyse de 100 à 200 patients sur un total de 30.000 à 50.000 volontaires pour chaque vaccin, et ces chiffres peuvent donc connaître de grosses variations par la suite », a prévenu un autre expert, le Dr Julian Tang (Université de Leicester), cité par le Science Media Centre.
De nombreuses autres questions restent en suspens.
D’abord, on ne sait pas pendant combien de temps ces vaccins protègent.
Ensuite, on ignore si leur action est identique chez les populations les plus à risques, à commencer par les personnes âgées. Elles sont beaucoup plus susceptibles de faire une forme grave de Covid-19, et il est donc essentiel qu’un vaccin soit efficace dans ce groupe de population.
AstraZeneca et l’Université d’Oxford, eux, ont publié le 19 novembre des résultats dans la prestigieuse revue médicale The Lancet: ils montrent que leur vaccin provoque chez les sujets les plus âgés (plus de 56 ans) une réponse immunitaire identique à celle qu’il déclenche chez les plus jeunes (18 à 55 ans).
Cependant, ces résultats publiés ne portent pas sur la phase 3 mais sur l’étape d’avant, la phase 2: le nombre total de volontaires est beaucoup plus réduit (560 contre 23.000) et ils ne sont pas représentatifs de la population générale.
( Avec AFP )