Covid-19: Quels remèdes aux maux de l’artisanat ?
Durement touché par la crise du covid-19, le secteur de l’artisanat qui emploie près de 2,4 millions de personnes, fait l’objet d’une attention particulière et d’efforts soutenus afin de redonner espoir aux artisans et assurer la relance de ce secteur stratégique.
La crise actuelle a en effet provoqué une chute brutale des ventes suite notamment à l’annulation des commandes nationales et internationales, à la fermeture des espaces de production, des espaces de vente, des bazars et des sites touristiques et à l’annulation des salons, des foires commerciales et des événements saisonniers en raison de la difficulté de commercialisation des produits.
Pour remédier à cette situation, le département de tutelle a mis en place une batterie de mesures qui s’articulent principalement autour de l’institutionnalisation, le financement et la commercialisation. Ces mesures visent à soutenir le secteur, qui non seulement contribue à hauteur de 6,7% du PIB, mais joue aussi un rôle primordial dans la cohésion sociale et la préservation du patrimoine culturel.
Adopté en urgence en juin dernier, le projet de loi N 50.17 relatif aux activités de l’artisanat vise à pallier la fragilité du secteur. Il s’inscrit dans le cadre d’un processus de réforme initié par le ministère de tutelle visant à restructurer le secteur.
L’artisanat qui manquait d’un cadre réglementaire approprié et adapté à ses spécificités, se voit ainsi doté d’un texte à même d’accompagner son organisation et sa restructuration nécessaires. Le projet de loi vise principalement la définition des activités du secteur de l’artisanat et de ses différentes catégories d’acteurs (artisan, maître artisan, entreprise et coopérative d’artisanat) et l’organisation du tissu associatif du secteur par l’institution des ordres professionnels locaux, régionaux et nationaux représentant les différentes activités de l’artisanat.
Afin de développer le secteur, le ministère du Tourisme, de l’Artisanat, du transport aérien et de l’économie sociale se penche aussi sur une nouvelle stratégie 2021-2030, en partenariat avec les Chambres d’artisanat et la Fédération des entreprises d’artisanat du Maroc (FEA), qui portera sur les mesures prioritaires à même de préserver le tissu économique et l’employabilité du secteur et de stimuler la demande des produits artisanaux.
Pour ce qui est du volet accès au financement, le département de tutelle s’est engagé à accompagner les acteurs du secteur afin de bénéficier des produits de financement disponibles et à améliorer les conditions sociales des artisans.
Le ministère a de même mis en œuvre diverses mesures urgentes relatives à l’accompagnement du secteur en termes de marketing, de financement ou encore de soutien aux métiers à la lumière de la Covid-19.
Afin d’encourager la commercialisation des produits artisanaux marocains sur internet, il a été procédé à la signature d’accords de partenariat entre le ministère, la Maison de l’artisan et sept plateformes de marketing électronique au Maroc. En vertu de ces accords, les acteurs concernés pourront accéder aux plateformes de leur choix et bénéficier de plusieurs services comme la création gratuite de magasins électroniques.
En outre, un programme de soutien et de suivi des opérations de marketing direct a été également mis en place, à travers notamment des espaces publics et de grands réseaux de distribution. L’annonce de telles initiatives ne peut être que louable. Néanmoins, cela reste tributaire de plusieurs variables notamment de l’évolution de la pandémie, la capacité du secteur à amortir le choc et l’éventuel redécollage des autres secteurs connexes, particulièrement le tourisme.
De l’avis du président de la Fédération des entreprises d’artisanat (FEA), Mohammed Khalid Alami, le retour à la normale prendra beaucoup de temps pour le secteur de l’artisanat qui souffre beaucoup durant cette crise.
Le secteur se trouvait dans une situation difficile bien avant l’avènement de Covid-19, a-t-il dit dans une interview à la MAP, ajoutant que la pandémie a paralysé l’activité des entreprises d’artisanat, des mono-artisans et des coopératives, avec une chute estimée de 79% des ventes.
« Ce sont donc 85% des artisans qui ont été en arrêt total d’activité avec 71% de la production paralysée et ainsi l’incapacité des acteurs à honorer leurs charges », a-t-il déploré.
M. Alami qui a indiqué que 52% des artisans ont obtenu une aide financière de l’État, parmi eux, 60% dans la catégorie du Ramed, 33% non-ramedistes et uniquement 7% des salariés affiliés à la CNSS, a estimé que « les mesures prises n’ont pas eu l’effet escompté sur le secteur de l’artisanat ». D’où la nécessité, selon lui, de « mettre en place une nouvelle feuille de route pour restructurer et redynamiser ce secteur, et c’est ce que nous attendons de la nouvelle stratégie 2021-2030 en cours de formalisation par le ministère ».
A cet égard, il a souligné la nécessité de la réorganisation du secteur de l’artisanat ainsi que l’importance de la digitalisation et du e-commerce pour assurer et diversifier les canaux de commercialisation chez les artisans.
M. Alami a enfin conclu que l’État joue un rôle primordial dans la relance par le biais des fonds d’appui ou de la commande publique, notant cependant que la réussite est conditionnée par « le respect des délais de mise en œuvre ».
( Avec MAP )