Algérie : échec d’un redéploiement?
Par Ahmed FAOUZI
Au moment où le président algérien Abdelmadjid Tebboune prenait l’avion pour compléter ses soins en Allemagne, son ministre des Affaires étrangères, Sabri Boukadoume, prenait quant à lui, la direction de l’Afrique du Sud et de certains pays de la région, pour tenter de revigorer la santé diplomatique de son pays.
Le Chef d’État a été évacué vers l’Allemagne, en urgence, en octobre 2020 pour suivre un traitement contre la Covid. Il y est resté deux mois pour subir des soins, plongeant ainsi le pays dans l’incertitude. Ceci rappelait tristement aux Algériens la longue maladie de l’ancien président Bouteflika qui, suite à son AVC en 2013, continuait à gouverner difficilement jusqu’à sa déposition en 2019.
Le retour de Tebboune en Algérie, fin décembre 2020, a été dicté par la nécessité de promulguer rapidement le budget pour l’année 2021 qui s’annonçait, ainsi que la nouvelle constitution votée le 1er novembre. Pour l’Armée, qui détient réellement le pouvoir, l’urgence était ailleurs. Se sentant asphyxiée par les conflits qui l’assaillent de toutes parts, en Libye, au Mali principalement, elle a été prise de court par les accords tripartites, conclus le 22 décembre 2020, entre le Maroc, les États-Unis et Israël.
Ceux-ci englobaient quatre domaines bien distincts entre le Maroc et Israël : la suppression des visas pour les porteurs de passeports diplomatiques, l’accord sur l’aviation civile, un autre plus technique sur la gestion de l’eau, puis enfin un accord sur la non double imposition. Avec les États-Unis, un mémorandum d’entente a été signé avec l’United States International Finance Corporation- DFC- pour renforcer les investissements entre les États-Unis et le secteur privé du Maroc et des pays africains subsahariens. L’enveloppe dédiée à ce programme est de 3 milliards de dollars, budget qui sera géré par une antenne du projet qui sera établie, à cette fin, au Maroc.
Le lendemain de cette annonce, le 23 décembre 2020, alors que le président algérien est toujours hospitalisé en Allemagne, le ministre des Affaires étrangères d’Algérie, Sabri Boukadoum, prend l’attache de la présidence russe et demande à parler au représentant spécial du Président pour le Proche-Orient et l’Afrique, Michail Bogdanov, selon le site russe Spoutnik. Cette demande, selon la même source, a eu lieu à l’initiative de la partie algérienne dont l’objet a été centré sur les accords tripartites signés la veille à Rabat, et plus particulièrement la reconnaissance par Washington de la marocanité du Sahara. Face à cette intervention algérienne, Moscou resta attaché à sa position officielle de la centralité des Nations unies sur cette question.
Deux semaines après, le 7 janvier 2021, c’est au Secrétaire américain-adjoint pour le Proche-Orient et l’Afrique du Nord, David Schenker, de se rendre à Alger pour clarifier davantage la position de son pays. Devant un parterre médusé, il déclara qu’il n’y aurait de solution à ce différend régional que dans le cadre de l’autonomie proposée par le Maroc. Les autorités algériennes prennent note, affichent leur désaccord, et accusent le coup, sans trop vouloir froisser les Américains. Schenker se rendra après au Maroc pour réitérer la même position américaine, cette fois-ci à partir des provinces sahariennes.
Comme à chaque fois quand elle perd pied, la diplomatie algérienne se tourne vers ses alliés traditionnels, comme le Venezuela ou l’Afrique du Sud, pour trouver appui à ses thèses. En Afrique, elle vise toujours l’Afrique du Sud et certains pays limitrophes qui croient encore à sa thèse mais sans grande conviction. Le Nigeria ne fait pas partie de ce périple, ce qui augure un changement de position de ce pays sur l’affaire saharienne.
La diplomatie algérienne préfère généralement convaincre des pays loin de la région, qui connaissent peu son histoire et la genèse du conflit issu de la guerre froide. La visite de Boukadoun à Pretoria entre dans ce cadre. Dans ces temps de la pandémie de la Covid, où les rencontres diplomatiques se font souvent par vidéo-conférence, le fait de se donner la peine d’effectuer ce long périple démontre à quel point la diplomatie algérienne est désespérée.
Le résultat de cette visite sont des communiqués somme toute réchauffés qui n’apportent rien de neuf, si ce n’est de rappeler des principes qui ont démontré par le passé leurs limites : les pays expriment leurs inquiétudes quant à l’évolution du dossier du Sahara et aux escalades militaires que connaît la région. Ils demandent au Secrétaire Général des Nations-unies de nommer rapidement un Envoyé spécial au Sahara. Les mêmes termes, la même logique pour un dossier dont les grandes puissances estiment qu’il a assez duré et qu’il est temps de le clore autour d’une autonomie régionale au sein du Royaume du Maroc.