Algérie : deux ans de Hirak célébrés par des arrestations dénoncées par Amnesty International
Hassan Alaoui
« Daoula madania, machi ‘âaskaria » ! Ainsi a commencé, ce lundi 22 février, l’immense marche populaire du Hirak algérien dans les rues de la plupart de villes d’Algérie. Comme l’on s’y attendait, le mouvement n’a pas dérogé à sa promesse de faire du 22 février le jour anniversaire de son soulèvement il y a deux ans.
Ses dirigeants n’ont pas tenu compte des mesures pour le moins spectaculaires du pouvoir et des promesses faites par le président Tebboune après son retour d’Allemagne où il a passé plusieurs soins contre la Covid-19. Rien ne semble les arrêter, encore moins les convaincre : ni la libération in extremis des militants du Hirak emprisonnés depuis deux ans, ni le remaniement ministériel, ni enfin le projet d’élections législatives anticipées. Le mot d’ordre de cette première marche populaire, qui semble être bel et bien orchestrée dans la plupart des villes, ne manque pas non plus de nous interpeller : Un Etat civil, et non militaire…
Il s’agit d’un leitmotiv exprimé comme un chœur d’une ville à l’autre, grondant comme le bruit d’un gong, déplaçant et transcendant aussi le langage traditionnel des populations d’Alger à Annaba. C’est sans doute un face-à-face direct entre le peuple et le pouvoir militaire, défié désormais sur sa substantielle nature. Ce lundi 22 février 2021 incarne, en effet, plus qu’un double symbole : la fin du régime de Abdelaziz Bouteflika, campé au pouvoir pendant vingt ans, chassé par les manifestants ; ensuite l’épreuve de force entre le pouvoir qui lui a succédé, devenu une sorte d’ersatz au mieux « cosmétique » et au pire potiche, parce qu’entre les mains de l’armée, incapable de juguler la très grave crise économique et sociale.
Or, devant le déferlement populaire d’une telle dimension, rien ne semble y faire. Si le pouvoir fort d’un Gaïd Salah n’a pu il y a deux ans en venir à bout, comment croire que son successeur, en l’occurrence Saïd Changrina pourrait-il convaincre une foule composée par des millions de citoyens, libérée et déchaînée comme un puissant courant marin ? Dans la petite ville de Bouira où tout a commencé ce lundi, le mouvement a vite pris de l’ampleur en quelques heures ; a été suivie dans d’autres cités, relayée par les réseaux sociaux et des vidéos, à Bejaia, Constantine, Tizi Ouzou, Oran et Sidi Bel Abbes. Les observateurs des événements qui secouent le pays entier, annoncent que la capitale, Alger, a été quadrillée par les forces de l’ordre, dès la matinée de lundi, ses principaux boulevards étant tous verrouillés.
Quand Amnesty International condamne les arrestations
Jusque-là, on a n’a relevé ni échauffourée ni violence, les manifestants défilant – jusqu’à preuve du contraire – dans une discipline à toute épreuve et les forces de l’ordre, vent debout les encadrant. Il reste que la Marche de ce lundi 22 février n’avait pas d’autre caractère que de se « rappeler » au bon souvenir du pouvoir. D’où cette interrogation majeure : les dirigeants du Hirak ont-ils été convaincus par les mesures prises par le président Tebboune, destinées à les contenter, à les apaiser et à les faire adhérer à ce qu’il appelle le « nouveau processus démocratique » ? Rien n’est moins sûr ! Le mouvement Hirak déborde en effet toutes les institutions, il défie l’Etat et le principe de pouvoir militaire. La réponse de ce dernier ne semble guère le satisfaire. On est confronté également à une sorte de paradigme qui est à l’Algérie des dernières années, ce que représente un deal faustien entre le peuple et ses dirigeants militaires, enfouis mais maniant le bâton du diable.
Il convient cependant de rappeler que si les manifestants défilent dans le calme et le respect des principes pacifiques, ils restent exposés aux exactions et aux violences des forces de l’ordre. Amnesty International (AI) a dénoncé avec vigueur ce même lundi 22 février les arrestations arbitraires auxquelles ces dernières semblent avoir recouru. « Les autorités algériennes ont pris pour cible des dizaines de manifestants, journalistes et militants avec des arrestations et des poursuites arbitraires, pour avoir participé à des manifestations pacifiques et exprimé des opinions politiques sur les réseaux sociaux », déclare Amnesty International dans un communiqué publié à l’occasion de ce deuxième anniversaire du Hirak.