À nous l’Amérique Durant toute la campagne électorale
Durant toute la campagne électorale pour élire le nouveau Président des Etats-Unis, les Marocains ont eu un vif intérêt pour cette élection, à l’inverse des Américains qui se sont, détournés de cette campagne, où ils ont montré leur aversion face au choix qui leur était proposé. Aucune élection, tout au long de l’histoire des Etats-Unis n’a été aussi frustrante pour les Américains. Aucun des deux candidats en lice, Hilary Clinton pour les Démocrates, ou Donald Trump pour les Républicains, n’a eu la sympathie spontanée des Américains. Un choix dans la douleur en quelque sorte.
L’intérêt porté, à l’échelle internationale, par les médias et les classes politiques, est justifié par la place prépondérante des Etats- Unis dans les relations internationales, même si souvent cette prépondérance est contestée ou controversée.
La surprise, voire la déception, des Marocains qui ont pris fait et cause pour la candidate démocrate Hilary Clinton fut grande suite à l’élection de Donald Trump. Mais cette déception est-elle justifiée? Que peut-on espérer, nous, Marocains, Arabes, Africains de la nouvelle équipe à la Maison Blanche ? Pour tenter de répondre à ces questions, il serait utile de rappeler un certain nombre de constantes de la politique américaine en général, et en matière de politique extérieure américaine en particulier.
Dans cette configuration, quelle sera la nouvelle politique extérieure des Etats- Unis ?
Il est prématuré, voire prétentieux, de notre part d’anticiper sur ce que sera l’attitude de la nouvelle équipe de la Maison Blanche en matière de politique extérieure.
Néanmoins, Donald Trump, avec sa manière brutale et directe de simplifier les problèmes (« Time is money »), et en bon chef d’entreprises qu’il est, sera appelé à faire une synthèse de toutes les stratégies précédentes, mettant en application les fondements en matière de politique étrangère des Etats-Unis, afin d’élaborer la « Doctrine Trump », à savoir un « mix-pot » intelligent des différentes doctrines des anciens présidents américains.
En effet, et ce, depuis bien avant le 10e Président des Etats-Unis, Théodore Roosevelt, (1901-1909), connu pour son idéalisme, qui considérait que les Etats étaient des entités égoïstes défendant avant tout leurs intérêts -par la force si besoin, tous les Présidents américains ont géré leurs relations avec le reste du monde en véritables stratèges, voire en doctrinaires.
Richard Nixon, à son arrivée au pouvoir en 1968, se trouve confronté à plusieurs problèmes : d’une part, la guerre au Vietnam semble être un bourbier dont l’armée américaine ne peut que difficilement sortir. D’autre part, le système financier, fondé sur le libre-échange et le libéralisme, mis en place par les Accords de Bretton Woods au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, semble s’essouffler, et la crise que traverse le dollar affaiblit l’économie américaine, en proie à l’inflation. Nixon redéfinit donc la politique étrangère des États-Unis dans le monde dans ce nouveau contexte de crise. Avec l’aide de son conseiller Henry Kissinger, il élabore «la doctrine Nixon », stratégie visant à assurer d’abord la défense des États-Unis.
À partir de 1969, le Président Nixon décide de réduire l’engagement militaire américain dans le monde. Ce revirement est connu sous le nom de « Doctrine de Guam », en référence à une conférence de presse du 25 juillet 1969 au cours de laquelle le Président Nixon exposa ses idées. La doctrine de Guam (ou doctrine Nixon) prévoit que les Américains soutiendront financièrement et matériellement les pays victimes d’une agression, mais ils ne s’engageront pas directement (pas d’intervention de l’armée américaine).
Donald Trump gardera sous les yeux la « Théorie des dominos ». Cette théorie fut invoquée par différentes administrations américaines pour justifier leur intervention dans le monde.
La théorie des dominos a été formulée, pour la première fois, le 7 avril 1954 par le président Eisenhower – même s’il n’emploie pas l’expression – comme métaphore physique pour représenter la propagation par « contagion » (métaphore biomédicale) de l’idéologie communiste. Elle s’apparente à la notion de « coévolution » en écologie où un changement chez un individu peut promouvoir et faciliter un changement chez un autre.
Cette théorie a été reprise, en sens inverse, pour qualifier l’objectif de refonte démocratique du « Grand Moyen- Orient » des néoconservateurs américains durant l’administration de George W. Bush, puis la succession de protestations et révolutions dans le monde arabe en 2010-2011.
La théorie des dominos a été forgée par les États-Unis dans le cadre de la doctrine Truman (dans le sens de « principes de politique internationale ») de l’endiguement, durant la guerre froide. Selon cette théorie, il fallait éviter le basculement vers le communisme de tel ou tel pays, car les pays voisins basculeraient à leur tour.
Les partisans de la théorie des dominos peuvent soutenir que la crainte des États- Unis s’est partiellement réalisée, puisque la chute du Sud-Vietnam en 1975 a effectivement accompagné et/ou entraîné celle du Cambodge et du Laos.
Les adversaires de cette théorie soutiennent que le bloc communiste n’était pas monolithique et que certains régimes ou partis communistes étaient entre eux en conflit ouvert : c’est ainsi qu’une véritable guerre a opposé le Vietnam et le Cambodge dès 1977, puis le Vietnam et la Chine en 1979.
Donald Trump qui voue une grande admiration à l’armée et aux stratégies militaires, revisitera, à sa manière, la « Doctrine Powell ». À l’aube de la guerre du Golfe en 1990-91, le général Colin Powell érigera une doctrine basée sur la doctrine Weinberger (du nom de l’ancien secrétaire à la Défense et supérieur de Powell, Caspar Weinberger).
Cette doctrine se résume à une série de questions auxquelles il doit être répondu par l’affirmative avant d’engager la puissance militaire américaine:
- Des intérêts vitaux sont-ils en jeu ?
- Des objectifs atteignables ont-ils été définis ?
- Les risques et coûts ont-ils été objectivement analysés ?
- Toutes les autres options non-violentes ont-elles été épuisées ?
- Existe-t-il une stratégie de sortie permettant d’éviter un embourbement ?
- Les conséquences d’une intervention ont-elles été évaluées ?
- Le peuple américain soutient-il cette action ?
- Avons-nous un réel soutien de la communauté internationale ?
Le cinquième point de la doctrine est généralement perçu comme une réticence des États-Unis à s’engager dans des opérations de maintien de la paix. Cette doctrine fut remise en cause dans les années 2000, notamment par le général Petraeus et considérée comme dangereuse et contre-productive, car trop centrée sur la technologie et inadaptée aux guerres contre-insurrectionnelles comme celles en Irak ou en Afghanistan.
Mais au-delà de toutes ces doctrines, Donald Trump, qui n’a jamais caché son admiration pour le 40e Président américain, Ronald Reagan, fera essentiellement du «Reaganisme», c’est-à-dire focaliser plus ses efforts sur la relance économique plus que le rayonnement diplomatique. A son départ, grâce aux incitations fiscales promises pendant la campagne électorale et tenues durant son mandat, la plupart des secteurs vitaux, en particulier l’industrie automobile et le bâtiment, vont retrouver leur dynamisme. La production industrielle est en hausse : +20% par rapport à l’année 80. L’inflation sera ramenée à son niveau le plus bas depuis 1975, soit 5,6%.
En annonçant devant le congrès, mercredi 1er mars, lors de son discours d’investiture, son intention de consacrer 1.000 milliards de dollars au renouvellement des infrastructures, même si cela semble difficile à budgétiser, cela équivaut à du « reaganisme ». L’engagement des Etats-Unis au Moyen-Orient, dans le Monde Arabe et en Afrique.
Moyen-Orient- Monde Arabe :
La politique étrangère des États-Unis dans la région du Moyen-Orient est marquée par l’alliance stratégique avec l’Arabie saoudite concrétisée par le «Pacte du Quincy » (1945), qui, en échange d’un accès au pétrole saoudien, engage les États-Unis à protéger militairement la dynastie des Al Saoud. Cette alliance se révèlera d’autant plus durable que le pays se présente comme un allié de poids face à la montée des nationalismes arabes dans les années 1950-1960 soutenus par l’Union soviétique. Cette proximité se poursuit dans la lutte organisée contre l’Union soviétique dans le conflit afghan pendant laquelle la dynastie saoudienne finance les moudjahids afghans et exporte sa doctrine religieuse sous la forme du salafisme, « idéologie » islamique apparue dans les années 1980. Son objectif initial était de justifier les pratiques et l’existence d’engagés volontaires venus de tout le monde musulman dans la guerre afghano-soviétique. Il se caractérise par la revendication d’un devoir à titre individuel d’une forme violente d’un djihad transnational, et par la référence à un mouvement religieux salafiste dont le but serait de retourner à un islam originaire qui serait le seul véritable du point de vue des tenants de cette doctrine. Cette idéologie est développée par des penseurs musulmans radicaux comme Abou Qatada, Abou Moussab al-Souri ou Abou Mohammed al-Maqdisi. Elle caractérise particulièrement la mouvance d’Al-Qaïda, l’État islamique et de multiples structures autonomes ou personnes isolées s’en inspirant. L’Arabie saoudite prend quelque peu ses distances avec son allié américain, au début des années 2010, en réponse à la non-intervention militaire du pays pendant la guerre civile syrienne et au rapprochement irano-américain qui fait suite à l’élection de Hassan Rohani à la présidence de la République islamique. En conséquence, l’Arabie saoudite refuse son siège obtenu par l’élection du Conseil de sécurité de l’ONU de 2013.
Les relations entre les États-Unis et l’Etat d’Israël restent un facteur important dans la politique étrangère des différents gouvernements des États-Unis, qui maintiennent avec Israël une relation de proximité et de soutien via des accords militaires et une aide financière annuelle très importante. En dépit de cette très grande proximité, surgissent souvent des tensions entre les deux pays, notamment en raison de leur politique expansionniste.
total, les Etats-Unis ont prévu de consacrer 36 milliards de dollars à l’aide militaire à Israël entre 2009 et 2018. En 2014, Israël a reçu 3,1 milliards de dollars d’aide militaire. En janvier 2011, un « effet domino » dans le Maghreb et dans les pays arabes est avancé par la presse à la suite de la révolution tunisienne de 2010-2011, hypothèse qui se vérifiera dans le printemps arabe.
Les enjeux africains
Durant le XIXe et la première moitié du XXe siècle, l’Afrique subsaharienne, a été pratiquement absente de la politique extérieure des Etats-Unis. Cependant, à partir de 1945, Deux facteurs vont motiver «l’engagement» américain dans le continent africain :
1) freiner l’influence soviétique auprès des pays africains fraîchement indépendants.
2) venger les actions terroristes contre les intérêts américains.
Ainsi, Washington intervient au Congo en 1960 et finit par soutenir le général Mobutu qui, pourtant, n’était pas son favori au départ et qui grâce à un soutien militaire et l’aide financière arrivera à reconstruire le pays en trois ans de 1966 à 1969.
Dans le sud de la corne africaine, en Angola, en Namibie et au Mozambique, les Américains interviennent indirectement, via l’Afrique du Sud, et à partir de 1975 quand le Portugal se désengage de ses anciennes colonies, ces pays basculent dans le camp du Bloc de l’Est et soutiennent les mouvements armées d’opposition comme (UNITA), (l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola.
Après son indépendance en 1975, l’Angola va basculer dans la guerre civile, les Etats-Unis soutiennent l’UNITA contre le MPLA, lui-même soutenu par Cuba. L’opération « Restore Hope » lancée en 1993 en Somalie pour le compte des Nations unies est un fiasco total, et conduit Washington à un moindre interventionnisme dans les années suivantes. Depuis la fin de la guerre froide, c’està- dire en 1990, à la suite de la chute des régimes communistes en Europe, et surtout la dislocation de l’URSS en 1991, les attentats des ambassades américaines de Dar-es-Salaam et de Nairobi en 1998 marquent l’émergence de la menace islamiste pour les États-Unis. les années 2000 voient un intérêt accru de ce pays pour le continent noir sur les plans économiques (pétrole dans le golfe de Guinée), humanitaire, programme contre le sida « The President’s Emergency Plan for AIDS Relief », et sécuritaire : mise en place du « United States Africa Command » en 2008, lutte contre la piraterie autour de la Corne de l’Afrique et le terrorisme dans la corne de l’Afrique et le Sahel.
Sous la présidence Bush, l’aide des Etats-Unis aux Etats de l’Afrique subsaharienne a été multipliée par quatre, passant de 1,4 milliard de dollars en 2002 à 8,1 milliards en 2010 . Quant à Bill Clinton, il est à l’origine de l’African Growth and Opportunity Act (AGOA), une loi votée, en 2000, permettant d’ouvrir sans contrepartie le marché américain à une liste de marchandises en provenance des pays africains. Enfin, la lutte contre le terrorisme oblige, les deux présidences participèrent aussi au renforcement des engagements américains en Afrique en matière de sécurité, aboutissant à la création par Bush, en 2007, d’un commandement militaire pour l’Afrique (Africom).
Tout le monde se souvient de l’enthousiasme que l’élection en 2008 du premier président noir aux Etats-Unis avait suscité à travers l’ensemble du continent africain. Force est de constater que le bilan est plus que négligeable. L’Afrique espérait que cette élection inédite se traduirait par un engagement accru des Etats-Unis dans le continent. Barack Obama a dû attendre le début de son second mandat pour effectuer sa première véritable tournée en Afrique, au Sénégal, en Tanzanie et en Afrique du Sud. Ses passages en Egypte et au Ghana durant son premier mandat étaient, essentiellement, des escales symboliques, riches en discours et pauvres en initiatives réelles. C’est au cours de son bref voyage au Ghana que le Président Obama avait déclaré que « l’Afrique n’a pas besoin d’hommes forts, elle a besoin d’institutions fortes ».
Le Maroc face à l’administration Donald Trump
Nonobstant l’absence de gisements (pour le moment) d’hydrocarbures au Maroc, dont les Etats-Unis sont les plus grands consommateurs du monde, il n’en demeure pas moins que le Royaume, dans ses prochaines rencontres avec les hauts responsables américains, peut faire valoir des atouts propres à sa situation géographique, son système politique et enfin le savoir- faire de ses élites.
Mais au-delà de toutes les prévisions ou scénarios qu’on peut imaginer, le Maroc peut jouer un rôle majeur dans l’élaboration de la nouvelle stratégie africaine de D.Trump. les relations profondes et exceptionnelles avec la majeure partie de l’Afrique, tissées depuis une décennie et demie, sous le règne de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, seront un atout majeur. L’originalité de la démarche marocaine serait de proposer des projets en rupture totale avec le passé, en substituant à la traditionnelle politique américaine axée sur l’aide, un partenariat économique plus égalitaire.
Pour cela, l’équipe marocaine doit faire preuve de grande maîtrise de ses dossiers, une présentation claire et alléchante des projets à lancer en commun, dans une optique « Win-Win », dans des terrains connus et bien ciblés.
Seule la notion de rentabilité pourra capter l’attention de la nouvelle équipe de la Maison Blanche. La référence à l’histoire ancienne, notamment le Maroc en tant que 1er pays ayant reconnu l’indépendance de l’Amérique, laissera insensible un leader ayant plus d’affinité avec les chiffres, en particulier les millions de dollars, que la référence à des relations « exemplaires »….sur papier ou communiqués de presse.