e-commerce : des freins qui persistent
On ne peut nier l’avancée considérable dans la transition digitale et les résultats encourageants en matière d’e-commerce. Mais il semblerait que des freins subsistent encore, ne permettant pas d’en faire une pratique courante de la vie quotidienne. E-paiement, livraison, fraudes, clients ou partenaires malhonnêtes… MAROC DIPLOMATIQUE a récolté les témoignages de deux entrepreneurs dans le e-commerce.
Pour cette e-boutique spécialisée dans la vente de vêtements et produits pour bébés et femmes enceintes, le démarrage n’a pas été des plus simples. Créée il y a 10 ans, avant l’arrivée des parapharmacies en ligne et de Jumia, le défi était d’autant plus difficile car la culture du e-commerce était encore quasi-inexistante dans le pays. «Les Marocains ne savaient pas encore comment commander, il fallait donc leur expliquer, les sensibiliser.» Pour pallier cette difficulté, la fondatrice a «organisé des expositions-ventes, des évènements, créé un réseau de mamans, afin de faire connaître la société». Elle s’est armée de patience, nous a-t-elle expliqué, parfaitement consciente que la rentabilité ne serait pas au rendez-vous dès les premiers mois. «J’ai commencé avec très peu d’articles et un mini-budget, puis j’ai évolué au fur et à mesure. J’ai, par ailleurs, constaté un grand besoin pour les mamans et les femmes enceintes. J’ai donc proposé un service leur évitant de faire le tour des rayons pendant plusieurs heures».
Un manque de moyens matériels et financiers
Un des premiers freins au e-commerce souvent évoqué concerne le paiement en ligne. Malgré la démocratisation de l’achat en ligne au Maroc, les Marocains demeurent réticents quant à l’utilisation de leurs données bancaires et privilégient donc le règlement par espèce à la livraison. Ce dernier représenterait même 95% des ventes e-commerce, selon un article de la Chambre Française de Commerce et d’Industrie au Maroc (CFCIM), publié en 2019. Les raisons sont multiples. Peur d’escroquerie, fraude, mauvaise information sur les retours et les remboursements. Ainsi, si le paiement par carte s’est répandu pour le règlement des factures, il reste encore peu généralisé pour les achats de biens et de produits. Pour l’e-boutique spécialisée dans la vente de vêtements et produits pour bébés, lors de sa création, le paiement en ligne n’était pas encore développé, Néanmoins ce n’est pas pour autant qu’elle a franchi le cap à ce jour, confie-t-elle, estimant les frais liés à ce service, trop onéreux. Mais le paiement par espèce, à la livraison présente aussi son lot d’inconvénients. «Il arrive qu’un client passe une commande, et au moment de la réception, il refuse le colis ou ne le paye pas. Ce sont des frais de livraison perdus pour rien». A cet effet, la fondatrice a dû innover et penser un système de vérification pour s’assurer de la fiabilité des commandes et éviter un maximum de retours. «Vous imaginez ce que cela coûte d’envoyer un colis à vos frais…lorsque la personne ne le reçoit pas ou ne paye pas à la livraison…». Même problème pour cette autre entrepreneure spécialisée dans les luminaires qui s’est tournée vers le e-commerce après le confinement, plus précisément en octobre 2020. «Comme vous le savez, une partie des Marocains reste réticente au paiement en ligne, ce qui nous a forcés à opter pour le paiement à la livraison. Cette option représente un risque pour les revendeurs qui n’ont aucune garantie de finaliser la vente et engendre des frais supplémentaires (annulation de commande, refus d’accepter les colis)».
Quid des services de livraison ?
Des difficultés persistent également au niveau de la livraison. «Notre objectif est de permettre aux mamans de recevoir leur colis chez elles et non pas à l’agence de poste» nous explique la première intervenante. «Mais l’inconvénient parfois, c’est que les livreurs n’ont pas de temps à perdre et n’appellent pas le client. Ils renvoient donc le colis au bureau de poste (…) Nous avons testé d’autres agences, il y a eu des arnaques, mais ce n’était pas toujours de la faute de la société de livraison… il peut arriver qu’un livreur soit malhonnête…». La spécialiste des luminaires qui a ouvert à ce jour une dizaine de boutiques physiques, «Nous avons choisi de faire de nos magasins des points relais, et minimiser au maximum le déplacement du client en assurant au maximum possible les livraisons par nos équipes dans les différentes villes et faire appel en dernier lieu aux entreprises de transport».
Nos intervenantes évoquent d’autres difficultés liées à la qualité des produits proposés, les cas de fraude ou la concurrence qui utilise uniquement les réseaux sociaux comme plateforme de vente avec des pratiques douteuses. Bref, si le e-commerce à de beaux jours devant lui, il semblerait que des efforts restent à faire pour faciliter la tâche de nos commerçants.