Covid-19 : Les démarches commerciales à l’épreuve de la pandémie
Par Btissam Laamime (*)
Depuis le début de la pandémie en février-mars 2020, l’économie mondiale est frappée de plein fouet. Les entreprises ont été touchées, contre leurs attentes, à la manière d’un ouragan surgissant au milieu d’un temps serein. Dans cette tempête sans précédent, un poste est particulièrement impacté, celui de « commercial ».
Poste clef au sein de l’entreprise, le commercial source les clients et transforme sa prospection en business. Il réalise le chiffre d’affaires, sans lequel une entreprise ne peut exister ou prospérer.
Comment cette profession, particulièrement rudoyée, a-t-elle vécu la crise et quelles leçons faut-il en tirer ?
La fonction commerciale dans la tourmente
Avec l’annonce des confinements à répétitions et du télétravail forcé, les commerciaux, par définition « personnes d’action et de terrain », se sont brutalement trouvés confrontés à l’immobilité et à la solitude. Plus d’interlocuteur direct, plus de rencontre physique, mais des e-mails, du téléphone, des RV vidéo et des objections nouvelles, teintées d’attentisme, d’angoisse et de désarroi. Les repères anciens, les comportements et les formes de sociabilités, connus jusque-là, ont été balayés. Les différences entre la vente « en présence » et le « remote selling » sont nombreuses. On n’applique pas les mêmes process, on n’adopte pas la même posture. Pour la plupart, les commerciaux n’y étaient pas préparés et les managers, perdus, ignoraient sur quelles priorités jouer.
Le sentiment d’épuisement s’est donc vite fait sentir. Les commerciaux se sont trouvés démunis, en « errance » alors même qu’on exigeait d’eux « résilience », « persévérance » et toujours autant de « performance ». Mais, quid de la « bienveillance » à leur égard ? « Bienveillance » qui exigerait un accompagnement concret, une simplification des process qui leur sont imposés, une adaptation de ces mêmes process à la singularité de la situation.
Demander à un commercial d’être résilient et ne pas lui en donner les moyens est un non-sens qui peut avoir des répercussions lourdes sur le chiffre d’affaires d’une entreprise. Une crise, quelle que soit sa nature, réclame de l’agilité, de la flexibilité et de l’innovation.
Il était donc nécessaire de changer rapidement de regard et de perspective afin de pouvoir agir de façon adaptée.
L’opportunité de revaloriser et repenser l’intelligence commerciale
Premier sur la ligne de front, premier à devoir s’adapter, le commercial, quand on lui en a donné les moyens, a été le premier à se réinventer. Il a dû faire preuve d’une immense ouverture d’esprit, d’une capacité d’adaptation inouïe afin d’atteindre ses objectifs. Les directions commerciales qui ont repensé leur organisation sous l’angle du télétravail et du management à distance, ont permis à leurs commerciaux de développer les rencontres interactives avec les clients. Certains ont brillé par leur créativité.
Alors, considérer que la pandémie peut constituer une opportunité de repenser et revaloriser ce métier mal-connu et mal-aimé, serait une manière de transformer une partie du poison, en élixir.
Revaloriser d’abord, parce que les commerciaux sont des postes clefs, véritables ressources de l’entreprise. À l’expression « fonction commerciale », il convient plus que jamais d’adjoindre celle « d’intelligence commerciale ». L’intelligence commerciale permet, en effet, de détecter, d’analyser et de distribuer l’information relative au marché de l’entreprise. Le commercial fait bien plus que « vendre » : il étudie sa cible, ses comportements, ses besoins, ses exigences et y adapte sa démarche.
Un vieil adage dit que « l’intelligence, c’est l’adaptation. ». Pour traverser cette tempête, les commerciaux en ont fait brillamment preuve, évitant par là-même bien des faillites à leurs entreprises. D’où l’évidence de revaloriser cette fonction et la nécessité d’œuvrer pour et avec cette profession en manque de recrues. Nécessité de « revaloriser » donc, puis de « repenser », car comme toutes les crises, la crise sanitaire est à envisager comme une transition. On ne peut pas à la fois considérer que la démarche commerciale se complexifie, et continuer à reproduire des méthodes et des techniques simplistes des années soixante.
Accélérer la digitalisation de la profession et de ses pratiques
Dans la contrainte du télétravail, et dans l’évolution des interactions à distance, comment toucher ses clients ? Comment continuer à être ambassadeur de la valeur de son entreprise ? Et comment faire face à des clients eux-mêmes embarrassés par la situation ?
La réponse : par le digital. En forte croissance depuis cinq ans, la digitalisation, la prospection et le marketing B to B, ont explosé sur les plateformes sociales. Avec la crise sanitaire, ce que l’on nomme aujourd’hui le « social selling », est devenu une pratique extrêmement répandue. Jusqu’alors essentiellement axé B to C, l’e-commerce, s’est en effet tourné vers les relations B to B. Selon une récente étude de McKinsey, le pourcentage des répondants considérant que le digital est aussi efficace pour vendre, voire plus, a progressé de 22% et représente désormais 71% des cibles B to B.
Le changement est considérable et l’accélération, si puissante et rapide que toute entreprise se voit contrainte, non pas de s’adapter, mais de se transformer en permanence. Dorénavant, l’exploitation intelligente des données, le ciblage personnalisé, l’analyse du comportement du consommateur, sont des pratiques incontournables pour améliorer l’efficacité commerciale et démultiplier la transformation des prospects en clients. Qui dit « pratiques nouvelles » exige « formations adaptées ». La collaboration entre les services commerciaux et le marketing est plus que jamais nécessaire. Il est urgent de les former aux « outils de l’après » et de leur fournir les ressources qui les rendront performants dans leurs process. « Sales intelligence », « Nurturing », « Smart Data », « Brand content », « Content marketing », sont autant de pratiques et d’outils efficaces pour générer plus de leads, développer et initier des relations avec les clients potentiels, sécuriser les processus de vente et parvenir à l’adhésion. Si très peu d’entreprises ont pris une longueur d’avance sur leurs concurrents en industrialisant leur prospection commerciale, beaucoup restent encore très éloignées de ces technologies. Les entreprises qui donneront à leurs commerciaux de tels moyens, seront celles qui sortiront grandies de cette crise : financièrement, par les poches de croissance qu’elles créeront, humainement, par la bienveillance qu’elles auront accordée à leurs « intelligences commerciales ».
(*) Btissam LAAMIME
Experte en efficacité commerciale et techniques de vente