Flambée des cas de covid-19 : La Tunisie paie le prix fort du relâchement
Il a fallu que la Tunisie atteigne la cote d’alerte pour que les autorités publiques prennent la mesure de la gravité de la situation et durcissent les mesures de sécurité dans l’espoir de briser la chaîne de contamination qui arrive à un pic annonciateur de tous les périls.
Redoutée depuis un certain temps, cette nouvelle vague du COVID-19 a été à la fois rapidement contagieuse, générale et provoquant un nombre élevé de décès, l’un des plus élevés en Afrique.
Cette épidémie, notamment le variant anglais, s’est propagée depuis la mi-mars dans la plupart des régions du pays, dont certaines ont été déclarées zones rouges et soumises à des sévères restrictions des déplacements provoquant la saturation des services de la plupart des hôpitaux avec un taux d’occupation des lits de réanimation de plus de 80% et le lancement de cris d’alarme de la part du personnel médical et des membres de l’instance nationale de lutte contre le coronavirus.
En effet, jusqu’ici, on a recensé plus 280.000 cas de coronavirus sur une population totale de 11,5 millions d’habitants, plus de 1500 nouveaux cas par jour et près de 10 mille décès.
Avec ce bilan, la Tunisie se trouve, depuis quelques mois, deuxième en Afrique au niveau du taux de mortalité au coronavirus.
Pour Mme Samar Samoud, professeur hospitalier d’immunologie à l’Institut Pasteur, plusieurs facteurs avaient contribué à l’accélération du rythme des contaminations, dont l’absence totale de sanctions pour les contrevenants, notamment dans le cas des grands rassemblements et manifestations organisées par des partis outre la défaillance totale de la stratégie de communication.
Les autorités publiques, après avoir assoupli notamment le couvre-feu, le 10 avril à la demande du président de la république, se sont ravisées sept jours plus tard, sous la pression des experts de l’instance nationale de la lutte contre le coronavirus et les syndicats de l’éducation et de l’enseignement qui ont demandé la suspension des cours.
La Directrice Générale de l’Observatoire national des maladies nouvelles et émergentes et porte-parole du ministère de la Santé, Nissaf Ben Alaya, n’y va pas par quatre chemins pour juger la situation « très dangereuse », avec l’accroissement exponentiel des cas positifs dépistés au quotidien, voire la hausse du nombre des hospitalisations et des décès, parallèlement à la dissémination du variant britannique.
Les autorités politiques et sanitaires ont changé subitement de discours imputant l’aggravation de la situation au relâchement en matière d’application des gestes barrières et des mesures de prévention.
Le chef du gouvernement, Hichem Méchichi, est allé jusqu’à affirmer que le citoyen ne prend pas au sérieux le danger de la pandémie.
Pour stopper la flambée des cas de contamination, de nouvelles mesures restrictives ont été annoncées samedi dernier, notamment celles relatives à la fermeture, du 18 au 30 avril, des écoles primaires, secondaires ainsi que des universités et l’interdiction des transports en commun et des voitures à partir de 19h00.
D’autres mesures ont été prises dans la foulée à savoir la fermeture des établissements qui ne respectent pas les consignes sanitaires, le rétablissement du travail par alternance dans les administrations publiques et la reprise du télétravail pour les entreprises privées afin de limiter le présentiel et l’application des mesures de confinements strictes pour les zones rouges, dont le nombre ne cesse de se multiplier.
Hormis la forte propagation de la pandémie, la Tunisie n’a pas réussi non plus sa campagne de vaccination, entamée très tardivement le 13 mars en raison d’un manque de coordination flagrant entre les différents intervenants et de la faible quantité disponible de vaccins.
Au 19 avril, le nombre total de personnes vaccinées a atteint seulement 225.900 rendant l’objectif assigné de vacciner la moitié de la population d’ici la fin de l’année presque chimérique.
Certains spécialistes soutiennent qu’à ce rythme, il faudra attendre au moins cinq ans pour couvrir une population totale de 11,5 millions. Le rythme de la campagne de vaccination, jugé « trop lent » avec 12.000 par jour, fait même l’objet d’une polémique.
Certains spécialistes expliquent que cette lenteur de la campagne de vaccination par les faibles doses de vaccins réceptionnés et le nombre limité des centres de vaccination.
A ce propos, le ministre de la Santé publique, M Faouzi Mehdi, tablait sur environ 200 mille vaccinations par jour à condition que les quantités de vaccins commencent à arriver régulièrement et que les capacités de performance dans les centres répartis sur tout le territoire soient optimales.
Pour parer à ces insuffisances, la Tunisie qui a diversifié les sources d’approvisionnements en vaccins, a procédé, le 18 avril, à l’ouverture de six nouveaux centres de vaccination supplémentaires, en plus des 38 déjà opérationnels, en même temps, des équipes médicales mobiles poursuivent leurs actions, notamment, la vaccination des personnes âgées dans les maisons de retraite en collaboration en partenariat avec les composantes de la société civile.
Avec ce tour de vis et l’accélération de l’opération de vaccination, la Tunisie espère d’ici fin avril briser la chaîne de transmission et, surtout, limiter l’impact de la propagation de cette pandémie qui risque d’hypothéquer sérieusement l’année scolaire et d’aggraver davantage les difficultés économiques dont il ne finit pas de souffrir.
( Avec MAP )