Le Maroc un peu plus à l’heure de la finance durable !
La transition énergétique et l’émergence d’une finance durable constituent des enjeux clés pour les marchés financiers, la stabilité financière et la protection des investisseurs. Le Maroc vient de façon heureuse de confirmer son intérêt pour la pérennisation d’un véritable marché des capitaux durable.
En effet, la Société financière internationale (IFC), membre du Groupe de la Banque mondiale, et l’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC) ont signé, le 11 février dernier à Rabat, un accord de coopération important pour améliorer les pratiques des entreprises en matière de reporting environnemental, social et de gouvernance (il s’agit du fameux reporting «ESG»).
Madame Nezha Hayat, Présidente de l’Autorité de régulation marocaine, en a parfaitement résumé les enjeux : «L’alignement du secteur financier marocain sur le développement durable, identifié comme priorité lors de la COP 22, s’impose davantage dans le contexte actuel de relance économique et passe par l’adoption des meilleures pratiques en matière de transparence sur les facteurs ESG. Notre partenariat avec IFC nous permettra de mieux accompagner les entreprises faisant appel public à l’épargne dans leur transition vers des pratiques plus durables, améliorant ainsi leur compétitivité et plus globalement l’attractivité de notre marché». Sérgio PIMENTA, vice-président d’IFC pour l’Afrique et le Moyen-Orient, a pour sa part relevé que ce «partenariat avec l’AMMC permettra aux entreprises marocaines d’améliorer leurs pratiques environnementales, sociales et de gouvernance et d’attirer davantage d’investissements verts au Royaume, créant ainsi davantage d’opportunités».
Pour rappel, l’IFC, membre du Groupe de la Banque mondiale, est la principale institution de développement axée sur le secteur privé dans les pays émergents. Elle mène des opérations dans plus d’une centaine de pays, consacrant son capital, ses compétences et son influence à la création de marchés et d’opportunités dans les pays en développement. Au cours de l’exercice 2020, elle a notamment investi 22 milliards de dollars dans des sociétés privées et dans des institutions financières dans des pays en développement, mobilisant ainsi les capacités du secteur privé pour mettre fin à l’extrême pauvreté et promouvoir une prospérité partagée.
L’AMMC, instituée par le Dahir n° 1-13-21 portant loi n° 43-12, est quant à elle l’Autorité de régulation du marché marocain des capitaux. L’Institution a pour missions de veiller à la protection de l’épargne investie en instruments financiers et au bon fonctionnement et à la transparence du marché des capitaux au Maroc.
On ne peut que se réjouir de cette avancée à grand pas de la finance durable au Maroc, qui sans freiner les atouts que peuvent représenter les marchés financiers, considère que d’autres enjeux, à côté de la rentabilité et du profit, doivent impérativement être pris en compte au titre de l’information financière. Autrement dit, cet accord permettra un peu plus d’inciter celui qui opère sur les marchés financiers à porter à la connaissance du public des renseignements propres aux performances et aux risques extra-financiers générés par son activité économique.
Ce nouvel accord est le bienvenu d’autant que les impératifs ESG ne sont évidemment pas complètement nouveaux pour le secteur financier marocain ; l’objectif était déjà contenu dans la très riche circulaire 03/19.
Cette dernière oblige en effet l’émetteur à faire figurer, dans son rapport annuel, un rapport «Environnement social et gouvernance». Ce dernier consiste à informer le public, notamment sur l’impact des activités de l’émetteur sur l’environnement, ses relations avec les employés, ses parties prenantes externes, ainsi que sur ses méthodes de gouvernance. Surtout, la circulaire compose avec le principe bien connu du «complain or explain» : la société qui viendrait à ne pas informer ou à informer différemment de ce que lui suggère la circulaire devra alors en expliquer les raisons, et s’exposera, en cas d’insuffisance, au pouvoir de sanction de l’Autorité de régulation marocaine. On notera d’ailleurs que certaines sociétés ont déjà fait les frais de leur carence en la matière. Il suffit, pour s’en convaincre, d’aller consulter les décisions de sanction prononcées par l’Autorité marocaine.
Mais comment, dès lors, obéir concrètement à l’objectif porté par le triptyque environnement-social-gouvernance ? Il faut pour cela investir plus précisément la circulaire, laquelle contient une annexe III 2 M extrêmement riche que nul émetteur n’est censé ignorer…
Sur le facteur environnemental, d’abord, la société concernée devra notamment lister ses éventuelles activités polluantes et renseigner sur sa politique de réduction des déchets. Concernant ensuite l’axe social, l’émetteur devra indiquer au marché quelle méthode de gestion des ressources humaines est employée, tandis qu’il devra encore détailler l’existence d’un schéma d’intéressement du personnel quand il existe. Enfin, quant à la gouvernance, la société est invitée à se montrer transparente quant à ses organes de direction, le respect de la parité et ses méthodes de fixation des rémunérations des dirigeants. Surtout la «corporate gouvernance» ne peut prospérer sans actions pour prévenir et réprimer la corruption à laquelle la société pourrait faire face. Sur ce dernier point, une véritable internalisation de l’anticipation des risques et des sanctions, que le monde connaît désormais à travers la notion de compliance, ressort de la circulaire.
L’accord signé à Rabat entre les deux institutions intervient donc dans un contexte déjà préparé à la question environnementale et sociale. L’AMMC, dans le cadre de ce partenariat, s’appuiera sur l’assistance de IFC pour renforcer ses capacités en matière de reporting ESG grâce notamment à des programmes de formation et au développement d’outils efficaces d’évaluation, de suivi et d’encadrement de ce reporting. Comme l’indique le communiqué de presse de l’Autorité marocaine, «cet accord de coopération s’inscrit dans la continuité des initiatives prises par l’AMMC pour favoriser le développement d’un marché des capitaux durable au Maroc, en mesure de contribuer à la reprise économique suite à la pandémie de la Covid-19».
Enfin, rappelons que ce n’est d’ailleurs pas la première fois que les deux autorités travaillent de concert. L’IFC avait déjà apporté son soutien à l’AMMC dans le cadre de l’élaboration des guides relatifs aux obligations vertes, sociales et durables publiés en 2016 et en 2018, et avait investi 100 millions d’euros en 2017, dans la première émission d’obligations vertes libellées en devises sur le marché marocain, ainsi que le souligne le communiqué de presse.
Une collaboration fructueuse donc et qui n’a sûrement pas dit son dernier mot…
Par Kevin Magnier-Merran