Al Hoceima : le silence lâche des élus et des intellectuels
Un élu ou un intellectuel est celui qui s’engage, comme disait Sartre ou un Antonio Gramsci. L’un ou l’autre sont des pédagogues, et quand ils défendent la bonne cause, la justice et le drapeau de leur pays, ils sont auréolés d’une reconnaissance à toute épreuve.
Nous voyons de plus en plus aujourd’hui notre pays exposé à la hargne de nos adversaires qui dévoilent leur vrai visage et déversent leur haine, à la faveur de la crise d’al-Hoceima devenue ce que le miroir aux alouettes est aux dévastateurs. Révélatrice à bien des égards des méprises contre notre pays, nos institutions, la Monarchie qui est notre raison d’être, la crise du Rif dégorge un relent d’irrédentisme séparatiste que l’on n’a jamais, à vrai dire, cru disparaître, tant les ressentiments sont restés vifs et nourris de l’étranger.
Comment peut-on expliquer que, hormis les délégations du gouvernement, ou quelques ministres partis en catimini, aucun responsable de parti politique, et notamment du parti majoritaire à al-Hoceima, pas un seul élu ne se soit rendu dans cette région ?
Le Rif, c’est en tout état de cause un faisceau de responsabilités partagées : de l’Etat, des partis politiques et des élus, des forces économiques, de l’Establishment en général, de l’Intelligentsia aussi, enfin de cette société civile sollicitée, sans pourtant être en mesure d’avoir prise et, plus grave désormais, livrée aux mains des associations étrangères qui en assurent le financement.
L’absence de tous ces corps, leur inertie et leur incapacité à réagir à la situation inédite d’al-Hoceima, a créé de toute évidence les conditions d’un vide dont on pourrait craindre, à juste titre, qu’il fût exploité par les fauteurs de troubles pour s’attaquer – ne le font-ils déjà pas ? – aux institutions et à la personne du Roi. Ce que nous autres, partis politiques, élus, hommes de culture, intellectuels et société civile devrions assumer en tant que relais avec le peuple, semble nous échapper et nous désemparer à coup sûr…
Notre pays est confronté aux machiavélismes des groupes étrangers, aux organisations criminelles, à une 5ème colonne intérieure qui ne dissimule plus ses complicités.
Les événements d’al-Hoceima, outre le serpent de mer des financements occultes extérieurs, outre l’irrédentisme des associations ouvertement indépendantistes qui s’activent à monter les jeunes de la ville contre leur propre pays et à défier l’autorité de l’Etat, nous révèlent un autre visage : celui des élus, des partis et des pseudo intellectuels qui choisissent le silence, ou pour certains la pseudo neutralité. Qui s’abîment dans les fausses prudences et un réalisme coupable et d’un abandon à l’autre, nous fourvoieraient dans ce faux dilemme : comprendre les Zefzafi et consorts ou verser dans la tentation de la guerre civile…
Au mieux, ils s’inclinent à cette vaseuse compilation, la main sur le cœur, pour nous expliquer que le Rif était abandonné des décennies durant, que rien n’a été entrepris en faveur de cette région pour la sortir du marasme – ce qui est totalement faux et malhonnête -, de la résignation qui l’a frappée, que ses populations souffrent du chômage endémique et de l’absence d’une vision économique et sociale…Ce discours de vérité, personne ne le nie, personne ne poussera la malhonnêteté à le contredire.
Le Rif, terre des tentations et des abus, des injustices économiques et sociales, du laisser aller et des abandons coupables. Leur effet boomerang, le résultat des négligences et du mépris institutionnalisé est donc ce mouvement contestataire qui s’est amplifié en moins de 6 mois. Qui nous révèle également le fossé entre l’élite dirigeante et les populations, et aujourd’hui gravement l’inexplicable éclipse des partis politiques, des élus locaux et nationaux, des opérateurs économiques, des intellectuels et des médias.
On peut tout nier en bloc, mais on ne peut rien ignorer !
Dans la confusion malsaine qui prévaut aujourd’hui dans cette chère province, où se conjuguent des complicités étranges et se nouent des alliances antinomiques, les intellectuels ou ce qui se réclament de ce titre perdent leur latin. C’est le cas de le dire !
Deux tendances se dégagent dans cette étape douloureuse que traverse le Rif : celle des intellectuels patentés qui parlent et s’expriment, et celle de ceux qui se taisent…dans cet entrecroisement , il y a aussi ceux qui prennent position ouvertement pour Nasser Zefzafi et ses amis, confrontés à ceux qui les dénoncent implacablement. Entre ces courants, se situent les rétifs, les émollients acteurs qui préfèrent garder le silence et se contenter d’observer « mezza voce ». D’aucuns, en revanche, esprits lucides jouent aux contempteurs du pouvoir qu’ils chargent et rendent responsable de la situation inégalitaire et explosive.
Mais leur propension à tailler au pouvoir des croupières, leur haine envers ce dernier – matinée d’une frustration aigue – est telle qu’ils préfèrent aller dans le sens des révoltés du Rif, pourvu que ça fasse mal aux institutions et pour quelques-uns vengent leur échec. Pis : ils cautionnent les agissements et les égarements religieux d’un Zefzafi sans jamais – en bons analystes pourtant – sonder ce qu’il y a derrière, ce que ce mythe crée ex nihilo cache en vérité.
Un effort d’objectivité exigerait néanmoins de ces intellectuels de voir au-delà de l’écran de Zefzafi et de leur propre lorgnette, et d’admettre les enjeux politiques qui se profilent derrière. Il imposerait également de reconnaître les efforts que l’Etat déploie depuis quelques mois, je dirais depuis 2003, date à laquelle le Roi Mohammed VI s’est rendu à al-Hoceima et y a campé plusieurs jours, lancé un vaste programme de développement économique et social. Mieux, il en a fait – et ce n’est pas un vain mot – une de ses destinations obligatoires et préférées, au point d’y passer ses vacances en famille.
Dans le débat déterminant qui nous interpelle aujourd’hui, synonyme de lutte pour l’unité et la liberté, il n’y a pas d’alternative : Se mobiliser et lutter contre le complot qui s’organise contre notre pays ou périr. L’inertie des uns et des autres est d’autant plus accablante et inconséquente que nous sommes à une veille de bataille, de principes, d’idées, de justice et de valeurs…Il ne sert à rien d’avoir raison, ou de se livrer à des couplets lyriques, quand on est moralement lâche.