Chakib Benmoussa aux XXIèmes Rencontres économiques d’Aix-en-Provence : « Saisir l’avenir, ensemble »
Les 2, 3 et 4 juillet 2021, le Cercle des économistes français, présidé par Jean Hervé Lorenzi a réuni plus de 350 intervenants de toutes les sensibilités du monde académique, économique, syndical et social pour les XXIèmes Rencontres Économiques d’Aix-en-Provence autour de la thématique « Saisir l’avenir, ensemble ».
Trois jours de débats ouverts à tous, et surtout aux jeunes très nombreux à ces rencontres, pour penser la société de demain et débattre des grands enjeux économiques, politiques et sociaux qui bouleversent notre monde. Un espace de dialogue qui fait penser aux Davos économiques et qui rassemble le gotha des décideurs, chercheurs et penseurs interdisciplinaires.
Premier grand rendez-vous international de cette sortie de crise, les Rencontres Économiques d’Aix-en-Provence 2021 ont débattu des grands enjeux, qui dicteront notre monde dans les cinq prochaines années :
- Comment reconstruire nos sociétés dont la crise a accru les fractures ?
- Quel nouveau modèle pour le capitalisme ?
- Comment les pays peuvent-ils remonter la pente ?
- les intervenants représentant une quarantaine de pays ont débattu ensemble autour de plus de 50 sessions pour préparer l’avenir. Parmi ces intervenants citons le Président du Sénégal Macky Sall, Esther Duflo, prix Nobel d’économie, Christine Lagarde, présidente de la Banque centrale européenne, Mélanie Nakagawa conseillère spéciale du président Biden, des économistes comme Jacques Attali, Christian de Boissieu Philippe Aghion, Patrick Artuis, Michel Barnier, ancien négociateur en chef du Brexit, des ministres comme Bruno Le Maire, ministre français de l’Economie et des finances , des députés présidents de régions comme Xavier Bertrand, des PDG des grands groupes internationaux et Chakib Benmoussa, Ambassadeur de Sa Majesté Le Roi du Maroc en France, et Président de la Commission Spéciale sur le Modèle de Développement. Tous ont décrypté, analysé et diagnostiqué l’état du monde tout en se constituant force de propositions pour être à la hauteur des enjeux de demain et reconfigurer un avenir au lieu de s’enliser dans un présent d’épidémie et de crise .
« La superpuissance de l’Etat est-elle justifiée par la crise ? »
Chakib Benmoussa, Président de la Commission sur le modèle de développement était l’invité de la table ronde intitulée « la superpuissance de l’Etat est-elle justifiée par la crise ? ». Parmi les invités de cette session, des historiens comme Niall Ferguson de l’Université de Standford, des députés comme Patrick Mignola président du Modem à l’Assemblée nationale française, des entrepreneurs comme le DG de CML Luis La Calle … ou Jean Louis Girodolle DG de Lazard … Les questions posées étaient relatives à la justification des interventions des Etats, aux modalités et domaine de son intervention, à l’organisation des relations entre l’Etat et les Territoires, l’Etat et les entreprises. Au-delà de son rôle « d’assureur systémique », comment éviter les dérives et construire le consentement des citoyens pour renforcer sa légitimité et assurer une transformation de plus en plus nécessaire? Réponse du président de la commission pour le modèle de développement.
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La pandémie a montré, selon Chakib Benmoussa, combien nous avons besoin d’un « Etat capable de répondre à une situation d’urgence et d’accompagner les citoyens. Elle a été révélatrice de certaines tendances qui existaient déjà et qui exprimaient le besoin non pas simplement de « plus d’Etat mais de mieux d’Etat », plus proche des citoyens et plus efficace ». « Mieux d’Etat » parce que « certains phénomènes sont à l’œuvre, je pense aux disruptions technologiques et au capital immatériel qui prend le dessus avec ce que cela implique parfois sur les libertés et les questions d’éthique », a-t-il souligné. Et d’ajouter : « Je pense aux crises sanitaires, aux crises climatiques et à leur implications sur le plan sécuritaire et sur la migration. La nouvelle géographie de développement nous montre l’Amérique, la montée en puissance de l’Asie, l’Europe qui essaie de se positionner, l’Afrique en émergence mais aussi les nouvelles tensions identitaires des perdants de la mondialisation ». Il faut être extrêmement attentifs à ne pas considérer qu’il y a une seule solution à ces problématiques et chaque pays selon sa trajectoire, son histoire, ses réalités doit pouvoir trouver le bon équilibre au niveau du rôle de l’Etat, a-t-il ajouté.
Venant à la Commission sur le développement qu’il préside, Chakib Benmoussa a affirmé : « Je voudrais évoquer l’expérience de mon pays, le Maroc qui, à l’initiative de Sa Majesté le Roi a mis en place une Commission pour le modèle de développement que j’ai présidée durant 18 mois et qui vient de remettre son rapport. A travers une démarche participative tant au niveau du diagnostic, que des solutions envisagées et des recommandations, l’idée était de permettre une co-construction et une appropriation des réponses ». L’une des questions posées était relative au rôle de l’Etat et des conditions pour sa transformation grâce à la participation des citoyens et de leur pression. Et de s’interroger avec acuité : « Quels seraient les objectifs de cette transformation pour créer les conditions de bien-être des citoyens, pour faire en sorte que la croissance et le développement ne soient pas abordés par leur seule dimension économique, mais aussi sociale, dans une vision de gouvernance qui s’inscrit en ouverture au monde. Pour cela l‘Etat doit mobiliser les autres acteurs pour faire face à l’incertitude du monde qui vient ». La commission, dit-il, préconise une « complémentarité entre un Etat fort qui fixe le cap et veille au respect des règles et une société forte et mobilisée qui favorise l’autonomie et libère les énergies ».
Aussi, souligne-t-il encore : « Dans les recommandations, nous avons préconisé un mécanisme politique de mobilisation à travers un pacte national de développement qui renvoie à l’idée d’un consensus des parties prenantes pour une vision et un socle de réformes essentielles. Ce consensus qui permet l’expression des énergies peut être fondateur d’une nouvelle dynamique qui favorise les conditions de réalisation des réformes. L’équilibre entre les deux piliers, un Etat fort et une société forte et plurielle, peut créer une tension qui génère, à son tour, les conditions d’une dynamique vertueuse. Cela nous renvoie à l’idée d’un Etat qui en partenariat avec les territoires et les autres acteurs arrive en décloisonnant les silos et en laissant émerger toutes potentialités à combiner intelligemment démocratie représentative et démocratie participative ».
La gestion des différentes temporalités, le temps politique, le temps des citoyens n’étant pas au même diapason, la libération des énergies au niveau des territoires en développant les capacités des acteurs, en créant des espaces de débats sont des sujets importants, a affirmé Chakib Benmoussa. Ils peuvent, dit-il encore, contribuer à faciliter les transformations qui seront difficiles à mener si elles ne viennent que d’en haut. Le président de la Commission pour le Nouveau Modèle de Développement conclut ainsi son intervention sur une note magistrale : « Je conclurais compte tenu du temps imparti sur un autre levier important de changement qui agit comme un catalyseur, le numérique. C’est un puissant accélérateur des transformations évoquées qui peut agir sur l’accès et la qualité des services publics, notamment dans les zones reculées qui peut constituer, à l’instar de ce qui se passe en Afrique, avec les paiements mobiles, une opportunité d’inclusion économique et sociale pour les populations les plus vulnérables ».