Un journaliste vétéran de l’agence US Associated Press épingle le droit de l’hommisme à géométrie variable du Département d’Etat

Par Amine Riad

Nous sommes le lundi 12 juillet, les correspondants des différents agences et organes de presse US internationaux accrédités auprès du Département d’Etat attendent, comme à leur habitude, que Ned Price, jeune porte-parole de la diplomatie américaine, regagne son pupitre, dans la Briefing Room, pour se prêter au jeu du “Q&R”. L’ancien lauréat de la Kennedy School of Government, affilié à la prestigieuse université de Harvard, arrive avec ses adjoints et adresse quelques clins d’oeil à l’assistance.

En bon professionnel, M. Price, qui avait fait ses armes à la CIA, avant de claquer la porte après avoir commis, le 20 février 2017, un article d’opinion, sur la page éditoriale du Washington Post, dans lequel il déclare haut et fort qu’il préfère quitter l’agence centrale de renseignement plutôt que de servir sous le Président Donald Trump, commence tout de suite par les “few things on the top”, qui sont les sujets de l’actualité internationale sur lesquels le Département d’Etat souhaite faire des commentaires et faire connaitre ses positions. Successivement, il annonce que les Etats Unis sont ravis d’avoir fait don de 500.000 doses de vaccin Johnson & Johnson au profit de la Moldavie, en plus d’une aide de quelques 7 millions de dollars, afin que ce pays de l’Est puisse faire fasse aux effets dévastateurs de la pandémie du Covid-19.

Il enchaine en soulignant que son pays se félicite de la célébration du 5è anniversaire de l’Arbitrage, entre la Chine et les Philippines, relatif à la mer de Chine méridionale, avant de souligner les préoccupations des Etat-Unis relatives aux dernières informations concernant les hostilités qui font rage dans l’ouest du Tigré, au nord de l’Ethiopie. Puis tombe la déclaration du Département d’Etat au sujet de l’affaire Raissouni, condamné le 09 juillet 2021, à 5 ans de prison ferme en première instance, qui fait part du “désappointement” de la diplomatie américaine au sujet d’une décision de justice rendu souverainement et en toute indépendance par un juge marocain. Le reste de cette déclaration représente un cas d’école d’une sortie officielle, qui ne tient compte que du point de vue d’une seule et unique partie, à savoir Souleimane Raissouni et ses soutiens.

→ Lire aussi : Affaires Raissouni/Radi : La DIDH réagit à la déclaration du porte-parole du Département d’État US

La version du plaignant, un jeune homme qui a fait l’objet d’une agression sexuelle de la part de Souleimane Raissouni doublée d’une séquestration, a été occultée de manière non déontologique. Ned Price conclut son intervention en affirmant que son Département suit étroitement le cas d’Omar Radi. Mais cette déclaration biaisée, comme l’a si justement affirmé le communiqué officiel de la DIDH, fait fi du droit universellement reconnu aux victimes des deux mis en cause à déposer plainte, tout en se focalisant, de surcroit, sur le statut de journaliste de leurs bourreaux.

La déclaration sur Souleimane Raissouni lors de ce briefing était sur le point de passer comme une lettre à la poste, n’était-ce l’intervention de Mathew Lee, le correspondant chevronné de l’associated Press (AP), un figure emblématique du landerneau médiatico-politique de Washington, qui a interpellé Ned Price, cette fois-ci, sur les cas de citoyens américains poursuivis à l’étranger, en précisant, à ce sujet, qu’un verdict sévère (15 ANS DE PRISON FERME) a été rendu le jour même en Jordanie, à l’encontre d’un certain Bessam Awadallah, qui n’est autre que l’ex-Chef de la Cour Royale jordanienne impliqué dans l’affaire de sédition contre le Roi Abdellah II.

Le porte-parole du Département d’Etat, manifestement pris de court et déstabilisé par cette question, a cherché à botter en touche en déclarant laconiquement que “nous suivons le cas de Bassam Awadallah et nous prenons son cas au sérieux bla bla bla”. Mathew Lee ne lâche pas l’affaire et lui repose avec insistance la même question: “mais ce que vous venez de dire ne contient aucun élément de réponse concernant la condamnation du citoyen américain Awadallah, et c’est là ma question”. Mis au pied du mur, Ned Price rétorque: ”Je n’ai pas de commentaire sur le verdict”.

Encore une fois, Mathew Lee revient mordicus sur le sujet avec une autre question: “le journaliste marocain dont vous avez parlé au tout début du briefing est ce qu’il porte la nationalité américaine ?”, à laquelle le porte-parole répond benoitement, qu’il ne dispose d’aucune indication attestant qu’il a été naturalisé au pays de l’Oncle Sam.

C’est à ce moment que le journaliste d’AP, un contradicteur hors pair, assène que la diplomatie américaine sort une réaction au sujet d’un journaliste marocain, Raissouni en l’occurence, au moment même où elle choisit de passer sous silence le verdict de 15 ans de prison ferme rendu en Jordanie, dans le cas du ressortissant américain  Bassam Awadallah, illustrant au bout du compte, une approche droit de l’hommisme à géométrie variable du Département d’Etat, qui feint d’ignorer que le Maroc demeure profondément attaché à la consolidation des valeurs des libertés collectives, individuelles et publiques, dont principalement les libertés d’expression et d’association, qui ne cessent d’être développées, dans le cadre d’un esprit pluraliste et responsable, permettant aux journalistes d’exercer leur mission en toute liberté, dans la perspective d’édifier une société prospère, tolérante et inclusive, bannissant l’arbitraire, l’injustice et la violence.

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