Maroc-Algérie qui a trahi qui?
Par Mohamed Takadoum
L’organe porte-voix de l’armée algérienne Al Jaich tel que rapporté par le journal algérien TSA continue sur la lancée de haine contre « l’Etat voisin » lire le Maroc. À cet « État voisin qui voue une haine ancestrale et un ressentiment non dissimulés envers notre pays », i. « Qui a trahi le héros numide Jughurta en 104 av. J.-C. et l’a remis à Rome où il sera tué ? N’était-ce pas Bocchus, roi de la Maurétanie césarienne, le Maroc d’aujourd’hui ? »« Qui s’est retourné contre l’Emir Abdelkader en décembre 1847 et s’est allié à l’ennemi français pour l’encercler ? N’est-ce pas le sultan marocain Moulay Abdel Rahmane ? Qui a trahi les cinq dirigeants de la Révolution et les a donnés à la France en octobre 1956, alors que leur avion se dirigeait du Maroc vers la Tunisie ? N’était-ce pas l’héritier du trône marocain ? » C’est aussi le Maroc qui a « attaqué notre pays en octobre 1963, alors qu’il venait tout juste d’accéder à l’indépendance et qu’il n’avait pas encore pansé ses blessures, dans une tentative d’occuper et d’annexer les villes de Tindouf et de Béchar à son royaume », ajoute la revue de l’ANP.
Non content de travestir l’histoire, d’autres voix des services algériens ont pris l’habitude ces derniers temps, d’imputer au Maroc à peu près tout ce qui ne marche pas dans ce pays. La main du Makhzen ou du pouvoir marocain est semble-t-il derrière tous les maux qui gangrènent ce pays .Les derniers en date, les feux de forêt, la soif qui frappe le pays suite à la sècheresse mais surtout à une gestion désastreuse des ressources en eau du pays ; pire certains osent même parler de « l « empoisonnement de barrages ». Du délire ou un ridicule qui dépasse l’entendement. Pour la fameuse trahison de la préhistoire, les deux pays sous l’empire romain n’étaient même pas constitués en pays ou Etats pour savoir qui a fait quoi. De plus comment peut ’on parler de trahison entre pays dans la préhistoire ? Par contre nous au Maroc, nous savons ce que nous avons fait pour ce pays et l’ingratitude de ses dirigeants.
Comment le pouvoir marocain (Makhzen) peut être contre ce pays avec lequel nous lient des liens y compris de sang que personne ne peut nier. Un petit rappel que j’ai déjà mentionné dans de précédents articles sur la solidarité et de ce fameux Makhzen (en principe les Rois du Maroc) tant décrié avec l’Algérie. Solidarité pour laquelle le Maroc a payé parfois un prix fort. Cela remonte au début de l’occupation de l’Algérie par la France. En effet Moulay Abderrahmane – sultan du Maroc à l’époque – avait soutenu le chef de la résistance algérienne l’Emir Abd el-Kader contre la colonisation française. De ce fait, un conflit a éclaté entre l’armée française et l’armée marocaine conduite par le Sultan Moulay Abderrahmane. Cette bataille s’est terminée par la défaite de cette dernière à Isly (14 août 1844). Par le traité de paix qui lui était imposé, le Sultan reconnut la présence française en Algérie et s’engagea par conséquent à ne plus soutenir l’Emir Abdelkader lequel après avoir mené une guérilla se rendit aux Français. Cette bataille d’Isly s’est soldée pour le Maroc par la perte de 800 hommes est un signe de solidarité dont les conséquences furent lourdes pour le pays : un tracé des frontières imposé par la France, l’affaiblissement du Pays qui a conduit à la perte de Tétouan en 1860 au profit de l’Espagne et un peu plus tard à la partition du Maroc entre la France et l’Espagne.
A l’indépendance du Maroc en 1956 Mohammed V avait refusé l’offre de la France de restituer des territoires annexés du Maroc par la France à l’Algérie en contrepartie de ne plus héberger les combattants du FLN. Le roi Mohammed V voyait cette proposition comme un « coup de poignard dans le dos » des « frères algériens » et parvint séparément à un accord le 6 juillet 1961 avec le chef du Gouvernement provisoire de la République algérienne, Ferhat Abbas. A l’indépendance de l’Algérie, les de ce pays ont refusé de discuter du sujet et c’était le fait déclencheur de la fameuse « guerre des sables » entre les deux pays en 1963 dont parle le journal algérien Al Jaich.
→ Lire aussi : Le Maroc et les élucubrations calamiteuses de la revue algérienne « Al-Jaïch »
En janvier 1961le Maroc s’était soulevé contre le projet colonialiste visant la partition de l’Algérie notamment lors de première conférence des pays africains à Casablanca. Ainsi sous la présidence de feu S.M. Mohammed V, accompagné de feu S.M. Hassan II, alors Prince Héritier, le Maroc a défendu l’intégrité territoriale de l’Algérie à cette conférence. Lors de la cérémonie d’ouverture, feu S.M. Mohammed V avait déclaré : « Nous proclamons que l’Algérie a droit à la liberté et à l’indépendance sans condition et dénonçons toute tentative criminelle visant le partage du territoire national algérien ».Cette position du Maroc a été reprise dans la résolution finale de cette conférence sur l’Algérie. La conférence ou étaient présents les Présidents Sekou Touré de la Guinée, Nekrumah du Ghana, Modibo Keita du Mali, Jamal Abdel Nasser de l’Egypte et deux représentants de la Tunisie et de la Libye. La conférence s’était opposée au partage de l’Algérie et a rejeté toute solution unilatérale et tout statut imposé ou octroyé.
A signaler que pendant la guerre de libération de l’Algérie, le Maroc en dépit de ses maigres ressources a fourni assistance et hébergement aux combattants du FLN. N’est-il symptomatique que les équipes qui se sont reliés au pouvoir à Alger sont appelés par les algériens « le groupe d’Oujda » du nom de cette ville marocaine frontalière avec l’Algérie. A rappeler aussi qu’après son retour au pays et à la suite de la proclamation de l’indépendance du Maroc en 1956 le Roi Mohammed V n’avait pas manqué une seule occasion de rappeler que l’indépendance du Maroc est incomplète sans l’indépendance de l’Algérie. De plus le Maroc a officiellement fermé la porte à toute revendication territoriale alors qu’il est connu que la France avait annexé des larges portions du territoire marocain à l’Algérie considéré comme étant un département français alors que le Maroc lui était sous protectorat donc appelé un jour ou l’autre à recouvrer son indépendance.
Le 18 décembre 1975, quelques semaines après la Marche Verte, Houari Boumediene avait ordonné l’expulsion massive de 45 000 familles marocaines (350 000 personnes), pour la plupart établies depuis des générations en Algérie. Mais le plus flagrant reste le soutien à un peuple sahraoui qui n’existe que dans l’esprit des dirigeants algériens. Le Sahara est une aire géographique qui s’étend du Maroc à l’Egypte. S’il y a un peuple sahraoui, il serait transnational englobant outre le Maroc, tous les pays de l’Afrique du nord plus l’Egypte. Les dirigeants algériens prenant prétexte de la défense « du peuple du Sahara » mènent une véritable guerre non déclarée largement ignorée par médias de l’hexagone contre le Maroc : médiatique, économique, diplomatique voire guerre tout court.
Les autorités algériennes ont décidé de faire du Maroc un ennemi et agissent depuis longtemps en conséquence. Ni une prétendue rancune historique, ni l’affaire du Sahara séquelle de la guerre froide et qui au départ était une colère hystérique de l’ancien président Boumediene ; ni une quelconque hégémonie régionale d’un pays il est vrai immense mais désertique à 84% ne peuvent justifier une guerre qui ne dit pas son mot contre le voisin marocain. -Guerre économique en s’engageant dans une course folle aux -Guerre diplomatique en mobilisant ses diplomates dans toutes les organisations et forums internationaux contre le Maroc -Guerre tout court, en armant et en abritant des combattants contre le pays voisin en violation de la charte des Nations Unies.
Je termine cet article qui répond à la haine de l’éditorial de l’organe de l’armée algérienne par un extrait du dernier appel lancé par le Roi MohammedVI en 2018 et demeuré sans suite à ce jour Dans un discours daté du 06/11/2018 le Roi Mohammed VI avait tendu la main à l’Algérie dans ces termes « C’est, donc, en toute clarté et en toute responsabilité que je déclare aujourd’hui la disposition du Maroc au dialogue direct et franc avec l’Algérie sœur, afin que soient dépassés les différends conjoncturels et objectifs qui entravent le développement de nos relations. A cet effet, je propose à nos frères en Algérie la création d’un mécanisme politique conjoint de dialogue et de concertation. Le niveau de représentation au sein de cette structure, son format, sa nature sont à convenir d’un commun accord ».