Gdim Izik: Les débats ont permis d’apporter des éléments de preuve sur les infractions commises par les accusés
Les débats judiciaires ont permis d’apporter des éléments de preuve sur les infractions commises par les accusés du procès de Gdim Izik, a souligné, mardi à Rabat, Maître Mathieu Cardon, avocat au Barreau de Lyon et Secrétaire général de l’Association de promotion des libertés fondamentales (APLF).
Selon les réquisitions du Procureur du Roi, nombre d’infractions d’ordre criminel sont établies dont la constitution de bande criminelle organisée, qui est un crime en soi selon les dispositions du code pénal marocain, qui permet de retenir une infraction commune à l’encontre de la plupart des accusés, a relevé M. Cardon dans un entretien accordé à la MAP.
« Les débats judiciaires ont permis d’apporter les éléments de preuve de cette infraction commise par les principaux auteurs poursuivis notamment pour planification en lien avec une puissance étrangère, préparation et accord entre eux sur la prise de contrôle du camp de Gdim Izik, après deux tentatives avortées de créer artificiellement d’autres camps d’agitation dans les semaines qui ont précédé, au début du mois de juillet 2010 et à la fin du mois de septembre 2010 », a-t-il expliqué.
Les éléments de preuve énumérés par le Parquet ont permis d’établir l’entente entre les auteurs sur la préparation de l’installation du camp, la prise en main de son organisation interne, l’établissement de différents comités, la distribution des rôles, la volonté de faire échouer les négociations avec les autorités locales en fixant des revendications inaccessibles, la séquestration des résidents du camp et la fourniture de moyens matériels via la distribution d’armes blanches et autres engins explosifs aux fins de commettre des crimes contre des personnes et des biens, a souligné M. Cardon.
D’autre part, le Procureur du Roi a établi comment après avoir pris le contrôle du camp, conformément au plan prémédité en amont et de concert, chacun des accusés a participé individuellement aux événements criminels à l’encontre d’éléments ciblés, notamment les éléments des forces de l’ordre, avec la démonstration de leur intention criminelle avérée, y compris dans ses aspects les plus atroces, a-t-il soutenu.
Il a, en outre, affirmé que les réquisitions du Procureur du Roi se sont appuyées sur plusieurs types d’éléments, à savoir les procès-verbaux de la police judiciaire dans le cadre de l’enquête de flagrance, les déclarations des accusés, les attestations de nombreux témoins résidant dans le camp qui ont reconnu les mis en cause, les témoignages de membres de la Gendarmerie royale et des forces auxiliaires dont certains sont eux-mêmes victimes des violences commises par les accusés, les procès-verbaux de constatation, les objets saisis (devises étrangères, téléphones portables, talkie-walkie, armes blanches…), les enregistrements vidéo diffusés lors des audiences, les rapports sur les déplacements de plusieurs accusés en Algérie avant l’installation du camp de Gdim Izik, les appels téléphoniques interceptés et les témoignages de certains accusés sur les actes commis par d’autres.
Sur la question d’implication d’une puissance étrangère, M. Cardan a relevé que le Parquet a apporté les preuves (enregistrements vidéo et PV sur les nombreux déplacements entre le Maroc et l’Algérie, relevés de conversations des appels téléphoniques interceptés, objets saisis dans les tentes des accusés ou chez eux…) que certains ont tenu des réunions préparatoires sur le territoire algérien en présence de plusieurs dizaines de personnes pour planifier et préparer leur action d’installer et de manipuler un camp de contestation, pour recevoir des instructions et obtenir des financements et des moyens matériels. Quelques-uns ont d’ailleurs suivi, selon lui, une formation paramilitaire à Tindouf.
« Les enregistrements des appels téléphoniques interceptés révèlent également la présence à Tindouf de l’ex-représentant du Secrétaire général des Nations unies pour la Sahara marocain, Christopher Ross, lors de la planification des opérations préméditées, sa seule présence à ce moment précis étant de nature à remettre gravement en cause son impartialité supposée », a-t-il déclaré.
Concernant le refus des accusés de comparaître devant la Cour depuis le 17 mai dernier, il a précisé que les accusés se sont retirés et ont refusé de comparaître devant la cour au moment précis où ils se sont sentis acculés par des pièces à conviction qui démontrent et confirment avec précision, de manière irréfutable, leur implication personnelle et matérielle aux événements criminels associés au démantèlement du camp de Gdim Izik le 08 novembre 2010.
Les accusés ont pris la décision de se retirer à partir du moment où la vérité est apparue de plus en plus claire et où les éléments de fait ont été démontrés avec exactitude. Autrement dit, ils ont adopté une attitude de fuite en avant par refus de faire face aux preuves les plus accablantes, dans le plus grand mépris des familles des victimes, a-t-il relevé, notant qu’en dépit de leur comportement, les accusés sont régulièrement informés du déroulement et du contenu des audiences à travers les comptes rendus du Greffier envoyé par le Président de la Cour auprès des accusés à la fin de chaque audience, leur défense continuant à être assurée par des avocats commis d’office.
Selon M. Cardan le refus des accusés de comparaître devant la Cour est l’une des principales questions de cette phase finale du procès. « Après avoir défié le Procureur du Roi d’apporter la moindre preuve contre eux, la question se pose en effet de savoir pourquoi les accusés refusent-ils toujours de comparaître devant la Cour en dépit de la demande leur étant faite au début de chaque audience ».
Leur décision est d’autant plus surprenante dans la mesure où les six magistrats qui composent la Cour ont accédé à la quasi-totalité des requêtes qu’ils ont formulées, notamment les demandes de convocation de témoins à décharge et des rédacteurs des PV de police judiciaire et les demandes d’expertise médicale. La Cour a répondu favorablement à toutes ces demandes, y compris lorsque celles-ci semblaient ne pas être fondées juridiquement, de manière à rendre ce procès le plus juste et le plus équitable, a-t-il souligné.
Pour conclure, le secrétaire général de l’APLF a relevé que les observateurs envoyés par son Association ont constaté que le procès se déroule dans des conditions exemplaires, à tel point que l’un des avocats de la défense a jugé nécessaire de préciser devant la Cour que les accusés peuvent jouir de droits jamais vus ailleurs.