Le marocain est-il innovant?
Hicham Alaoui Bensaïd
Il est très largement répandu dans notre acception culturelle que le marocain moyen est malin, rusé, débrouillard… Bref, qu’il sait souvent faire contre mauvaise fortune bon cœur pour améliorer son quotidien, voire pour survivre dans certains cas.
Pour poursuivre la réflexion selon des critères plus rationnels, considérons le dernier classement du Global Innovation Index, établi annuellement par des intervenants de premier plan, notamment l’Université de Cornell, l’INSEAD ou encore l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle.
Au titre de cette étude (basée sur le croisement de critères variés tels la qualité des institutions politiques, du capital humain, des infrastructures ou encore le degré de complexité du marché), il apparaît que sur 127 économies sondées, notre pays émarge à une somme toute modeste 72eplace, quand bien même il demeure leader en Afrique du Nord et dans la moyenne haute (11e sur 26 pays) des pays de la zone MENA (Middle East North Africa, pour Moyen Orient et Afrique du Nord).
Ainsi, l’on apprend que notre économie est l’une des 40 meilleures au monde en termes de potentiel d’actifs immatériels (dessins, modèles industriels et brevets déposés à l’OMPIC) et l’une des 50 premières en qualité d’infrastructures. En revanche, nous faisons partie des derniers de la classe s’agissant de sophistication du marché et des liens entre recherche académique et innovation.
De fait, tout le mal rongeant notre économie semble là résumé. En effet, le capital immatériel, mais aussi, depuis peu, la disponibilité des infrastructures (le rythme des inaugurations royales en est l’illustration concrète) constituent un réel effet de levier pour notre développement. Toutefois, malheureusement, le système éducatif demeure substantiellement destructeur de valeur, notamment parce qu’il produit, de plus en plus, des générations de plus en plus parfaitement décorrélées des réelles exigences du marché. Bien pis, et pour élargir davantage la réflexion, même le rôle éducatif de l’école, dans sa deuxième acception (celle d’inculquer discipline, valeur et rigueur) est de plus en plus difficilement perceptible.
En définitive, trois constats paraissent s’imposer à nous :
1- le marocain semble bel et bien intrinsèquement malin, innovant et créatif, à l’image d’un Adnane Remmal ou d’un Jamal Tazi, mais aussi de tant de success stories quotidiennes, bien moins médiatiques
2- les infrastructures de recherche sont en développement notable et sont estimées par des observateurs étrangers comme présentant des standards satisfaisants
3- peut-on aller loin avec un moteur, éducatif, au bord de la rupture? La réponse est tristement évidente.