La parole du Roi a force de loi
Par Hassan Alaoui
Il convient de souligner de prime abord que le Discours commémorant le 68ème anniversaire de la Révolution du Roi et du peuple prononcé par Mohammed VI vendredi 20 août constitue un acte de foi, différent en tout des autres allocutions. Le Souverain, depuis son accession au Trône en juillet 1999, a rompu avec une tradition des longs discours et nous a habitués à une nouvelle méthodologie, à une autre temporalité.
Entre quinze et dix-sept minutes d’un concentré didactique où quasiment toute l’actualité est passée au crible autour d’un faisceau de réponses aux questions du moment que se posent les citoyens. La parole du Roi ayant force de loi, comme on dit, il a abordé les sujets qui nous tiennent à cœur et qui ont, peu ou prou, façonné le visage du Maroc et de ses relations avec le reste du monde depuis quelques mois. Et la parole du Roi Mohammed VI a été conséquente, lourde de sens et pédagogique à bien des égards. Quand bien même le Roi aurait usé de non-dits, celles et ceux qui l’ont écouté ont bien saisi le sens et la profondeur de ses mots. Il nous a ouvert des pistes, voire désigné le chemin vers les sentiers prétendument « invisibles » mais vite connus des campagnes hostiles à notre pays et de leurs vils animateurs qui se cachent derrière. A l’instar de cette image d’Antigone ou d’un Parménide qui fend la nuit pour nous montrer la lumière, le discours royal nous a enfin fixé sur une série de problématiques auxquelles notre pays a été confronté.
L’art et la manière
Chez le Roi Mohammed VI, homme d’éducation s’il en est, tout a un sens, et notamment le langage. Il n’use pas de prosopopées ou de leurs antonymes, il met en revanche en exergue les « contextes » et les temporalités intelligibles, laissant à chacun le soin d’en opérer sa propre lecture, estimant à juste titre que ses auditeurs – ce peuple intelligent et patriote que sont les Marocains – feront eux-mêmes la part des choses. Tant et si bien que le Roi n’avait nullement besoin de citer un tant soit peu des noms, de personnes ou de pays considérés comme les faces invisibles de cette furieuse campagne d’hostilité déclenchée contre notre pays. Laquelle, bien entendu, est l’œuvre secrète de certains Etats et gouvernements, d’associations supplétives , de services et de cabinets noirs qui, ligués dans un diabolique pacte faustien, n’ont de cesse de freiner l’élan du Maroc et de le déstabiliser.Le Roi les a définis avec l’art et la manière ! Du haut de sa longue expérience politique, de sa pratique de celle-ci, nourri de cette pudeur dont on dit qu’elle est la politesse des grands Rois, Mohammed VI nous a éclairés et, au-delà, a interpellé le monde. Dans notre métier qu’est le journalisme – à tout le moins dans la presse écrite – on disait « de deux mots, le moindre », notamment pour élaborer nos titrailles et nos manchettes de la « Une »… Mais le « moindre » ici, c’est aussi le plus fort et l’intense, celui dont la portée sémantique n’a d’égale que l’expressivité profonde à double détente : l’information immédiate et ce qu’elle implique en arrière-plan.
On ne conçoit nullement que le Roi descende au niveau des détracteurs, ou recourt à leur langage abyssal pour apporter la réponse idoine et, cela va de soi, satisfaire notre égo de revanchards. Dans ce contexte d’hostilité libidineuse envers le Royaume du Maroc, où la charge algérienne est piteuse, le Roi nous a donné une leçon , celle de l’art et de la manière qui devraient devenir notre abécédaire, l’Alpha et l’Omega, ce bréviaire politique dont nos adversaires ignorent visiblement la règle fondamentale. A preuve, cette lamentable et méprisable attitude de « niet » absolu aux propositions royales de normalisation entre le Maroc et l’Algérie qui nous ramène à un état de voisinage moyenâgeux digne des « guerres de cents ans » ! Or, les soudards de sous-préfecture qui dirigent un grand pays comme l’Algérie et étouffent en même temps un grand peuple, s’imaginent que le Royaume du Maroc n’a d’autre choix que s’abaisser devant leurs caprices et quémander l’ouverture des frontières ou un prétendu rapprochement. Ils se mettent le doigt dans l’œil. Un Royaume est un Royaume, avec toute la profondeur et la splendeur qui lui siéent.
Des velléités de blocage
Excepté la parenthèse de l’année qui a suivi l’indépendance de l’Algérie en 1962 et qui a duré une année avant le déclenchement de la triste « Guerre des sables » en octobre 1963, ensuite de cette étrange lune de miel entre 1969 et 1975 qui a suivi le Traité d’Ifrane, où la frontière entre les deux pays a été miraculeusement ouverte mais refermée après la Marche verte, rouverte en 1994, jamais malheureux blocage n’a été si long entre deux pays que celui du Maroc et de l’Algérie. En tout et pour tout, la frontière a été ouverte réellement quelque 6 ans dans une histoire parallèle, parfois commune de 60 ans…Les générations ont, de part et d’autre, assuré les relèves, certes, mais nous avons assisté à la fixation du même pendule des années soixante, les deux peuples victimes d’un jeu de massacre qui n’en finit pas de détruire leur espérance d’un voisinage constructif. Dès le départ, autrement dit en 1962, le Maroc aurait dû sentir ce parfum de traîtrise propre à la culture militaire de ce régime qui a assassiné ses propres libérateurs, comme Abane Ramdane, Krim Belkacem, Kasdi Marbah, Tariq Khider, Mohamed Boudiaf et j’en passe…
On n’en est plus là aujourd’hui ! La digression ici, je ne l’impose pas à mes chers lecteurs, mais elle s’impose d’elle-même dans ce contexte où le mensonge de l’Etat algérien , nourri, entretenu et relayé par les médias à sa solde ne cessent de nous fourvoyer. Ici les incendies de forêt, là un Haut conseil de sécurité sorti avec un communiqué délirant, là encore un général de son état chamarré qui dit ne faire qu’une petite bouchée du Maroc…
Dans son discours du 20 août, le Roi a tout simplement mis en garde les uns et les autres, avec une fermeté consubstantielle, pour leur rappeler que le Maroc ne se détournera pas da la voie tracée pour défendre sa stabilité, sa marche vers le progrès, sa vision diplomatique multilatérale, son intégration dans le continent africain et sa proximité avec l’Europe, le monde arabe, les pays d’Amérique…Un discours de 17 minutes, comme on a dit, qui est un large regard panoptique. Comme un fil d’Ariane sur lequel s’inscrit une irréversible et puissante volonté d’aller de l’avant, la parole royale – avec tout ce qu’elle incarne comme force – a valeur de programme, plus qu’une feuille de route circonstancielle.
L’Histoire dira un jour ce qu’il en est de ces velléités anachroniques – je dirais meurtrières – d’empêcher coûte que coûte le Royaume du Maroc d’accomplir son développement, de parachever son intégrité territoriale, de défendre son modèle. Dans le sillage du discours du Roi Mohammed VI, nous prenons acte de l’impératif du combat de longue haleine pour défendre mordicus notre pays, nos institutions et notre démocratie.