Les cinq années qui ont tué le PJD
Je reconnais dès le début de cet article avoir été abasourdi par les résultats catastrophiques du PJD et je n’analyserai, aujourd’hui, ni la vague bleue du RNI ni la vague rose de l’Istiqlal (+72 %). Je reste sur nos amis du PJD ou du PJD-13.
J’étais convaincu de leur probable défaite, mais j’hésitais sur sa pondération. Heureusement pour moi, je n’étais pas le seul car pratiquement toutes les analyses (classe politique, politologues, journalistes, leaders d’opinion, …) allaient dans le même sens.
Le PJD allait perdre 30,40 %, et même 50 % de ses sièges ! Sinon, le principe de Peter selon lequel « dans une hiérarchie, tout employé a tendance à s’élever à son niveau d’incompétence » devrait s’appliquer à l’auteur de cet article.
Des éléments objectifs et des raisons multifactorielles avaient structuré mes prévisions
L’usure du pouvoir, l’absence d’un leader charismatique, la déception par rapport aux promesses non tenues , campagne de dénigrement forte et bien orchestrée par leurs adversaires politiques et un espace médiatique très hostile auraient expliqué naturellement une performance de 60-65 députés. Mais 13, quatre seulement directement et 9 femmes grâce uniquement aux listes régionales.
Cette tendance lourde est bien confirmée au niveau local, le PJD est passé de 5 021 sièges à 777 aux communales, et de 174 sièges à 18 aux régionales.
Et pourtant, j’aurai parié que le nouveau mode de scrutin, contrairement à l’avis général, allait leur permettre de sauver la mise.
Encore une fois, j’avais tout faux
Qu’ils viennent encore nous parler d’argent, de notabilité, de clientélisme et du laisser- faire des autorités serait de bonne guerre, mais un tel niveau de débâcle ne saurait s’expliquer par les insuffisances habituelles du processus électoral au Maroc.
En attendant une lecture plus fine des résultats lors de la publication prochaine des chiffres détaillés des votants par élection, candidat et circonscription (nationale, régionale et communale), je vais m’aventurer, avec modération et beaucoup de modestie, sur les pistes probables qui auraient amplifié à ce point la défaite du PJD.
Date d’aujourd’hui et pour ma part, j’en vois cinq(au-delà de ceux cités au-dessus) en avouant ma difficulté à bien les pondérer :
1 – Les fameux primo-votants et nouvellement inscrits
Il est probable que ces 3.000.000 de Marocains, jeunes, plutôt féminins et urbains, n’ayant en mémoire que la gouvernance de ces dix dernières années et marqués par celle du Covid-19, ils se sont inscrits dans un large mouvement de dégagisme.
2 – A la recherche de candidats désespérément
Il y a probablement aussi un signal faible auquel nous n’avions pas accordé suffisamment d’importance, celui du nombre de candidatures aux élections communales.
Le PJD n’a pas réussi, à la surprise générale, à mobiliser que 50 % de candidats au communal par rapport à la dernière fois : 16.310 en 2015 à 8.681 en 2021.
Moins de candidats engendrent mécaniquement des campagnes électorales locales faibles, sinon inexistantes et évidemment moins de voix et d’élus.
L’énigme reste à analyser : leurs candidats ont été les premiers à déserter !
3 – Le même jour de vote, la double ou triple sanction
On a beaucoup parlé du jour du vote Mercredi / Vendredi et des trois élections le même jour, je prends le risque (pas assez de données) d’affirmer que cette organisation du scrutin a homogénéisé le vote des électeurs :
Un vote sanction aux législatives a conduit par réflexe au vote sanction local (communal et régional).
4 – Pas de modèle de réussite ailleurs
Cette affirmation est tellement évidente qu’il n’y a pas lieu de plus de démonstration. Les Marocains sont bien connectés et suivent les différentes situations politiques et économiques des pays aussi bien, maghrébins ou arabo-musulmans.
Les Marocains ont dit stop (un grand stop) en faisant descendre du train une classe politique, pensant qu’elle ne saurait pas être compatible avec le Nouveau Modèle de Développement en engendrant un nouveau paysage politique marocain.
5 – Le Covid-19 a achevé le phénomène “OULD DERB” et a sécularisé l’Etat fort et protecteur
Pour commencer, on peut affirmer au moins, trois choses :
La parenthèse populiste est refermée (acteurs et discours).
Le discours victimaire n’est plus de mise.
Le triptyque “politique, religion et probité” dans le discours électoral n’est plus performatif
Aussi, est-il possible que cette crise sanitaire, à travers sa gestion exemplaire par l’État, ait engendré un désir de plus d’État, plus de sécurité soit un État fort et protecteur.
L’opinion publique n’a retenu que la mobilisation des autorités locales par rapport à la disparition notable des élus locaux dans la gestion de cette pandémie.
Suis-je objectif dans mes analyses ? peut-être pas assez.
Mais le retour à notre Islam tranquille, à la normalité avec ses problèmes politiques, économiques et sociétaux, qui demeurent, peut-être aussi libérateur d’espoir pour mon pays.
La confiance n’est pas encore là, à nous tous de la rétablir.
L’espoir ne se décrète pas, mais à nous tous de le promouvoir.
Adnane Benchakroun (l’ODJ)