L’entreprise face au Post-Covid-19 : « Je sais combien ça coûte, dites-moi ce que ça rapporte »
Par Btissam Laamime (*)
Toute somme dépensée par l’entreprise dans la formation suppose un retour sur investissement à l’arrivée. Les managers, garants de la bonne gestion de leurs équipes et, in fine, de la productivité de ces dernières, sont conscients de la nécessité de ce recours à la formation. Mais pour autant, dans quelle mesure sont-ils impliqués dans le processus de formation ? Quel est le rôle que l’entreprise attend de les voir jouer dans ce processus, avant, pendant, mais surtout après ? Et comment envisager avec précision l’évaluation des changements obtenus ?
Pour exister au sein du marché sur lequel elle se positionne, l’entreprise doit sans cesse affûter la lame de sa compétitivité. Dans cette perspective, elle se doit de mettre constamment à jour ses outils de production et les moyens de mener années après années une politique concurrentielle, ce qui induit immanquablement la formation de ses collaborateurs. En effet, si ces derniers acquièrent les connaissances liées à l’évolution constante d’un marché sans cesse tourné vers l’avenir, c’est l’entreprise qui récolte les fruits de son investissement.
La formation contribue à faire évoluer et progresser les comportements et permet, en outre, de stimuler les performances à l’échelle collective. Bien qu’elle représente un coût et mobilise un temps précieux, elle ne saurait être envisagée comme une activité annexe et hors sol. Partir des résultats et des objectifs que l’on vise est nécessairement la première étape à tout recours à la formation. L’historien Lucien FEBVRE l’a si bien énoncé : « Quand on ne sait pas ce qu’on cherche, on ne sait pas ce qu’on trouve. »
Mais comment rendre compte de l’efficience de la formation ?
Évaluer une formation à l’aune de son efficience, c’est questionner en amont sa capacité à atteindre les objectifs fixés et, sur le terrain de l’entreprise, sa faculté à permettre l’obtention des résultats recherchés. Il ne saurait être question d’en rester sur le plan de la satisfaction immédiate et des connaissances théoriques acquisespar les apprenants. L’évaluation doit être un moyen de réunir les preuves concrètes et quantifiables censées résulter de la formation. Elle doit échafauder une problématique de cause à effet qui prend sa source au cœur même du monde de l’entreprise et des pratiques qu’il faut sans cesse adapter et tenir à jour.
Dans la mise en œuvre des outils RH dont il dispose, le manager a recours à la formation de son équipe. Poste clé dans l’organigramme de l’entreprise, il possède une connaissance globale et détaillée des fonctions qu’il supervise. Pour définir de manière préciseson rôle dans le processus de formation, il est utile de se poser la question de la place qu’il devrait y occuper. En effet, la formation n’a pas vocation à s’entendre en termes de bilan. Elle doit servir d’outil de pilotage pour accompagner les collaborateurs à chaque étape de l’assimilation de leurs connaissances.
Ainsi, dans la mise en œuvre d’un plan de formation, le manager peut organiser un entretien préalable afin de définir les objectifs et les enjeux, en regard du contenu de l’apprentissage. Une fois le collaborateur formé et de retour à son poste, le manager peut suivre et favoriser le transfert de ses acquis, en évaluer la pertinence sur le terrain et les moyens d’en tirer profit de manière concrète. Il peut également, de manière informelle, agir de sorte que le collaborateur évolue dans un climat propice à la mise en pratique du fruit de son apprentissage. Un entretien post-formation pourra clore le processus afin d’élaborer un plan d’action qui visera à concilier théorie de l’apprentissage et pratique des connaissances et des comportements nouvellement introduits. Enfin, dans le but de créer une dynamique vertueuse au sein de l’équipe, le manager pourra en dernier ressort tenir une réunion et ainsi favoriser la circulation des savoir-faire.
Toutes ces initiatives mises bout à bout, n’avons-nous pas là les rouages d’un processus au cœur duquel le manager devrait être impliqué ? N’est-ce pas de cette manière qu’il est permis à la formation de tenir ses promesses, au-delà du sombre écueil de nos aptitudes mémorielles ?
Car il est bon de le rappeler, la mémoire est un allié fragile. Le philosophe allemand Hermann Ebbinghaus en fait l’implacable démonstration dans sa courbe de l’oubli. Le schéma dont cette courbe est issue apporte une certitude qui peut être fatale à tout collaborateur ayant suivi une formation : « le temps est un arbre aux branches desquelles les souvenirs tombent comme des feuilles en automne. »Autrement exprimé en chiffres, tout apprentissage se réduit à 75% de son contenu aussitôt terminé et se résume à 20% de ce même contenu au bout d’une semaine, si la mémoire n’a pas été réactivée. En conséquence, la nécessité d’une évaluation et d’un suivi post-formation donne au rôle du manager toute sa substance. En mettant préalablement en place un plan d’action à court terme qui se prolongerait au cours des mois suivants, à J+30 puis à J+90, la réactivation de la mémoire donnerait aux contenus des formations toutes leurs chances d’être appliqués durablement.
Enfin, et pour que le panel appréciatif d’une formation offre au manager toute sa mesure, recourir à un modèle d’évaluation, celui de Donald Kirkpatrick par exemple, semble être un choix judicieux. Il faut dire que ce dernier propose, au travers de ses quatre niveaux, un passage au crible de tout ce qui peut rendre justice ou non au moindre processus de formation. Et au-delà du prisme de la satisfaction à chaud des deux premiers niveaux de ce modèle, les deux niveaux suivant rappellent à quel point il est primordial d’appliquer sur le terrain les acquis, à condition d’y avoir adjoint un plan d’action aux manettes desquelles le manager contrôle, renforce et encourage le collaborateur. À condition, qui plus est, de soupeser, chiffrer, quantifier l’impact à court terme des savoir-faire nouvellement introduits et l’empreinte sur le long terme de ceux-ci.
Et il va sans dire que pour conduirede manière optimale cette suite d’évènements qui constitue une évaluation minutieuse et aboutie, le manager a le devoir d’être particulièrement impliqué dans ce processus, bien au-delà du simple fait d’en être l’instigateur. Il en va de toute une entreprise qui mise sur cet allié dans l’organigramme hiérarchique, tout en restant vigilante sur le sujet sensible du bien-fondé d’une telle démarche.
(*) Experte en efficacité commerciale et techniques de vente