Réconciliation : La Libye à la croisée des chemins
Après plus de dix ans de guerre civile particulièrement destructrice et meurtrière, un espoir de paix est né en Libye en 2021.
En attendant la tenue, le 24 décembre, de l’élection présidentielle, un processus complexe, semé d’embûches et entouré de grandes incertitudes, le pays vit malgré tout un semblant de retour au calme et se projette dans une perspective de reconstruction et d’unité, longtemps perdue.
Manifestement, ce scrutin va se dérouler dans un pays se relevant tout juste de deux guerres civiles. Le Gouvernement Dabaiba qui a pris ses fonctions, le 13 mars 2021, a marqué un important virage dans la crise libyenne.
Ce gouvernement de transition est non seulement reconnu par l’ensemble de la communauté internationale, mais semble contrôler davantage de territoires que celui qui l’a précédé.
Composé de représentants des trois parties de la Libye (Tripolitaine à l’ouest, Cyrénaïque à l’est et Fezzan au sud), des différentes sensibilités et ethnies de la scène politique libyenne, ce gouvernement, dirigé par le Premier ministre Abdelhamid Dabaiba et présidé par Mohammed el-Menfi, a réussi malgré tout de faire renaître un espoir de paix et de réconciliation.
Même si la situation semble s’être apaisée depuis quelques temps, le pays reste confronté à de nombreuses crises dont le manque de cohésion dans le système de gouvernance, un système sécuritaire complètement fragmenté et le risque persistant d’ingérences étrangères.
En effet, la présence de forces étrangères qui, malgré les nombreuses injonctions notamment de l’OONU, demeure un sujet problématique et parfois de vives frictions.
Tout en réitérant son « refus des ingérences étrangères » dans les affaires du pays et les « tentatives de semer le chaos en Libye« , allusion faite à la présence de combattants étrangers, le gouvernement Dabaibeh semble avoir encore du mal à imposer sa loi et à forcer le rapatriement de ces forces extérieures alimentées par certaines puissances extérieures.
Il n’y a pas longtemps, l’ONU faisait état de quelque 20.000 mercenaires et combattants étrangers présents en Libye, mais aussi plusieurs centaines de militaires turcs présents en vertu d’un accord bilatéral conclu avec l’ancien Gouvernement d’union nationale.
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A quelques jours d’une élection présidentielle cruciale pour l’avenir de la Libye, tous les acteurs dans leur diversité semblent déterminés à respecter les résolutions de l’ONU et à créer un environnement propice à la tenue d’élections nationales transparentes et inclusives le 24 décembre, qui verra la participation de plus de 2,83 millions d’électeurs sur environ sept millions d’habitants.
Pour la communauté internationale, la tenue de ces élections est essentielle pour pacifier le pays, mais dans un contexte sécuritaire toujours fragile et de divergences politiques persistantes, y compris sur le calendrier électoral.
A cet effet, le Secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a souligné que l’organisation du scrutin présidentiel en Libye représente une « étape essentielle » sur la voie de la paix et de la stabilité.
« Cette étape doit être bâtie sur une base solide, avec des cadres inclusifs et crédibles qui puissent garantir son succès« , a estimé le SG de l’ONU, invitant les Libyens à se rassembler dans un « esprit d’unité nationale, à surmonter les différences qui subsistent et à forger un consensus sur le cadre juridique des élections, en consultation avec toutes les institutions nationales compétentes, et dans le respect de leurs règles et procédures« .
En dépit de ces avancées notables sur le plan politique et sécuritaire, le pays reste fortement polarisé. Même si les Libyens sont impatients de voter, une opposition persiste autour du cadre juridique des élections. Les tensions montent également sur l’éligibilité de certains candidats de premier plan à l’élection présidentielle.
La Libye traverse plus que jamais un moment extrêmement délicat et fragile sur la voie de l’unité et de la stabilité à travers les urnes. Alors que les risques associés à la polarisation politique actuelle autour des élections sont évidents et présents, la non-organisation des élections pourrait gravement détériorer la situation dans le pays et conduire à davantage de divisions et de conflits.
Dix ans après la disparition du dirigeant Mouammar Kadhafi, la Libye pourrait-elle retrouver en 2022 son unité et sa stabilité ? Une telle évolution dépendra essentiellement de la réussite des élections et ,surtout, de la volonté de tous les acteurs à respecter leurs engagements et, également, du retrait des forces étrangères qui ont perduré les divisions, alimenté les tensions et brouillé toutes les pistes de sortie de crise dans un pays qui détient la deuxième plus grande réserve pétrolière d’Afrique après le Nigéria (48 milliards de barils de réserves estimées) alors qu’en Méditerranée, sa partie orientale recouvre d’importants gisements gaziers (50 milliards de mètres cubes).
Pour cette raison et bien d’autres, le pays continue à attiser les convoitises, devient un terrain de prédilection d’intérêts pas tout le temps convergents.
(Avec MAP)