Algérie : Les quatre grands maux de la « nouvelle Algérie » de Tebboune
Impasse politique, recul des libertés et répression de toute voix discordante, crise économique et malaise social voilà ce qui résume le mieux la situation qui a prévalu en Algérie en 2021.
Aujourd’hui, tout le monde en convient que le problème de l’Algérie a pour origine un système, un ordre de gouvernance, qui résiste à tout changement et une aversion aux réformes qui a fait perdre à ce pays pétrolier et gazier sa transition et qui est en train de produire une large désillusion chez les jeunes et les moins jeunes.
La gestion calamiteuse de la pandémie de Covid-19 et une implacable répression judiciaire du Hirak, qui était une chance historique de changement, ont freiné l’élan de ce mouvement pacifique pour réclamer un changement du système politique.
Le pouvoir en place est resté inaudible aux sollicitations du peuple algérien pour plus de liberté et d’ouverture avec un système qui est resté figé. Pour de nombreux, l’Algérie vit une situation de régression continue.
Aux abois, le pouvoir algérien, loin de chercher les bonnes solutions, a préféré faire une fuite avant. Il cherche constamment à se défausser de ses problèmes sur d’autres pays ne reculant pas à créer des tensions diplomatiques pour externaliser les problématiques sérieuses de gouvernance et de développement.
C’est au plan politique que l’on peut mesurer au mieux la faillite du système algérien. Lors des consultations électorales, on a enregistré une véritable désaffection historique populaire. Il y a eu un taux de boycott inédit voire historique, qui en dit beaucoup de la désillusion du peuple algérien.
Pour certains, cette « Algérie nouvelle », annoncée par Tebboune, se trouve être pire que « l’ancienne ».
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Le scrutin législatif de juin 2021 fut un véritable camouflet pour le régime en place en étant boudé par plus de trois Algériens sur quatre. Seulement 23 % des Algériens se sont déplacés dans les bureaux de vote. Une très faible participation qui prive les résultats de tout sens.
La nouvelle assemblée ne renverse pas l’équilibre établi depuis l’indépendance de l’Algérie et la nouvelle équipe gouvernementale n’est pas non plus le vecteur du « changement » annoncé par Tebboune. Dix-sept membres du gouvernement sortant sur 36 ont été reconduits. Cela fait que malgré les annonces diverses du pouvoir, la promesse d’une « Algérie nouvelle » qui aurait tourné la page Bouteflika est loin de se concrétiser.
Le pouvoir en place reste déterminé à imposer sa « feuille de route » électoraliste, en ignorant les revendications du Hirak à instaurer un Etat de droit, une transition démocratique, la souveraineté populaire et une justice indépendante.
L’Impasse politique a été accompagnée par un recul des libertés et une grave dérive sécuritaire. Le bilan en termes de droits humains est jugé catastrophique.
Des centaines de militants croupissent en prison de tous bords politiques et de toutes les sensibilités. En même temps, le champ politique et médiatique se cadenasse de plus en plus. Universitaires, partis politiques, collectifs de citoyens, associations dénoncent « l’utilisation de la justice en Algérie comme instrument de répression ».
Parce qu’ils revendiquent leurs droits les plus élémentaires de citoyens libres, de nombreux se retrouvent emprisonnés, sous mandat de dépôt ou sous contrôle judiciaire.
L’heure est grave pour les libertés et les droits, s’indignent plusieurs ONG qui expriment leur réprobation de voir des citoyens privés, par un pouvoir autoritaire et répressif, de leur droit à la liberté d’expression, à l’espace public, à émettre des avis sur la gouvernance de leur pays et des institutions censées les servir et incarner leurs aspirations.
Sur le plan économique et nonobstant une importante dotation naturelle, le pays ne cesse de crouler sous le poids des difficultés.
En 2020, faut-il signaler, la rente des hydrocarbures qui représente 90% des recettes d’exportation du pays, a fondu, baissant de 40%, grevant de 31% les recettes fiscales du pays.
Il en est résulté une diminution drastique des investissements et des commandes publiques vitales pour les entreprises et les ménages. Comme on pouvait s’y attendre, le pays qui a connu une grave récession de 5,2% a été contraint à opter pour un système d’austérité sans précédent, en reportant les grands travaux, limitant les importations, entraînant dans son sillage une chute du revenu des ménages, des fermetures d’entreprises ou de commerces, une envolée du chômage et une flambée des prix des matières de première nécessité.
Plus grave, l’Algérie vient de faire un virage de 180° en tournant le dos à l’un de ses plus importants héritages économiques. Il s’agit de la suppression, dans le cadre de la loi de finances 2022, du système de subventions généralisées des produits de base, qui existe depuis les années 1960.
Très attendue, maintes fois reportée, cette réforme exigée par le Fonds Monétaire International (FMI) intervient alors que l’économie algérienne traverse un cap difficile.
Le FMI a, en effet, averti l’Algérie sur l’impératif de recalibrer la politique économique pour corriger les déséquilibres macroéconomiques.
Aux difficultés économiques, les Algériens font de plus en plus face à la précarité, à l’érosion du pouvoir d’achat et aux pénuries des produits essentiels.
Tous ces problèmes ont fini par exaspérer la population qui supporte mal les conséquences de son appauvrissement, de l’aggravation du chômage notamment chez la catégorie des jeunes, de l’envolée de l’inflation, favorisant du coup la montée de la contestation sociale.
Près de 24 millions d’Algériens consacrent plus de 60% de leurs revenus à la satisfaction de leurs besoins alimentaires, alors que cette proportion se situe entre 10 et 20% dans de nombreux autres pays au monde.
La hausse des prix commence à peser sur les bourses des ménages. Dans le pays, l’inflation flirte avec les 6%, se traduisant par une hausse des prix et la levée des subventions publiques sur certains produits, notamment le carburant, affectant directement le pouvoir d’achat.
Concomitamment, le chômage grimpe. La population en chômage est estimée à 1,5 million, correspondant à un taux de chômage de 11,4%, dont 442.000 jeunes âgés de 16 à 24 ans (soit un taux de 26,9% pour cette catégorie).
Le système de santé a montré ses limites. La pandémie a mis à nu un système de santé incapable de répondre aux besoins de la population, surtout en période de crise, avec une inégalité d’accès à la prévention et aux soins.
Ce mélange détonnant a fini par exacerber les tensions sociales. Tout au long de l’année 2021, la gronde sociale a été permanente et plusieurs secteurs, dont l’Education et la Santé, ont été gravement affectés. Un malaise et une désillusion qui laisse croire que ce pays, dans l’impasse, n’a eu de cesse de faire marche arrière à toute vitesse dans tous les domaines.
(Avec MAP)