Affaire du médicament Dépakine : Sanofi jugé responsable d’un manque de vigilance
Le tribunal judiciaire de Paris a jugé, mercredi, que le groupe français Sanofi avait « commis une faute en manquant à son obligation de vigilance et à son obligation d’information » concernant les risques du médicament Dépakine, un antiépileptique responsable de malformations et de troubles neurodéveloppementaux chez des milliers d’enfants.
Dans une décision très attendue, le tribunal a également estimé « recevable » l’action de groupe présentée par l’association de victimes de la Dépakine contre le laboratoire, ouvrant la voie à une première judiciaire dans le domaine de la santé en France.
L’Association d’aide aux parents d’enfants souffrant du syndrome de l’anticonvulsivant (Apesac), à l’origine de la procédure en 2017, considère que le laboratoire a trop tardé à informer les patientes des risques à prendre ce médicament pendant la grossesse, avec des conséquences terribles comme des malformations majeures (colonne vertébrale, cœur, membres…) et des troubles neurodéveloppementaux allant jusqu’à l’autisme sévère.
La procédure, menée en parallèle d’une enquête pénale, est illustrée par 14 cas de mères ayant reçu du valproate de sodium (principe actif de la Dépakine) lors de leur grossesse entre 1977 et 2015.
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Le valproate de sodium est commercialisé depuis 1967 sous les marques Dépakine (pour les patients épileptiques), Dépakote et Dépamide (pour les patients bipolaires), ainsi que sous des marques génériques. Cette molécule serait responsable de malformations chez 2.150 à 4.100 enfants et de troubles neurodéveloppementaux chez 16.600 à 30.400 enfants, selon des estimations de l’Assurance maladie et de l’Agence du médicament (ANSM).
Dans son jugement, le tribunal fixe entre 1984 et 2006 la période de temps durant laquelle le risque de malformations congénitales n’a pas suffisamment été pris en compte. Pour les troubles neuro-développementaux, qui ont mis plus de temps à être reconnus, il réduit cette période à 2001-2006.
Compte tenu des informations scientifiques disponibles à l’époque, le tribunal estime que Sanofi « a produit et commercialisé un produit défectueux entre le 22 mai 1998 et janvier 2006 pour les malformations congénitales, et entre 2001 et janvier 2006 pour les troubles neuro-développementaux ».
Il ordonne qu’une large publicité soit faite à la possibilité ouverte aux patientes et à leurs enfants de participer à cette action de groupe. Les femmes concernées et leurs enfants nés entre 1984 et janvier 2006 pour les malformations congénitales et entre 2001 et janvier 2006 pour les troubles développementaux et cognitifs disposent de cinq ans pour le faire.
Sanofi, déjà mis en examen en 2020 pour « homicides involontaires » dans l’enquête pénale sur cette affaire, a annoncé son intention de faire appel du jugement.
(Avec MAP)